Algérie : Les interdictions de sortie du territoire national
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1. Introduction et méthodologie
Au cours des dernières années, les autorités algériennes ont fortement intensifié l’utilisation des Interdictions de sortie du territoire national (ISTN) comme instrument de contrôle politique et moyen de répression, notamment dans le contexte de la répression du mouvement pro-démocratie Hirak. Cette tendance alarmante traduit une politique délibérée de la part des autorités visant à restreindre la liberté de circulation des personnes perçues comme critiques.
Cette pratique a des implications considérables pour les personnes visées, qui se voient privées de l’exercice d’un certain nombre de droits, notamment le droit de quitter son propre pays. Dans de nombreux cas, les ISTN sont imposées sans aucune notification préalable, la personne concernée découvrant cette interdiction au moment du passage d’un point de frontière. L’intéressé·e se retrouve alors confronté à un vide juridique, ne pouvant faire appel en raison de l’absence de tout document confirmant l’existence même d’une ISTN.
À travers cette pratique, l’État algérien contrevient à ses obligations internationales en matière de respect des droits humains. En outre, de nombreuses interdictions de sortie du territoire imposées en Algérie enfreignent également la législation nationale. De telles mesures contribuent à instaurer un climat de peur et d’incertitude parmi les personnes enclines à exprimer des critiques à l’égard du gouvernement ou à plaider en faveur de réformes.
Ce rapport propose d’examiner les aspects juridiques des interdictions de sortie du territoire en analysant les obligations internationales qui encadrent cette pratique, ainsi que les dispositions du droit algérien pertinentes.
En ce qui concerne l’usage intensif de cette mesure qui en est fait par les autorités algériennes, nous avons documenté près d’une trentaine de cas individuels illustrant les répercussions plus larges des ISTN, notamment leur rôle dans la restriction de l’espace civique et la répression de la dissidence pacifique dans le pays.
S’agissant de la méthodologie employée, nous avons consulté des sources ouvertes, mené des entretiens avec des expert·es et des professionnel·les du droit, et recueilli des témoignages de personnes victimes d’ISTN en Algérie.
En outre, le présent rapport fait suite à un communiqué de presse publié par MENA Rights Group et Human Rights Watch le 3 février 2025[1]. Dans le cadre de cette publication, nos deux organisations s’étaient adressées au ministère de la Justice, le 19 décembre 2024, afin de demander des informations sur l’usage qui est fait des interdictions de voyager. Nous n’avons obtenu aucune réponse à ce jour.
Le présent rapport propose enfin des recommandations afin d’assurer la conformité en droit et en pratique des ISTN avec les normes internationales relatives aux droits humains.
2. Cadre juridique des interdictions de sortie du territoire
2.1 Standards internationaux applicables à l’Algérie
Le droit à la liberté de circulation est un droit humain fondamental reconnu par le droit international, qui englobe la liberté de chaque être humain à quitter n’importe quel pays, y compris le sien. Ce droit est une condition indispensable au libre développement de l’individu et est étroitement lié à de nombreux autres droits humains, comme le montrent les cas individuels soulevés dans ce rapport.
Ce droit n’est toutefois pas un droit absolu, ce qui signifie qu’il peut être restreint dans les limites fixées par le droit international des droits humains. Il est inscrit dans divers instruments internationaux et un certain nombre de ses limitations ont été clarifiées par des expert·es de l’ONU et dans la jurisprudence supranationale.
Le premier instrument international global qui a reconnu le droit à la liberté de circulation est la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH), dont l’article 13 prévoit que :
- Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l’intérieur d’un État.
- Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays.
Bien que la DUDH ne soit pas juridiquement contraignante, de larges pans de ses dispositions sont désormais considérés comme faisant partie du droit international coutumier[2].
De la même manière, l’article 27 de la Charte arabe des droits de l’homme de 2004 prévoit que « nul ne peut être arbitrairement ou illégalement empêché de quitter un pays, quel qu’il soit, y compris son propre pays, interdit de séjour dans une région donnée, ou obligé à séjourner dans ledit pays. » La Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, ratifiée par l’Algérie en 1987, définit le droit à la liberté de circulation à son article 12 :
- Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l’intérieur d’un État, sous réserve de se conformer aux règles édictées par la loi.
- Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays. Ce droit ne peut faire l’objet de restrictions que si celles-ci sont prévues par la loi, nécessaires pour protéger la sécurité nationale, l’ordre public, la santé ou la moralité publiques.
- Toute personne a le droit, en cas de persécution, de rechercher et de recevoir asile en territoire étranger, conformément à la loi de chaque pays et aux conventions internationales.
- L’étranger légalement admis sur le territoire d’un État partie à la présente Charte ne pourra en être expulsé qu’en vertu d’une décision conforme à la loi.
- L’expulsion collective d’étrangers est interdite. L’expulsion collective est celle qui vise globalement des groupes nationaux, raciaux, ethniques ou religieux.
De même, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), ratifié par l’Algérie en 1989, souligne à son article 12 que :
- Quiconque se trouve légalement sur le territoire d’un État a le droit d’y circuler librement et d’y choisir librement sa résidence.
- Toute personne est libre de quitter n’importe quel pays, y compris le sien.
- Les droits mentionnés ci-dessus ne peuvent être l’objet de restrictions que si celles-ci sont prévues par la loi, nécessaires pour protéger la sécurité nationale, l’ordre public, la santé ou la moralité publiques, ou les droits et libertés d’autrui, et compatibles avec les autres droits reconnus par le présent Pacte.
- Nul ne peut être arbitrairement privé du droit d’entrer dans son propre pays.
Ainsi, le droit international reconnaît explicitement le droit de quitter un pays, y compris le sien, ainsi que les conditions encadrant sa restriction.
En 1999, le Comité des droits de l’homme de l’ONU (CDH ou « le Comité ») a adopté l’Observation générale n° 27 sur le droit à la liberté de circulation, afin d’interpréter l’article 12 du PIDCP. Dans cette observation, le Comité donne des lignes directrices pour les États parties, afin qu’ils puissent respecter le droit à la liberté de circulation des personnes se trouvant sur son territoire.
Le Comité précise dans cette Observation générale que :
[c]onformément aux dispositions [du paragraphe 3], l’État ne peut restreindre l’exercice de ces droits que pour protéger la sécurité nationale, l’ordre public, la santé ou la moralité publiques et les droits et libertés d’autrui. Pour être autorisées, les restrictions doivent être prévues par la loi, elles doivent être nécessaires dans une société démocratique pour protéger les objectifs énoncés et elles doivent être compatibles avec tous les autres droits reconnus dans le Pacte[3].
En outre, le Comité souligne que « la loi elle-même doit fixer les conditions dans lesquelles les droits peuvent être limités »[4]. Qui plus est, les restrictions « qui ne sont pas prévues dans la loi ou qui ne sont pas conformes aux prescriptions du paragraphe 3 de l’article 12 constitueraient une violation des droits garantis aux paragraphes 1 et 2 »[5].
Selon le Comité, lorsque les États parties adoptent des lois instituant des restrictions autorisées, ils devraient toujours être guidés par le principe selon lequel les restrictions ne doivent pas porter atteinte à l’essence même du droit. En outre, le rapport entre le droit et la restriction, entre la règle et l’exception, ne doit pas être inversé. Les lois autorisant l’application de restrictions devraient être formulées selon des critères précis et ne peuvent pas conférer des pouvoirs illimités aux personnes chargées de veiller à leur application[6].
Les restrictions se doivent donc d’être rédigées de manière précise, afin de respecter le principe de légalité. Ce principe soutient que pour être considérée comme une « loi », une norme doit être libellée avec suffisamment de précision pour permettre à un individu d’adapter son comportement en fonction de la règle, et que celle-ci soit accessible au public[7]. De plus, il ne suffit pas que les restrictions au droit à la liberté de circulation servent les buts autorisés, mais elles doivent également être nécessaires pour protéger ces buts[8].
Le Comité précise également que les mesures restrictives au droit à la liberté de circulation « doivent être conformes au principe de la proportionnalité ; elles doivent donc être appropriées pour remplir leurs fonctions de protections, et doivent constituer le moyen le moins perturbateur parmi ceux qui pourraient permettre d’obtenir le résultat recherché et être proportionnées à l’intérêt à protéger »[9]. Par ailleurs, le Comité a noté que « le principe de la proportionnalité doit être respecté non seulement dans la loi qui institue les restrictions, mais également par les autorités administratives et judiciaires chargées de l’application de la loi. Les États devraient veiller à ce que toute procédure concernant l’exercice de ces droits ou les restrictions imposées à cet exercice soit rapide et que les raisons justifiant l’application de mesures restrictives soient fournies »[10].
Ainsi, les restrictions au droit à la liberté de circulation doivent, dans chaque cas, être appliquées sur la base de motifs juridiques précis et répondre aux principes de légalité, nécessité, et de proportionnalité. De plus, les restrictions imposées doivent être compatibles avec le respect des autres droits garantis, notamment les principes fondamentaux de l’égalité et de la non-discrimination.
