Quatrième examen de Djibouti par le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU : de la rhétorique à l’action

April 16, 2024

A l’issue de son quatrième cycle de l’Examen Périodique Universel, Djibouti a informé le Conseil des droits de l’Homme de sa décision d’accepter 228 des 269 recommandations que le pays avait reçues. Si Djibouti a accepté la plupart des recommandations appelant les autorités à renforcer la mise en œuvre concrète des droits humains, le pays n’a pas accepté celles concernant la ratification d’instruments supplémentaires relatifs aux droits humains.

DJIBOUTI, DJIBOUTI - 18 AVRIL 2019 : Monument aux Martyrs devant le Palais du Peuple à Djibouti, capitale de Djibouti. © Matyas Rehak/ Shutterstock.com  

Le 9 novembre 2023, Djibouti a été examiné devant le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU (CDH), lors du quatrième Examen Périodique Universel (EPU) du pays. En amont de l’examen, MENA Rights Group a soumis un rapport alternatif, contenant une liste de recommandations clés, qui a été distribué aux Etats examinateurs.  

Le 25 mars 2024, lors de la 55e session, Djibouti a informé le Conseil de sa décision d’accepter 228 des 269 recommandations reçues. Djibouti a accepté la plupart des recommandations relatives à la liberté d’expression, à la liberté de la presse, au droit d’association et de réunion pacifique ainsi qu’à la lutte contre le sexisme et la discrimination raciale.

Cependant, la plupart des recommandations concernant la ratification des conventions internationales ont été simplement « notées » par les autorités djiboutiennes. Djibouti a également « noté » des recommandations relatives à « l’interdiction de la discrimination fondée sur le genre, l’identité de genre ou l’orientation sexuelle ». Concrètement, le gouvernement djiboutien a annoncé qu’il ne prendrait aucune mesure pour mettre en œuvre lesdites recommandations.

Commission nationale des droits de l’Homme

Djibouti a accepté les six recommandations concernant la Commission nationale des droits de l’Homme (CNDH), l’Institution nationale des droits de l’Homme (INDH) de Djibouti, y compris celles demandant la peine conformité de l’institution avec les Principes de Paris. Ceci est en accord avec la déclaration de la délégation pendant l’EPU, affirmant qu’une nouvelle législation était en cours d’élaboration qui renforcerait l’indépendance de l’INDH en faisant élire ses membres par la « société civile » et en renforçant l’immunité de ses membres. Cette loi devra être votée par le Parlement.

La loi qui régit actuellement l’INDH de Djibouti présente de graves lacunes, notamment en ce qui concerne le contrôle de l’exécutif sur le processus de nomination, les membres étant toujours nommés par l’exécutif. L’indépendance de l’INDH est également limitée car ses rapports doivent être approuvés par le gouvernement avant d’être publiés, comme le montre le rapport de MENA Rights Group transmis au Sous-Comité d’Accréditation de l’Alliance mondiale des INDH.

MENA Rights Group va continuer à suivre de près l’INDH de Djibouti afin de rendre compte de sa conformité plus approfondie des Principes des Paris, ou de l’absence d’une telle conformité.

Droits et libertés fondamentaux

Bien que le droit à la liberté d’expression soit protégé par la Constitution de Djibouti, il reste extrêmement limité par la loi et dans la pratique. La criminalisation de la diffamation et de l’injure publique est une source de préoccupation, de même que l’absence de médias indépendants dans le pays. En outre, la loi actuelle sur les libertés de réunion pacifique et d’association est très restrictive et, par conséquent, de nombreuses ONG locales travaillant sur des sujets politiquement sensibles ne peuvent pas opérer librement.

Face à cette situation, 14 pays ont émis des recommandations pour que Djibouti protège le droit à la liberté d’expression, et sept pays ont émis des recommandations concernant le droit à la liberté d’association et de réunion pacifique. Toutes ces recommandations ont été acceptées par les autorités djiboutiennes, y compris celles concernant l’élimination des dispositions criminalisant la diffamation, la suppression des restrictions à la création de médias, la garantie de ces trois droits fondamentaux et la protection de tous les individus qui les promeuvent contre les représailles.

Pourtant, dans la pratique, la mise en œuvre de ces recommandations semble compromise. Lors de l’adoption de l’EPU de Djibouti le 25 mars 2024, Kadar Abdi Ibrahim, défenseur djiboutien des droits humains, a déclaré dans son intervention que les ONG ont du mal à imaginer comment ces recommandations pourraient être appliquées dans la pratique compte tenu de l’absence quasi-totale de voix indépendantes dans le pays. Il a également rappelé au Conseil des droits de l’Homme qu’à la suite de sa participation à la pré-session de l’EPU de Djibouti à l’ONU en 2018, son passeport a été confisqué par les autorités et qu’il n’a pas pu quitter son pays depuis. Son cas a été inclus dans le rapport annuel du Secrétaire Général sur les intimidations et les représailles à l’encontre des personnes qui coopèrent avec les Nations Unies chaque année depuis 2018. 

Engagements internationaux et coopération avec les mécanismes onusiens des droits humains

Djibouti s’est contenté de « noter » toutes les recommandations relatives à la ratification des traités de droits humains ou de leur protocole, rejetant les 32 recommandations demandant à l’Etat de ratifier un ou plusieurs de ces instruments. Parmi les traités relatifs aux droits humains rejetés par le pays figurent la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, le Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et le Protocole facultatif à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

En outre, les autorités djiboutiennes ont rejeté les cinq recommandations demandant au pays d’adresser une invitation ouverte aux Procédures Spéciales de l’ONU.

Pour conclure, nous invitons les autorités de Djibouti à reconsidérer leur décision de ne pas ratifier davantage de conventions internationales et à assurer une plus grande mise en œuvre des traités déjà ratifiés.

Prochaines étapes

Les autorités devront mettre en œuvre les recommandations acceptées avant le prochain Examen Périodique Universel du pays, qui aura lieu en 2028.

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