Appel à ne pas valider l’extradition de Yidiresi Aishan vers la Chine au nom du principe de non-refoulement

December 21, 2021

Lettre conjointe signée par 15 ONG de défense des droits humains appelant le Premier ministre du Maroc à rejeter l'extradition de Yidiresi Aishan vers la Chine au nom du principe de non-refoulement.

Monsieur le Chef du gouvernement du Maroc, cher Monsieur Aziz Akhannouch,

Nous, les organisations soussignées, vous écrivons concernant la situation de M. Yidiresi Aishan (également connu sous le nom de Idris Hasan), citoyen chinois appartenant à la minorité musulmane ouïghoure et défenseur des droits humains, actuellement soumis à une procédure d’extradition. M. Aishan a été arrêté à l’aéroport de Casablanca le 19 juillet 2021 sur la base d’une notice rouge émise à la demande de Pékin en 2017. Pour rappel, la notice rouge a été finalement annulée par Interpol en raison du non-respect de ses statuts et en particulier de l’Article 3 qui interdit rigoureusement à l’Organisation toute activité ou intervention dans des questions ou affaires présentant un caractère politique, militaire, religieux ou racial.

Le 20 juillet, le Procureur du Roi près le Tribunal de première instance pénal de Casablanca a ordonné sa mise sous écrou extraditionnel dans l’attente d’une décision de la Cour de Cassation de Rabat. Le 15 décembre dernier, la Cour a émis un avis favorable à la demande d’extradition dans son arrêt n° 1799.

Durant les audiences, les juges n’ont manifestement pas retenu les arguments avancés par la défense concernant l’existence de risques de torture « prévisibles, réels et personnels » au sein de l’État requérant tant pour son appartenance à une minorité ethnique et religieuse que pour l’accusation d’affiliation à une organisation terroriste. 

Dans le cadre de la phase administrative de la procédure, il vous revient désormais la responsabilité d’émettre un décret d’extradition.

Nous tenons à attirer votre attention sur les lourdes conséquences que représente une telle décision. En effet, la signature de ce décret exposerait M. Aishan à des dommages graves et irréversibles. En cas de remise aux autorités chinoises, il risque d’être soumis à la torture, à la disparition forcée et d’être condamné à une lourde peine au terme d’une procédure judiciaire caractérisée par l’absence totale de garanties d’un procès équitable. 

Nous tenons à vous informer que le Comité contre la torture de l’ONU a transmis à votre gouvernement une demande de mesure provisoire datée du 20 décembre 2021 pour éviter qu’un préjudice irréparable ne soit causé à M. Aishan. Le non-respect par votre gouvernement de la demande du Comité porterait gravement atteinte à l’efficacité des délibérations du Comité et jetterait de sérieux doutes sur la volonté de l’État marocain d’appliquer de bonne foi l’article 22 de la Convention.

Nous rappelons également que votre gouvernement a été dûment informé de ces risques dans un appel urgent qui vous a été transmis le 11 août dernier dans lequel plusieurs titulaires de mandats au titre des procédures spéciales ont rappelé l’interdiction absolue et indérogeable de renvoyer des personnes vers un lieu où elles risquent d'être exposées à la torture ou à d'autres mauvais traitements, et ce conformément à l’article 3 de la Convention de l’ONU contre la torture à laquelle le Maroc est partie.

Encore le 16 décembre 2021, quatre titulaires de mandats au titre des procédures spéciales ont exhorté le gouvernement marocain à ne pas mettre en œuvre l’arrêt de la Cour de Cassation ouvrant la voie à l’extradition M. Yidiresi Aishan vers la Chine, citant expressément le risque de « graves violations des droits humains, notamment la détention arbitraire, la disparition forcée, ou la torture et d'autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ».

En conséquence, nous demandons urgemment à votre gouvernement d’annuler la procédure d'extradition visant M. Yidiresi Aishan afin de pleinement respecter le principe de non-refoulement.

Liste des organisations signataires:

ACAT-Allemagne, ACAT-Belgium, ACAT-France, ACAT-Suisse, Americans for Democracy & Human Rights in Bahrain (ADHRB), Amnesty International, Association fédérale des réfugiés vietnamiens en République fédérale d'Allemagne, Association marocaine des droits humains (AMDH), Coordination maghrébine des organisations des droits humains (CMODH), Front Line Defenders, MENA Rights Group, Safeguard Defenders, Société pour les peuples menacés, Viet Tan, World Uyghur Congress

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