Le Comité a d’ailleurs rappelé qu’il y aurait « clairement violation du Pacte si les droits consacrés aux paragraphes 1 et 2 de l’article 12 étaient restreints en raison de distinctions quelconques fondées par exemple sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, l’opinion politique ou autre, l’origine nationale ou sociale, la naissance ou toute autre situation »[11].
De leur côté, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) et la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) ont développé une jurisprudence concernant le droit à la liberté de circulation, notamment en ce qui concerne les interdictions de sortie du territoire. Même si l’Algérie n’est pas tenue de suivre leurs arrêts, l’interprétation du droit à la liberté de circulation qui est faite par ces deux juridictions n’en est pas moins éclairante concernant la mise en œuvre de mesures des restrictions à la liberté de circulation.
En 2012, la CJUE a notamment affirmé que les autorités nationales doivent procéder à une analyse des caractéristiques de la mesure restrictive générale en cause et, sur cette base, en apprécier la proportionnalité intrinsèque[12].
Afin d’évaluer la légitimité d’une mesure restrictive de la liberté de circulation, plusieurs éléments doivent être pris en compte. Il convient de déterminer si la mesure est propre à garantir la réalisation de l’objectif qu’elle poursuit et si elle est réellement nécessaire à cette fin. Il importe également de considérer l’existence éventuelle d’autres mesures qui permettraient d’atteindre le même objectif sans restreindre aussi fortement la liberté de la personne concernée, notamment celles prévues par le droit national. Enfin, les modalités concrètes de mise en œuvre de la mesure doivent être examinées avec attention : la mesure prévoit-elle des exceptions ? Est-elle limitée dans le temps ? Est-elle soumise à un réexamen régulier afin de vérifier si les circonstances de fait et de droit qui la justifient sont toujours réunies ? Ces critères permettent d’apprécier la proportionnalité de la mesure au regard de l’objectif poursuivi[13].
De son côté, la CEDH a conclu qu’en « ce qui concerne la proportionnalité de l’ingérence, […] une mesure restreignant la liberté de circulation d’une personne, fût-elle justifiée au départ, peut devenir disproportionnée si elle se prolonge automatiquement pendant une longue période »[14]. Il apparaît donc clairement qu’une mesure d’interdiction de quitter le territoire doit être délimitée dans le temps et doit être réexaminée de manière constante afin d’être conforme aux normes internationales.
Pour conclure, le droit à la liberté de circulation est un droit fondamental du droit international des droits humains. Ce droit inclut le droit de quitter n’importe quel pays, y compris le sien. Les restrictions admissibles à ce droit sont codifiées par le PIDCP, et interprétées par le Comité des droits de l’homme de l’ONU. Elles doivent être nécessaires, proportionnelles et doivent respecter le principe de légalité. Enfin, selon la pratique internationale, ces mesures doivent également être limitées dans le temps et faire l’objet de révisions régulières.
2.2 Cadre juridique national
En Algérie, le droit à la liberté de circulation est inscrit dans la Constitution, à son article 49, lequel prévoit que :
Tout citoyen a le droit de choisir librement le lieu de sa résidence et de circuler librement sur le territoire national.
Le droit d’entrée et de sortie du territoire national lui est garanti.
Toute restriction à ces droits ne peut être ordonnée que pour une durée déterminée par une décision motivée de l’autorité judiciaire[15].
Ainsi, le droit de quitter le territoire national est reconnu comme un droit constitutionnel. Cependant, le Code de procédure pénale (CPP) algérien s’écarte du contenu de l’article 49 de la Constitution.
L’interdiction de sortie du territoire est prévue à l’article 49 du CPP. La disposition actuelle a été introduite par la loi n° 25-14 du 3 août 2025 portant code de procédure pénale. Dans la version antérieure du CPP, les ISTN étaient prévues à l’article 36 bis 1.
Aux fins du présent rapport, l’analyse s’appuie principalement sur l’article 36 bis 1, qui constituait le cadre juridique applicable au moment des faits concernant les cas individuels documentés. Néanmoins, les modifications introduites par la loi n° 25-14 seront également mises en perspective par rapport aux dispositions initiales de l’article 36 bis 1, et feront l’objet d’un examen plus détaillé dans la section consacrée à la réforme du Code de procédure pénale et à son contrôle constitutionnel.
L’article 36 bis 1 du CPP prévoyait ainsi que:
Le procureur de la République peut, pour les nécessités de l'enquête, sur rapport motivé de l'officier de police judiciaire, ordonner l'interdiction de sortie du territoire national de toute personne à l'encontre de laquelle il existe des indices faisant présumer sa probable implication dans un crime ou un délit.
L'interdiction de sortie du territoire national, prise conformément aux dispositions de l'alinéa précédent, prend effet pour une durée de trois (3) mois renouvelable une seule fois.
Toutefois, lorsqu'il s'agit des infractions de terrorisme ou de corruption, l'interdiction peut être renouvelée jusqu'à la clôture de l'enquête.
L’article 36 bis 1 a soulevé de nombreuses critiques. Sur le plan juridique, il souffrait d’un manque de clarté portant atteinte au principe de sécurité juridique : le texte ne précisait ni les critères objectifs justifiant une telle mesure, ni la durée de son application, ni les modalités de sa levée, créant ainsi une insécurité juridique propice à l’arbitraire. Il soulevait par ailleurs des interrogations sérieuses au regard du principe de présomption d’innocence. En outre, cette mesure a pu porter gravement atteinte à la vie privée et familiale des personnes concernées, en les empêchant de rejoindre leurs proches, de recevoir des soins médicaux à l’étranger ou de poursuivre une activité professionnelle, sans fondement légal suffisamment encadré. Enfin, comme les cas individuels que nous avons documentés l’ont démontré (voir ci-après « Un outil de répression contre les voix dissidentes »), l’usage croissant des ISTN à l’encontre de journalistes, militant·es et opposant·es politiques a alimenté les craintes d’une instrumentalisation de ces restrictions, transformant une mesure censée relever de la justice en outil de répression, en violation directe des libertés fondamentales, notamment celles d’expression et de circulation.
2.2.1 Absence de notification
Tout d’abord, il convient de relever que l’article 36 bis 1 ne prévoyaient pas de mécanisme de notification de l’ISTN, contrairement à ce que la loi établit dans d’autres pays[16]. Ni la police judiciaire ni le procureur n’étaient tenus de notifier la personne concernée de sa mise sous ISTN, ce qui pose un problème majeur. Comme nous le verrons ensuite, cela a conduit à de nombreuses situations où des individus n’ont jamais été informés de cette mesure et l’ont découverte uniquement au moment de franchir une frontière terrestre ou à l’aéroport. Or, selon le Comité des droits de l’homme, les États sont tenus de veiller à ce que les raisons justifiant l’application de mesures restrictives à la liberté de circulation soient fournies[17], ce qui implique que la décision d’interdiction de quitter le pays doit être portée à la connaissance de l’intéressé·e.
L’article 49 du CPP répond à cette préoccupation en prévoyant que l’interdiction de sortie du territoire national soit notifiée à l’intéressé·e. Il est essentiel que cette exigence soit effectivement respectée, compte tenu du nombre de personnes qui, par le passé, ignoraient l’existence d’une interdiction de voyager prononcée à leur encontre.
2.2.2 Motivation et encadrement judiciaire des décisions
La Constitution précise que toute restriction au droit de sortie du territoire national doit être ordonnée par une décision motivée de l’autorité judiciaire. Cette disposition est essentielle, car elle permet de s’assurer que les principes de proportionnalité et de nécessité sont respectés, l’autorité judiciaire devant formuler une décision motivée.
L’article 36 bis 1 du CPP, comme l’actuel article 49 du CPP, ne prévoyait pas que le placement sous ISTN d’un individu résulte d’une décision motivée prise par une autorité judiciaire. Seul l’officier de police judiciaire était tenu de fournir un rapport motivé. La personne concernée n’était pas informée des motifs mentionnés dans le rapport transmis au procureur par l’officier de police judiciaire. Étant donné que le procureur n’était pas obligé de justifier sa décision, cela signifiait que la personne placée sous ISTN n’était pas nécessairement informée des raisons justifiant la mise en place de cette mesure.
L’article 49 du CPP prévoit désormais que le procureur de la République produise une ordonnance motivée. Si cette modification représente une amélioration par rapport à l’article 36 bis 1, la loi algérienne ne prévoit toujours pas un encadrement judiciaire de l’ISTN permettant de vérifier si l'ordonnance du procureur de la République est suffisamment motivée et respecte les exigences de proportionnalité et de nécessité. Ainsi, l’article 49 du CPP, comme l’ancien article 36 bis 1, ne prévoit de procédure contradictoire préalable à son édiction.
Il convient également de rappeler que le procureur ne peut, de manière générale, être considéré comme une autorité judiciaire indépendante. Il a été noté à plusieurs reprises par le Comité des droits de l’homme de l’ONU que les procureurs n’avaient ni l’objectivité institutionnelle ni l’impartialité nécessaires pour tenir lieu d’autorité judiciaire lors de l’examen de la légalité d’une mesure de détention[18]. À cet effet, le Comité a rappelé que le fait qu’un procureur, plutôt qu’un juge, soit responsable d’autoriser les mises en détention « crée un déséquilibre dans l’égalité des armes entre l’accusé et l’accusation, car le procureur peut avoir un intérêt dans la détention de ceux qui doivent être arrêtés »[19]. Nous estimons que ce qui est admis pour une mesure privative de liberté l’est tout autant pour une restriction de la liberté de mouvement et de circulation.
S’agissant du renouvellement, l’article 36 bis 1 du CPP, tout comme l’article 49 du CPP actuellement en vigueur, ne prévoyait pas l’obligation pour le procureur de motiver sa décision. Ainsi, pour les motifs de corruption, d’atteinte à la sûreté de l’Etat, et de terrorisme, l’ISTN peut être renouvelée indéfiniment, sans qu’aucune exigence légale de justification ne soit imposée.
Que ce soit en droit ou en pratique, l’émission d’une ISTN ne se limite pas aux restrictions servant les buts autorisés de l’article 12 du Pacte, à savoir, « la sécurité nationale, l’ordre public, la santé ou la moralité publiques, ou les droits et libertés d’autrui ». L’article 49 du CPP ne précise pas quelles sont les infractions qui peuvent faire l’objet d’une ISTN, si ce n’est les infractions de corruption, le terrorisme et l’atteinte à la sûreté de l’État, qui sont cités comme motifs de renouvellement. Cela implique que les ISTN en Algérie peuvent, en réalité, être émises pour un nombre indéfini d’infractions, ouvrant ainsi la voie à l’utilisation de cette mesure pour des faits protégés par d’autres droits reconnus dans le Pacte. En effet, comme nous allons le voir dans la suite de ce rapport, les autorités algériennes ont de plus en plus fréquemment recours à des interdictions de voyager arbitraires comme moyen de représailles contre des personnes perçues comme critiques à l’égard des autorités.
2.2.3 Le « terrorisme » et « l’atteinte à la sûreté de l’État » comme motifs de renouvellement illimité
La Constitution précise que toute restriction au droit de sortie du territoire national doit être imposée pour une durée déterminée. Cependant, l’article 36 bis 1 du précédent CPP, prévoyait que, pour les « infractions de terrorisme ou de corruption », l’interdiction pouvait être prolongée jusqu’à la clôture de l’enquête. Cela rendait de facto la durée de l’ISTN incertaine et indéfinie pour ces crimes, ce qui contredit la Constitution et les engagements internationaux de l’Algérie.
Non seulement l’article 49 du CPP, tel que modifié par la loi n° 25-14, n’a pas apporté de garantie assurant que la mesure soit strictement limitée dans le temps, mais il a, en outre, introduit l’« atteinte à la sécurité de l’État » parmi les motifs permettant le renouvellement d’une ISTN.
Si la prévention de l’infraction de terrorisme peut constituer un but légitime de restriction du droit de circulation lorsqu’elle est circonscrite à la prévention de la « sécurité nationale » et de « l’ordre public », selon les termes de l’article 12 (3) du PIDCP, il convient de préciser que le Code pénal algérien définit les actes terroristes de manière particulièrement large et étendue.
En effet, nous tenons à souligner que le Comité des droits de l’homme[20] et plusieurs titulaires de mandats au titre des procédures spéciales[21] de l’ONU ont exprimé leurs préoccupations, y compris à la suite de visites dans le pays, quant au caractère vague et imprécis de l’article 87 bis du Code pénal qui définit le crime de terrorisme.
Dès 2018, le Comité des droits de l’homme avait déjà souligné dans ses Observations finales que la définition du terrorisme comme prévu par l’article 87 bis pourrait permettre « la poursuite de comportements qui peuvent relever de la pratique de l’exercice de la liberté d’expression ou de rassemblement pacifique »[22].
Depuis, la définition des actes considérés comme terroristes a été modifiée. Le 30 mai 2021, le président de la République a adopté en conseil des ministres l’Ordonnance n° 21-08 modifiant et complétant l’Ordonnance n° 66-156 du 8 juin 1966 portant Code pénal.
L’article 2 de l’Ordonnance n° 21-08 introduit deux paragraphes supplémentaires à l’article 87 bis :
[e]st considéré comme acte terroriste ou sabotage, tout acte visant la sûreté de l’État, l’unité nationale et la stabilité et le fonctionnement normal des institutions par toute action ayant pour objet de :
[…]
œuvrer ou inciter, par quelque moyen que ce soit, à accéder au pouvoir ou à changer le système de gouvernance par des moyens non constitutionnels [§ 14] ;
porter atteinte à l'intégrité du territoire national ou d’inciter à le faire, par quelque moyen que ce soit [§ 15].
L’introduction de ces deux paragraphes a eu pour effet d’aggraver le caractère large et imprécis de la définition de l’acte terroriste tel que défini à l’article 87 bis du Code pénal.
Suite à cette dernière modification, plusieurs titulaires de mandats au titre des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme, dont la précédente Rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste, se sont dit préoccupé·es par le fait que cette nouvelle définition du « terrorisme », ne soit pas en conformité avec les définitions avancées par le Conseil de sécurité et le mandat sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste[23].
Plus récemment et à la suite d’une visite en Algérie réalisée en septembre 2023 par l’ancien Rapporteur spécial sur les droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association, Clément Nyaletsossi Voule, a affirmé que :
[l’]article 87 bis est incompatible avec le principe de sécurité juridique, en droit international, qui exige que la législation pénale soit suffisamment précise pour qu’il apparaisse clairement quels comportements et conduites constituent une infraction pénale et quelles sont les conséquences de la commission d’une telle infraction. En effet, des lois ambiguës ou trop larges ouvrent la voie à une application arbitraire des dispositions, ce qui peut donner lieu à des abus. Les lois doivent être libellées avec suffisamment de précision pour permettre aux personnes d’adapter leur comportement en conséquence[24].
Cette inquiétude est également partagée par la Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la situation des défenseurs des droits humains, Mary Lawlor, qui a également réalisé une visite dans le pays en décembre 2023 : « la définition du terrorisme dans cet article est tellement large et vague qu’elle permet d’arrêter les défenseurs des droits humains dans des proportions considérables »[25].
Étant donné la portée extrêmement large de la définition des actes pouvant être considérés comme terroristes en Algérie, il nous apparaît très préoccupant que le procureur puisse renouveler indéfiniment une ISTN pour des motifs liés à des actes terroristes tels que définis par l’article 87 bis.
L’infraction d’« atteinte à la sûreté de l’État », qui figure à l’article 49 de l’actuel CPP, constitue un motif de renouvellement illimité tout aussi imprécis. Nous estimons qu’une terminologie aussi englobante et vague se prête à de nombreux abus et risque d’être utilisée à l’encontre d’opposant·es au gouvernement actuellement en place en Algérie.
Dans d’autres États parties au PIDCP, les interdictions de sorties de territoires sont généralement limitées aux affaires de terrorisme, et ne peuvent être prononcées que lorsqu’il existe de motifs sérieux de penser que la personne concernée quitterait le territoire national en vue de commettre une infraction à l’étranger. Même si une telle interdiction est instaurée dans un cadre plus strict, elle n’est pas dépourvue de conséquences sur l’exercice des droits fondamentaux[26].
2.2.4 Absence de recours prévu par la loi
Enfin, l’un des aspects les plus préoccupants de l’article 36 bis 1 de l’ancien CPP était qu’il n’offrait aucun recours contre l’émission d’une ISTN. En effet, la loi ne prévoyait aucune procédure permettant de solliciter l’annulation d’une ISTN, ni même sa vérification par une autorité judiciaire ou administrative. De ce fait, aucune voie de recours juridictionnel n’était ouverte.
La loi n° 25-14 corrige partiellement ce manquement en permettant à toute personne concernée par une ISTN d’en demander la levée, sans toutefois préciser la juridiction compétente.
Dans la pratique, les personnes soumises à une ISTN peuvent contester la décision du procureur en demandant à leur avocat d’adresser une lettre au procureur compétent afin de solliciter un recours gracieux. Si le procureur refuse ou ne répond pas à cette lettre, comme ce fut le cas pour toutes les personnes interrogées par MENA Rights Group, la personne peut alors tenter d’adresser la même demande à son supérieur hiérarchique, c’est-à-dire au procureur général. Toutefois, cela reste un recours administratif et non judiciaire. Dans l’un des cas que nous avons documentés, la personne concernée par une ISTN a déposé une plainte contre « X » pour abus de pouvoir et délit d’atteinte aux libertés en s’appuyant sur les articles 138 bis et 107 du Code pénal, sans résultat probant. Enfin, il est également possible de porter plainte contre le ministère de l’Intérieur auprès du Conseil d’État en ce qui concerne l’émission d’une ISTN.
Dans aucun des cas que nous avons documentés, ces recours n'ont conduit à l'annulation de l'ISTN. Ces méthodes s’avèrent donc complètement inefficaces, ce qui va à l’encontre de l’article 2 (3) PIDCP qui prévoit que les États parties s’engagent à « garantir que toute personne dont les droits et libertés reconnus dans le présent Pacte auront été violés disposera d’un recours utile, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles. »
Nous avons néanmoins été en mesure de constater que, dans une décision du Conseil d’État, le recours d’un citoyen algérien placé sous ISTN avait permis de faire constater le caractère illégal de la mesure au regard à la fois du droit national et international (voir ci-après « Les ISTN dans la pratique »).
En résumé, l’article 49 du CPP confie au procureur, et non à un juge judiciaire, le pouvoir de prononcer une interdiction de sortie du territoire sur la base d’un simple signalement de l’officier de police judiciaire, sans définir précisément les conditions de son prononcé. Il ne prévoit ni procédure contradictoire préalable à son édiction ou à son renouvellement, ni mécanisme de contrôle juridictionnel effectif, ce qui entraîne une atteinte disproportionnée à la liberté d’aller et venir et remet en cause le droit fondamental à un recours effectif.
2.2.5 Réforme du Code de procédure pénale et contrôle de constitutionnalité
Le 8 juillet 2025, le Conseil de la nation a adopté un projet de loi portant Code de procédure pénale qui a légèrement modifié la teneur de l’article 36 bis 1 tel qu’il figurait dans l’ancien CPP[27]. Cette réforme visait officiellement à moderniser et améliorer l’efficacité du système judiciaire en Algérie et constitue une réponse aux réformes constitutionnelles de 2020[28]. Le projet de loi comprenait pas moins de 854 articles censés « restaurer et même renforcer les acquis du passé »[29].
La disposition relative aux ISTN figure à l’article 49 de la loi n° 25-14 du 3 août 2025 portant code de procédure pénale, et non plus à l’article 36 bis 1 de l’ancien CPP.
L’article 49 (anciennement article 36 bis 1) du CPP se lit comme suit :
Le procureur de la République peut, pour les nécessités de l'enquête, et sur rapport motivé de l'officier de police judiciaire, interdire, en vertu d’une ordonnance motivée, la sortie du territoire national de toute personne à l’encontre de laquelle il existe des indices faisant présumer sa probable implication dans un crime ou un délit.
L'interdiction de sortie du territoire national est notifiée à l’intéressé. L'interdiction de sortie du territoire national, prise conformément aux dispositions de l'alinéa premier, prend effet pour une durée de trois (3) mois renouvelable une seule fois.
Toutefois, lorsqu'il s'agit des infractions de terrorisme, ou des autres infractions portant atteinte à la sûreté de l’Etat ou des infractions de corruption, l'interdiction peut être renouvelée jusqu'à la clôture de l'enquête.
La levée de l'interdiction de sortie du territoire national est ordonnée selon les mêmes formes, soit d’office par le procureur de la République, soit à la demande de l’intéressé.
La levée de l'interdiction de sortie du territoire national est ordonnée dans les mêmes formes.
Comme nous l’avons vu précédemment, certaines des modifications apportées à l’article 49 du CPP constituent des améliorations par rapport à l’article 36 bis 1 du précédent CPP. En effet, le procureur de la République doit maintenant fournir une ordonnance motivée pour prononcer l’interdiction de sortie du territoire national, laquelle est notifiée à la personne concernée, qui peut en demander la levée.
En revanche, l’article 49 du CPP élargit le champ d’application des ISTN en introduisant l’infraction d’« atteinte à la sûreté de l’État » comme motif de renouvellement illimité. Nous estimons qu’une terminologie aussi englobante et vague se prête à de nombreux abus et risque d’être employée à l’encontre d’opposant·es au gouvernement actuellement en place en Algérie.
Suite à la saisine introduite par le député Abdelouahab Yakoubi, représentant le Mouvement de la Société pour la Paix et agissant au nom de quarante-cinq parlementaires, la Cour constitutionnelle a, le 16 juillet 2025, rendu sa décision sur la conformité à la Constitution de plusieurs dispositions du Code de procédure pénale, dont l’article 49[30].
Dans leur recours, les député·es ont soutenu que l’article 49 du CPP « est de nature à restreindre la liberté de circulation et à porter atteinte à son essence ». Ils ont demandé qu’il soit déclaré inconstitutionnel au motif qu’il contrevient à l’article 49 de la Constitution, lequel prévoit que « ce droit ne peut être restreint que pour une durée déterminée par une décision motivée de l’autorité judiciaire ». Ils estiment, en outre, que cette disposition est également contraire aux « articles 41 relatif à la présomption d’innocence, 165 relatif au droit à la justice et 34 relatif à l’exigence que toute restriction législative ne porte pas atteinte à l’essence des droits et libertés, et à la proportionnalité des mesures restrictives des libertés de la Constitution ».
De son côté, la Cour constitutionnelle a estimé que l’article 49 du CPP ne porte pas atteinte à la liberté de circulation garantie par la Constitution et l’alinéa 3 de l’article 12 du PIDCP. Elle a relevé que la mesure d’interdiction de sortie du territoire national est prise « en vertu d’une ordonnance motivée, et pour une durée déterminée de trois (3) mois, renouvelable une seule fois », et que, dans les affaires graves, elle peut être prolongée « jusqu’à la fin des investigations », ce qui reste, selon elle, conforme aux exigences constitutionnelles.
La Cour a tenu à rappeler que « le législateur dispose d’un large pouvoir discrétionnaire, conformément à l’article 139 de la Constitution, pour évaluer la gravité des infractions nécessitant la prolongation de la mesure », et qu’il n’existe dès lors « aucun soupçon d’inconstitutionnalité ».
Enfin, concernant l’absence de définition légale de l’expression « atteinte à la sécurité de l’État », la Cour a rappelé que cette notion figure dans la Constitution elle-même, qui prévoit que « la trahison, l’espionnage, le passage à l’ennemi, ainsi que toutes les infractions commises au préjudice de la sécurité de l’État, sont réprimés avec toute la rigueur de la loi ». Elle a ajouté que les crimes et délits contre la sûreté de l’État sont déjà « définis de manière claire et précise » par le Code pénal, ce qui écarte, selon elle, tout risque d’imprévisibilité de la norme.
Il demeure à ce stade prématuré d’apprécier la mise en œuvre effective de l’article 49 du CPP et la portée concrète des modifications qui y ont été introduites. Des interrogations subsistent néanmoins quant à l’absence d’encadrement judiciaire des interdictions de sortie du territoire national, à la possibilité d’un renouvellement indéfini de la mesure lorsqu’elle est fondée sur des infractions qualifiées de « terrorisme » ou d’« atteinte à la sûreté de l’État », à l’absence de voies de recours explicitement prévues par le législateur, ainsi que l’absence de garanties destinées à assurer le respect des principes de nécessité et de proportionnalité clairement définies.
Enfin, concernant le contrôle de constitutionnalité, il convient de préciser que le degré d’indépendance de la Cour constitutionnelle à l’égard du pouvoir exécutif soulève d’importantes réserves. Sur les douze juges composant la Cour, quatre sont désigné·es directement par le Président de la République, dont son président[31], ce qui compromet son indépendance. Plus préoccupant encore, la jurisprudence de la Cour révèle rarement une logique de contre-pouvoir : les contentieux constitutionnels relatifs aux libertés publiques, comme l’illustre la décision n° 02/D.CC/CC/2025, sont quasi systématiquement tranchés en faveur de l’exécutif.
2.2.6 Interdiction de sortie du territoire dans le cadre d’un contrôle judiciaire
Les autorités algériennes utilisent une autre disposition pour restreindre la liberté de circulation des voix dissidentes : le contrôle judiciaire, souvent appliqué de manière arbitraire pour des faits liés aux droits et libertés des personnes concernées. Les modalités de ce contrôle judiciaire sont définies aux articles 198 et 199 du CPP (anciennement article 125 bis 1 et 125 bis 2 du CPP avant modification en août 2025), qui prévoient que :
Article 198 du CPP : Le contrôle judiciaire peut être ordonné par le juge d’instruction, si l’inculpé encourt une peine d’emprisonnement correctionnelle ou une peine plus grave.
Le contrôle astreint l’inculpé à se soumettre, selon la décision du juge d’instruction, à une ou plusieurs des obligations suivantes :
- Ne pas sortir des limites territoriales déterminées par le juge d’instruction, sauf autorisation de ce dernier ;
- Ne pas se rendre en certains lieux déterminés par le juge d’instruction ;
- Se présenter périodiquement aux services ou aux autorités désignés par le juge d’instruction ;
- Remettre, soit au greffe du tribunal, soit aux services de sécurité désignés par le juge d’instruction, tous documents permettant la sortie du territoire national ou d’exercer une profession ou autre activité soumise à autorisation, en échange d’un récépissé ;
- Ne pas se livrer à certaines activités professionnelles lorsque l’infraction a été commise dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ces activités et lorsqu’il est à redouter qu’une nouvelle infraction soit commise ;
- […]
Le juge d’instruction peut, par décision motivée, ajouter ou modifier l’une des obligations ci-dessus énumérées.
Article 199 du CPP : La mainlevée du contrôle judiciaire est ordonnée par le juge d’instruction, soit d’office, soit sur réquisitions du procureur de la République, soit sur demande de l’inculpé après avis du procureur de la République.
Le juge d’instruction statue sur la demande de l’inculpé dans un délai de quinze (15) jours de sa saisine, par ordonnance motivée.
Faute, par le juge d’instruction, d’avoir statué dans ce délai, l’inculpé ou le procureur de la République peut saisir directement la chambre d’accusation qui se prononce dans un délai de vingt (20) jours de sa saisine.
Dans tous les cas, la demande de mainlevée du contrôle judiciaire formulée par l’inculpé ou son avocat ne peut être renouvelée qu’à l’expiration du délai d’un (1) mois à dater du rejet de la précédente demande.
Plusieurs mesures de restriction de liberté peuvent être donc ordonnées dans le cadre d’un contrôle judiciaire, comme l’interdiction de sortie de territoire et la remise du passeport. Néanmoins, contrairement aux ISTN prévues par l’article 49 du CPP qui peuvent être émises durant la phase préliminaire de l’enquête, le contrôle judiciaire est uniquement appliqué en cas de comparution immédiate, dans le cadre d’une instruction judiciaire, et durant la phase d’appel, c’est-à-dire après une condamnation en première instance.
Plusieurs recours sont possibles en ce qui concerne le contrôle judiciaire. Lors d’une comparution immédiate, si l’affaire est renvoyée à une audience ultérieure, le juge peut imposer des mesures, dont la remise du passeport. Aucun recours formel n’est prévu à ce stade, mais la personne concernée peut formuler une demande orale de levée de la mesure lors de l’audience au fond. Pendant une instruction judiciaire, le juge d’instruction peut également prononcer cette mesure. Elle est alors soumise au contrôle de la chambre de l’instruction, devant laquelle un recours est possible. En cas de rejet, une nouvelle demande peut être présentée chaque mois. En appel, le contrôle judiciaire peut être maintenu. Dans ce cas, une demande de levée peut être adressée à la cour d’appel, qui statue sur le maintien ou non de la mesure.
Le contrôle judiciaire est donc mieux encadré que l’ISTN, en ce qu’il est judiciaire, notifié, et susceptible de recours. Cela étant dit, le contrôle judiciaire est régulièrement utilisé contre des activistes, militant·es, défenseur·se·s des droits humains et opposant·es politiques pour des faits liés à l’exercice de leurs droits à la liberté d’expression, d’association et de rassemblement pacifique, rendant cette mesure arbitraire par nature. De plus, certain·es se voient interdit·es de voyage, même après la fin de leur contrôle judiciaire[32].
Le communiqué conjoint publié avec Human Rights Watch fait référence au cas d’un militant ayant fait l’objet d’une interdiction de voyager dans le cadre d’un contrôle judiciaire ayant été arbitrairement empêché de voyager même après la levée de ce contrôle judiciaire[33]. Cet activiste avait été placé en détention en 2021 et condamné, plus d’un an après, à seize mois de prison pour avoir « reçu des fonds afin d’accomplir des actes susceptibles de porter atteinte à l’ordre public », en lien avec son militantisme. Son interdiction de voyager aurait dû être levée à cette date, puisque le contrôle judiciaire se termine automatiquement à la fin d’un procès.
Après avoir purgé sa peine, il a tenté de voyager. Or il a été empêché à deux reprises de quitter le pays en 2023. Lors de sa première tentative, la police aux frontières l’a informé verbalement qu’il était interdit de voyage ; la deuxième fois, elle l’a interrogé et officiellement avisé, par écrit, de l’interdiction de voyager. En février 2024, la Cour suprême algérienne a maintenu le jugement et confirmé la levée de l’interdiction de voyager. Pourtant, lorsqu’il a demandé au ministère de la Justice, en mai 2024, s’il pouvait voyager, des responsables l’ont informé que cela lui était toujours interdit.
3. Les ISTN dans la pratique
Au fil des entretiens réalisés, nous avons constaté qu’un grand nombre de personnes étaient sous ISTN sans jamais avoir reçu de notification formelle. Ces individus ont découvert leur interdiction de quitter le territoire lorsqu’ils et elles ont tenté de passer une frontière. Nos entretiens ont révélé que ces situations sont fréquentes, et lorsque les concerné·es interrogent les officiers de frontière sur les raisons de leur impossibilité à quitter le territoire, on leur répond que cela « vient d’en haut ». Certains individus se sont même vus confisquer leur passeport pour les empêcher de voyager à l’extérieur du pays.
Il est possible que ces ISTN soient en réalité des mesures prises en vertu de l’article 49 du CPP, mais que les personnes concernées n’aient jamais été notifiées de cette décision. Cependant, en l’absence de notification et de motif pour ces ISTN, il est impossible de déterminer si un procureur a réellement validé ces interdictions ou si elles ont été imposées de manière totalement arbitraire par l’exécutif ou les services de sécurité, par exemple.
Ces ISTN, qui revêtent un caractère complètement arbitraire, soulèvent de nombreuses problématiques. Tout d’abord, les personnes touchées par une telle mesure ne disposent d’aucun document prouvant leur interdiction de quitter le territoire, ce qui les empêche de présenter des preuves devant un tribunal ou de les utiliser pour un éventuel recours. De plus, ces individus ignorent qui a donné l’ordre de les placer sous ISTN, ce qui les empêche également de se tourner vers les responsables de ces interdictions pour demander une réévaluation de la décision. Par conséquent, il leur est impossible d’engager un quelconque recours.
Certaines personnes ont tenté de contacter la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN), le ministère de l’Intérieur, ou de se rendre au commissariat de police de proximité pour faire valoir leurs droits et demander l’annulation de leur ISTN. Cependant, quasi systématiquement, il n’y a soit pas de réponse, soit on leur répond que ces ISTN ne relèvent pas de leur compétence. D’autres ont essayé de porter plainte au Conseil d’État, mais ces plaintes sont également restées sans suite.
De plus, il est impossible de déterminer la durée d’une telle ISTN pour la personne concernée. La police des frontières (PAF) laisse souvent entendre que l’ISTN sera bientôt levée et qu’elle est temporaire ; néanmoins la durée réelle de cette mesure semble entièrement arbitraire. En effet, certaines personnes ne sont restées sous ISTN que quelques mois après avoir pris connaissance de celle-ci, tandis que d’autres se retrouvent dans cette situation pendant des années, sans obtenir d’informations supplémentaires sur l’origine, le motif ou la durée de cette interdiction.
Enfin, il est impossible de mesurer l’étendue de ces ISTN arbitraires, car une personne ne peut en prendre connaissance qu’en tentant de quitter le territoire national. Ainsi, il est probable que de nombreuses personnes ne soient même pas conscientes de l’existence d’une telle mesure à leur encontre.
De plus, même parmi les individus qui savent qu’ils sont soumis à une ISTN, beaucoup sont réticents à en parler. En effet, les agents de la PAF leur conseillent souvent de rester discrets sur cette mesure en leur assurant qu’ils pourront bientôt voyager à nouveau. Par conséquent, beaucoup préfèrent garder le silence dans l’espoir que l’ISTN sera levée rapidement. Cette situation engendre un fort niveau d’autocensure parmi les victimes, qui choisissent de ne pas s’exprimer pour éviter d’aggraver leur situation.
Ainsi, ces ISTN arbitraires, dont nos entretiens ont démontré l’existence d’un nombre significatif, portent atteinte à tous les aspects du droit à la liberté de circulation. Par conséquent, l’Algérie enfreint systématiquement ses obligations nationales et internationales.
La Résolution n° 091782 du 20 novembre 2014 du Conseil d’État confirme ce point. En 2014, un citoyen algérien avait porté plainte contre le ministère de l’Intérieur auprès du Conseil d’État, contestant l’application d’une ISTN arbitraire à son encontre. Il avait découvert qu’il lui était interdit de voyager en tentant de retourner en Angleterre, où il résidait, sans toutefois avoir reçu de notification de cette interdiction. Le ministère de l’Intérieur avait justifié l’ISTN en invoquant l’implication du plaignant dans des affaires touchant à la sécurité de l’État algérien. Cependant, le Conseil d’État a relevé que le ministère n’avait fourni aucune preuve ni précision quant aux faits reprochés. Il a donc jugé que l’ISTN était illégale et devait être annulée, car elle violait l’article 44 de la Constitution (devenu l’article 49 de la Constitution de 2020) ainsi que les articles 9, 12 (2) et 12 (3) du PIDCP. Cette décision démontre que toute ISTN imposée en dehors des cadres légaux, sans notification de l’intéressé·e, est contraire aux obligations internationales de l’Algérie et enfreint le droit de libre circulation de la personne concernée.
3.1 Les ISTN dans la lutte contre la corruption
Bien que ce rapport se concentre sur l’utilisation des ISTN en Algérie à l’encontre des activistes, des opposant·es politiques et des défenseur·ses des droits humains, il est important de noter que cette mesure est également largement employée dans la lutte contre la corruption dans le pays.
En 2019, lors des manifestations populaires du Hirak qui ont conduit à la démission de l’ex-Président Abdelaziz Bouteflika le 2 avril, la justice a ouvert des enquêtes contre plusieurs hommes d’affaires liés à l’ancien clan présidentiel[34]. Cette purge anticorruption a débouché sur l’une des premières listes d’individus placés sous interdictions de sortie du territoire national, incluant 12 hommes d’affaires proches des frères Bouteflika, qui ont dû remettre leurs documents de voyage au tribunal de Sidi M’hamed à Alger en avril 2019.[35] Ces derniers ont été condamnés peu de temps après à de lourdes peines pour corruption[36].
Ces ISTN semblent respecter les normes internationales, car les personnes concernées en ont été informées, des enquêtes étaient en cours et les procédures n’ont pas été prolongées indéfiniment, les condamnations ayant rapidement suivi. Toutefois, l’intensification de la lutte contre la corruption a conduit à un usage abusif des ISTN. En 2020, le pôle économique et financier du tribunal de Sidi M’hamed a été créé, dans le sillage de ces arrestations. Ce pôle est désormais chargé de l’ensemble des affaires de corruption en Algérie[37].
Selon Maghreb Emergent, entre 2019 et 2020, environ trente hommes d’affaires ont été placés sous ISTN à la suite d’enquêtes menées par le pôle économique[38], sans compter les 12 hommes d’affaires précédemment cités. Ces interdictions concernent des dirigeants et cadres de secteurs très variés. La réouverture du pays suite à la pandémie de Covid-19 a révélé l’étendue des ISTN visant ce type de profil. En effet, jusqu’à fin 2021, de nombreux chefs d’entreprises ont pu attribuer leur absence à l’étranger aux restrictions sanitaires et à la rareté des vols, dans un contexte où les visioconférences étaient largement admises. Cependant, avec la reprise des événements internationaux et des salons professionnels, leur absence persistante est devenue plus visible, exposant une réalité jusque-là masquée par la crise sanitaire.
Néanmoins, la pratique des ISTN en ce qui concerne les affaires de corruption est difficilement quantifiable, car les chefs d’entreprises concernés veulent préserver la discrétion sur leur situation, considérant, pour la plupart, que leur cas « va bientôt se régler » et qu’il n’est « pas opportun d’alarmer » leurs partenaires d’affaires à l’étranger[39]. Selon l’un des avocats de ces chefs d’entreprises empêchés de circuler dans le monde, « personne ne veut en parler », car « tout le monde pense régler son problème discrètement seul dans son coin »[40].
D’après les informations recueillies lors de nos entretiens, de nombreux·ses employé·es d’entreprises publiques, comme Sonatrach, ou de ministères, notamment celui des Finances, sont actuellement sous ISTN. Certains sont sous contrôle judiciaire du pôle économique et financier du tribunal de Sidi M’hamed, tandis que d’autres n’ont reçu aucune notification officielle, découvrant leur interdiction de voyager au moment de leur départ. Il est cependant très difficile d’obtenir des précisions sur ces cas, car les personnes concernées en parlent rarement, dans l’espoir que faire profil bas améliorera leur situation. Malgré nos tentatives de contact, la crainte de représailles rend les informations particulièrement difficiles à obtenir.
3.2 Un outil de répression contre les voix dissidentes
En Algérie, la liberté de circulation est devenue un droit fragile et révocable pour ceux qui osent exprimer une voix critique. La facilité avec laquelle le droit de quitter le pays peut être suspendu menace de nombreux droits fondamentaux des citoyen·nes algérien·nes, en étouffant l’expression politique et la contestation. Le nombre croissant de cas d’ISTN observés ces dernières années, notamment dans le contexte de la répression du Hirak, crée un climat d’autocensure au sein de la société civile. Nos entretiens montrent clairement que ces mesures visent à sanctionner et isoler les défenseur·ses des droits humains et les opposant·es politiques.
Pour rappel, le Comité des droits de l’homme a clairement estimé que l’imposition des restrictions autorisées en vertu du paragraphe 3 de l’article 12 du PIDCP relatif à la liberté de circulation devait être :
compatible avec le respect des autres droits garantis dans le Pacte et avec les principes fondamentaux de l'égalité et de la non-discrimination. Ainsi, il y aurait clairement violation du Pacte si les droits consacrés aux paragraphes 1 et 2 de l’article 12 étaient restreints en raison de distinctions quelconques, fondées par exemple sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, l’opinion politique ou autre, l’origine nationale ou sociale, la naissance ou toute autre situation[41].
Sur la base des cas que nous avons recensés, ainsi que de ceux rapportés publiquement, nous sommes arrivés à la conclusion que la pratique des ISTN en Algérie touchait en particulier des individus exprimant des points de vue qui ne sont pas partagés par les autorités.
3.2.1 Les opposant·es politiques
En Algérie, l’interdiction de voyager est devenue un outil de contrôle visant à limiter les activités et à affaiblir les contestations de nombreux opposant·es politiques. Plusieurs figures politiques, issues de partis d’opposition, se retrouvent ciblées par des mesures d’ISTN ou de contrôle judiciaire abusif, parfois sans motif clair ni notification préalable. Ces interdictions renforcent la pression exercée sur l’opposition politique et font partie d’une stratégie plus large visant à réduire au silence les voix critiques du régime en place.
En septembre 2022, Samir Larabi, sociologue et ancien membre du Parti socialiste des travailleurs (PST), alors suspendu, a été informé par la police que le procureur général d’Annaba l’avait placé sous ISTN. Trois mois plus tard, la police lui a annoncé que cette interdiction avait été renouvelée. Cependant, bien que la période de renouvellement soit désormais écoulée, il n’a reçu aucune notification indiquant la levée de la mesure. En décembre 2022, il a été convoqué et interrogé par la police d’Annaba, puis inculpé en vertu de l’article 95 bis du Code pénal pour « réception de fonds en vue de commettre des atteintes à l’ordre public ». En juillet 2023, M. Larabi a été condamné par contumace à deux ans de prison, aux côtés de personnes accusées d’appartenir au mouvement Rachad, qualifié d’« organisation terroriste » par les autorités depuis juin 2021. M. Larabi a déclaré : « [c]ertes, toute ma vie est en Algérie, mais cette interdiction me pénalise en tant que chercheur, puisque je ne peux pas participer à des conférences à l’étranger».
De même, Abderrazak Makri, ancien président du Mouvement de la société pour la paix (MSP)[42], parti politique algérien islamiste[43], a publié le 30 novembre 2023 un long message sur Facebook, révélant qu’il avait été empêché, deux jours plus tôt, d’assister à des rencontres de soutien à la cause palestinienne[44]. Cette interdiction a été largement commentée dans la presse[45]. Dans ce message, il rapporte que l’agent de la PAF qui l’a informé de son interdiction de quitter le territoire ignorait les raisons exactes de cette mesure, mais savait simplement qu’il n’avait pas le droit de voyager. Il a également mentionné qu’on lui avait conseillé de ne pas évoquer publiquement son interdiction de sortie du territoire et de garder le silence. Cependant, il a estimé que le silence n’avait pas aidé ceux qui avaient vécu des situations similaires, et qu’en parler pourrait peut-être favoriser une prise de conscience générale[46]. M. Makri a également affirmé ne faire l’objet d’aucune poursuite judiciaire.
La répression des opposant·es politiques en Algérie, illustrée par les interdictions de sortie du territoire et les mesures de contrôle judiciaire abusives, constitue une grave violation de leurs droits fondamentaux. Ces pratiques visent non seulement à étouffer la contestation, mais aussi à empêcher ces acteurs de participer activement à la vie politique du pays, comme en témoigne le recours aux contrôles judiciaires dans le contexte de la campagne électorale ayant précédé les élections présidentielles anticipées de septembre 2024[47].
3.2.2 Les syndicalistes : le cas de la COSYFOP
L’interdiction de sortie du territoire a également été instrumentalisée contre les syndicalistes, qui se trouvent en première ligne de la défense des droits des travailleurs et des libertés fondamentales. Des leaders syndicaux, engagés dans la lutte pour des conditions de travail décentes et la protection des droits des employés, sont confrontés à des mesures d’ISTN arbitraires, sans justification ni avertissement préalable.
Parmi ces syndicalistes, il y a notamment Amine Felih, un membre fondateur de la Fédération nationale des travailleurs de l’informel (FNTI) et représentant pour la wilaya (préfecture) d’Alger de la Confédération syndicale des forces productives (COSYFOP). Il a été arrêté pour la première fois en février 2022 et accusé d’« appartenance à une organisation terroriste », avant d’être libéré après un mois et demi de détention grâce à une mobilisation de la société civile algérienne, incluant plusieurs syndicats.
Le 16 mars 2023, il a de nouveau été placé en détention provisoire pour « publications portant atteinte à l’intérêt national », conformément à l’article 196 du Code pénal. Après sa libération le 20 juin 2023, il a été arrêté une fois de plus le 3 novembre 2023, cette fois condamné à quatre mois de prison ferme pour une accusation sans fondement de « vente illégale de boissons alcoolisées ». M. Flih n’a jamais reçu de notification formelle concernant une ISTN, découvrant son interdiction uniquement lorsqu’il a tenté de passer la frontière. En effet, lors de deux tentatives de traversée à la frontière tunisienne en 2024, il en a été empêché par les agents de la PAF, qui n’ont pu lui fournir aucun document attestant d’une décision judiciaire ou administrative lui interdisant de quitter l’Algérie.
À la suite de la saisine officielle du Comité de la liberté syndicale de l’Organisation internationale du travail concernant le dossier de M. Felih, relatif à l’interdiction de quitter le territoire national prononcée à son encontre, les autorités algériennes ont procédé à son arrestation le 22 avril 2025 à Birtouta (Alger). Cette arrestation est intervenue dans un contexte de pression accrue sur les défenseurs syndicaux, et visait à l’interroger sur ses activités en lien avec la Coordination syndicale COSYFOP. Le 24 avril, M. Felih a été présenté devant le juge d’instruction du tribunal de Birtouta, qui l’a formellement inculpé pour des publications sur les réseaux sociaux jugées attentatoires à l’unité nationale. Il a été placé sous contrôle judiciaire, et son téléphone portable a été confisqué.
Un autre syndicaliste soumis à une ISTN est Ramzi Derder, président du congrès de la COSYFOP et membre du Bureau national de la Fédération nationale des travailleur·euses de l’économie informelle, qui est affiliée à la COSYFOP. Cette fédération a pour mission d’organiser les travailleur·ses de l’économie informelle et de défendre leurs droits en Algérie. Comme de nombreux autres membres de la COSYFOP, M. Derder a été la cible de harcèlement policier en raison de ses activités syndicales et de son engagement dans les manifestations populaires du Hirak. Malgré l’arrêt des manifestations en raison des restrictions sanitaires liées à la pandémie de Covid-19, il a continué à dénoncer la répression antidémocratique et antisyndicale sur les réseaux sociaux.
Il a été arrêté le 30 juin 2021, suite à une enquête judiciaire fondée sur ses critiques de la politique gouvernementale sur les réseaux sociaux. Le 4 juillet, le juge d’instruction du tribunal de Merouana a placé M. Derder sous mandat de dépôt, l’accusant d’« appartenance à une organisation terroriste » selon l’article 87 bis du Code pénal, ainsi que d’atteinte au moral de l’armée et à l’unité nationale par ses publications, conformément à l’article 196 du Code pénal. M. Derder a passé plus d’un an en prison avant d’être finalement acquitté de toutes les charges. Cependant, il a été empêché à deux reprises en 2024 de traverser la frontière algéro-tunisienne pour des vacances, sans qu’aucun document d’interdiction de sortie du territoire national ne lui soit remis, l’empêchant ainsi de contester cette décision abusive.
De même, Hakim Mouhoubi fait également l’objet d’une ISTN arbitraire. Il est l’un des membres dirigeants de la COSYFOP et délégué du bureau de la COSYFOP de la wilaya de Tizi Ouzou. Il a été détenu à trois reprises, en 2019, 2020 et 2021. En 2022, alors qu’il tentait de quitter l’Algérie pour se rendre en Tunisie, il en a été empêché par la PAF sans explication. Depuis cet incident, il a subi un harcèlement constant et des perquisitions répétées à son domicile de Tizi Ouzou, ce qui l’a contraint à fuir son domicile. M. Mouhoubi n’a jamais reçu de notification concernant sa mise sous ISTN, ni les raisons de celle-ci.
Enfin, Hakim Aghelis, président du Syndicat national des artisans, est également soumis à une interdiction de sortie du territoire. Couturier de métier, il était également membre de Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme (LADDH), qui a depuis été dissoute. En 2022, il a été condamné à trois mois de prison ferme, peine qu’il a purgée à la prison de Sétif. En juillet 2024, alors qu’il tentait de quitter l’Algérie avec sa famille pour des vacances en Tunisie, la PAF l’a informé qu’il était sous interdiction de quitter le territoire national et lui a conseillé de contacter le ministère de la Justice pour obtenir des précisions.
Abderrazak Mokrane est un dirigeant de la Fédération nationale des travailleurs de l’informel et travaille en tant que gardien dans un centre commercial de la wilaya de Chlef. Il est également un membre actif du Comité syndical des défenseurs des droits de l’homme, une structure dédiée à la promotion et à la défense des droits fondamentaux en Algérie. En raison de son engagement syndical au sein de la COSYFOP, M. Mokrane subit depuis plusieurs années un harcèlement constant de la part des autorités, à l’instar de ses collègues de la fédération. En juin 2024, alors qu’il souhaitait passer des vacances en Tunisie, il a été informé d’une interdiction de quitter le territoire national. La police des frontières lui a ordonné de se présenter au ministère de la Justice pour régulariser une situation dont il n’avait pas connaissance. Le 12 janvier 2025, M. Mokrane a été arrêté par la police de la wilaya de Chlef sous prétexte d’un non-paiement d’amende. Il a été rapidement présenté à un juge, qui l’a acquitté de toutes les accusations. Il a finalement été libéré le 16 janvier 2025, après cinq jours de détention.
À son retour, son employeur avait déjà décidé de le remplacer par un autre travailleur, le laissant sans emploi ni indemnisation. Aujourd’hui, M. Mokrane se trouve dans une situation précaire, et il nous a signalé être toujours suivi par la police, craignant une nouvelle arrestation.
Nous avons par ailleurs été informés qu’au moins quatre membres du Syndicat national autonome des personnels de l’administration publique (SNAPAP) ont été soumis à des ISTN.
Ces interdictions de sortie du territoire constituent non seulement une violation manifeste de la liberté de mouvement, mais elles servent également à étouffer des voix essentielles dans la lutte pour les droits des travailleurs en Algérie. Elles empêchent ces syndicalistes de faire entendre leurs revendications sur des scènes internationales, contribuant ainsi à l’isolement des mouvements syndicaux en Algérie.
3.2.3 Activistes et défenseur·ses des droits humains
Un très grand nombre d’activistes et de défenseur·ses des droits humains sont actuellement soumis à des ISTN arbitraires, sans en avoir été formellement notifiés et sans possibilité de contester cette décision. Le recours aux ISTN à l’encontre des défenseur·ses des droits humains a été constaté par la Rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs de droits humains, Mary Lawlor, suite à une visite en Algérie à la fin de l’année 2023. Cette dernière a relevé que :
La liberté de mouvement de certains défenseurs des droits humains serait également contrôlée par l’utilisation d’interdictions de voyager ou d’interdictions de sortie du territoire national, qui les empêchent de quitter le pays. Au cours de sa visite, la Rapporteuse spéciale a entendu dans plusieurs cas que les défenseurs des droits de l’homme n’étaient pas autorisés à voyager, et qu’ils n’avaient reçu aucune notification formelle d’une telle interdiction, qu’ils n’avaient découverte qu’à leur arrivée à l’aéroport[48].
Dans son rapport de visite, elle a également appelé le gouvernement algérien à « abolir l’utilisation des ISTN pour limiter les déplacements des défenseurs des droits de l’homme à l’étranger ».
Parmi les cas que nous avons documentés figure celui de Kaddour Chouicha qui a occupé le poste de vice-président de la LADDH, maintenant dissoute, et a été coordinateur national du syndicat des enseignants. Lui et son épouse, Jamila Loukil, ont été arrêtés à plusieurs reprises au cours des dernières années. En 2021, ils ont été accusés de terrorisme, accusation pour laquelle le juge d’instruction de la section antiterroriste du tribunal de Sidi M’hamed a recommandé un non-lieu en novembre 2022. Toutefois, le procureur général a fait appel de cette décision. Lui et son épouse ainsi que 13 autres militants poursuivis dans cette affaire seront finalement acquittés en première instance et en appel, le 3 décembre 2023 et le 26 février 2025 respectivement.
En août 2022, M. Chouicha s’est vu interdire de prendre un vol pour accompagner Mme Loukil, qui devait se rendre à l’ONU à Genève afin de participer en personne à une présession d’information organisée par l’ONU UPR-Info sur l’Algérie, prévue le 31 août 2022. Cette réunion s’inscrivait dans le cadre du 4ème cycle de l’Examen périodique universel (EPU) de l’Algérie. Mme Loukil a choisi de ne pas partir seule, préférant rester aux côtés de son époux pour éviter de le laisser seul entre les mains des services de sécurité. Cet incident figure dans les rapports 2023[49] et 2024[50] du Secrétaire général de l’ONU sur les actes d’intimidation ou de représailles dirigées contre ceux qui coopèrent avec l’Organisation des Nations Unies dans le domaine des droits humains. Le 23 mars 2023, M. Chouicha a pris part à l’adoption de l’EPU de l’Algérie par le biais d’une vidéo préenregistrée, précisant qu’il avait été empêché d’assister en personne à la session. En réponse, l’ambassadeur algérien a souligné que M. Chouicha était en attente de jugement et, par conséquent, ne pouvait voyager sans autorisation préalable, autorisation qu’il n’aurait pas sollicitée. Cependant, M. Chouicha n’avait jamais reçu de notification officielle concernant l’émission d’une ISTN ou d’un contrôle judiciaire à son encontre, ni de décision judiciaire ou administrative en ce sens. De plus, personne ne lui a fait part d’une quelconque autorisation qui serait nécessaire pour voyager. Il a donc déposé un recours devant le Conseil d’État le 23 février 2023 pour contester cette interdiction. Le 17 juillet 2024, M. Chouicha a pu voyager, sans qu’aucune explication officielle n’ait été donnée quant à l’instauration ou à la levée de l’ISTN, et sans avoir reçu de document officiel à ce sujet.
Merzoug Touati est un journaliste, blogueur et militant algérien. En 2015 il a créé Al Hogra, une page indépendante liée à l’actualité où il publiait des articles sur la situation politique et les droits humains en Algérie. Depuis 2017, il a été pris pour cible à plusieurs reprises par les autorités algériennes parce qu’il rendait compte de violations de droits humains et d’événements politiques[51]. M. Touati a été arrêté en 2017 et condamné en appel à cinq ans de prison, dont trois avec sursis, pour partage d’informations avec une puissance étrangère — une condamnation reposant exclusivement sur l’exercice pacifique de ses droits à la liberté d’expression et de réunion.
Actif dans le mouvement populaire du Hirak en tant que journaliste et militant, il a de nouveau été arrêté en 2020 alors qu’il s’apprêtait à couvrir une manifestation à Béjaïa. Il a été condamné à une amende pour « provocation directe à un attroupement ». En 2021, il a incarcéré une fois de plus et, en 2022, condamné à un an de prison pour « outrage aux institutions publiques » et publications de « fausses nouvelles ».
En décembre 2022, après sa sortie de prison, M. Touati a été convoqué par la police de Béjaïa et informé qu’il était placé sous une ISTN, sans qu’aucune raison précise ne lui soit communiquée. En mars 2023, il a été convoqué à nouveau pour être informé du renouvellement de cette interdiction. En juin 2023, lors d’une visite à un poste de police pour déclarer une perte, il a appris qu’il était toujours sous interdiction de voyager. Depuis, aucune notification officielle ne lui a été transmise concernant la levée de cette mesure. De plus, M. Touati s’est vu refuser la délivrance d’un nouveau passeport. Son ancien passeport ayant expiré, il a tenté d’en obtenir un nouveau depuis octobre 2019. Après avoir soumis une demande à cette époque, il n’a reçu aucune réponse jusqu’en novembre 2023, lorsqu’un fonctionnaire de l’administration en charge des passeports lui a annoncé que sa demande avait été rejetée et lui a rendu son ancien passeport.
De plus, en 2021, huit militant·e·s et anciens membres du Comité national pour la libération des détenus (CNLD), une organisation créée durant le mouvement populaire du Hirak pour documenter les arrestations, suivre les poursuites et soutenir les personnes détenues en raison de leurs opinions ou de leur militantisme, ont été frappés d’interdictions de voyager arbitraires. Ces militants ont été accusés d’ « incitation à un attroupement non armé », d’« outrage à des fonctionnaires », de « recel de fonds pour commettre des actes de nature à porter atteinte à la sûreté de l’État » et d’ « appartenance à une organisation terroriste » en vertu de l’article 87 bis du Code pénal, aux côtés d‘autres personnes impliquées dans les activités du CNLD. En juillet 2021, un juge d’instruction d’Alger a placé les huit militant·e·s sous contrôle judiciaire, assorti d’une interdiction de voyager et de la confiscation de leurs passeports. Le 18 novembre 2022, tous les accusé·e·s ont été acquitté·e·s, mais les militant·e·s n’ont toujours pas pu récupérer leurs passeports.
Le 31 janvier 2024, l’acquittement des militant·e·s a été confirmé en appel, et la défense a demandé la restitution de leurs passeports, arguant que le contrôle judiciaire devait prendre fin. Toutefois, le procureur général a affirmé que le jugement n’était pas encore définitif, précisant qu’un recours avait été déposé auprès de la Cour suprême en février 2024. Même si la Cour suprême a confirmé le jugement d’appel, les militants n’ont toujours pas été en mesure de récupérer leur passeport. Cette situation illustre l’utilisation abusive de l’article 198 (anciennement 125 bis 1) du CPP relatif au contrôle judiciaire, révélant comment ce dispositif peut être employé pour restreindre de manière disproportionnée le droit à la liberté de circulation des citoyen·ne·s algérien·ne·s.
En décembre 2022, Karim Djidjeli a été convoqué par la police de Béjaïa, où il a appris qu’il était soumis à une ISTN depuis début novembre, sur décision du procureur de la République. Aucun document écrit ne lui a été remis pour officialiser cette mesure, et son passeport a été confisqué par la police le jour même[52]. En mars 2023, il a de nouveau été convoqué et informé que l’interdiction de voyager avait été renouvelée au début du mois. En juillet, il a adressé une lettre au procureur général de Béjaïa pour demander la levée de cette interdiction et la restitution de son passeport, mais il n’a reçu aucune réponse. Militant actif du mouvement Hirak depuis 2019, M. Djidjeli a déclaré être régulièrement ciblé en raison de son engagement, notamment en tant que syndicaliste. Il subit des poursuites pénales, un harcèlement accru de la part des forces de sécurité et des représailles professionnelles sur son lieu de travail en tant que fonctionnaire.
En 2022, l’activiste Lazhar Zouaïmia a également été soumis à une ISTN. Ce citoyen canado-algérien a été retenu en Algérie contre son gré pendant plusieurs semaines, entre février et mai. Membre d’Amnesty International au Canada, il s’est vu refuser l’embarquement à bord d’un avion le 19 février. Après sa tentative de départ, un tribunal l’a initialement inculpé pour terrorisme avant de requalifier les charges en « atteinte à l’intégrité du territoire national », une accusation vague fréquemment utilisée pour sanctionner les activistes du Hirak. M. Zouaïmia a passé cinq semaines en détention avant d’être libéré provisoirement en attendant son procès.
En avril, il a tenté à deux reprises de prendre un vol pour le Canada, mais les autorités douanières l’ont à chaque fois retenu, l’empêchant ainsi de prendre son avion[53]. Ce n’est que le 5 mai qu’il a finalement pu quitter l’Algérie et rejoindre Montréal.
Human Rights Watch avait également documenté le cas de deux autres activistes canado-algériens également été empêchés de quitter l’Algérie en 2022, y compris Hadjira Belkacem[54]. Dans ces trois cas, les militant·es ont été interrogés sur leurs liens avec le mouvement populaire du Hirak et empêché·es de rentrer au Canada pendant plusieurs semaines ou mois. Les autorités n’ont fourni aucune justification légale ni document écrit pour ces restrictions de voyage, rendant impossible toute contestation devant les tribunaux. Finalement, tous trois ont pu quitter l’Algérie plus tard dans l’année.
Tahar Larbi est un éleveur de bétail de la wilaya d’El-Bayadh. Syndicaliste et défenseur des droits humains, il est également le président de la section d’El Abiodh Sidi Cheikh de la LADDH, dissoute fin 2022, dont il est membre depuis 2001. Il est également militant dans la région du sud de l’Algérie et a fondé la Plateforme des enfants du Sud sur les réseaux sociaux (supprimée aujourd’hui), un espace dédié aux préoccupations des citoyens de cette région dans les domaines politiques, économiques et culturels.
Lors du mouvement populaire pacifique du Hirak de 2019, M. Larbi est devenu l’une des figures emblématiques du mouvement dans la wilaya d’El Bayadh. Dans ce contexte, M. Larbi a été emprisonné le 14 mai 2020 pour « délit d’exposition au regard du public des publications de nature à nuire à l’intérêt national » en vertu de l’article 96 du Code pénal et « délit d’offense au président de la République » en vertu de l’article 144 bis du Code pénal. Le 19 mai 2020, il a été condamné sur la base de ces deux articles à 18 mois de prison ferme, peine qui a été réduite par la cour d’El Bayadh le 23 mai 2020 à six mois de prison ferme et 100 000 dinars d’amende. Le 5 juillet 2020, il a été libéré à la faveur d’une grâce présidentielle.
Le 18 janvier 2022, M. Larbi a été brièvement arrêté à la frontière algéro-mauritanienne après avoir pu se rendre en Mauritanie. Il a alors été informé qu’il faisait l’objet d’une ISTN, bien qu’il n’ait jamais reçu de notification officielle d'une quelconque décision judiciaire ou administrative l'empêchant de quitter l’Algérie.
Il a été arrêté le 18 septembre 2024 après avoir partagé des points de vue critiques sur les médias sociaux sur les autorités algériennes. Il a été inculpé pour des offenses contre la sécurité nationale et condamné à 15 ans de prison, peine ensuite réduite à quatre ans en appel[55]. Il est actuellement détenu à la prison d’Abadla.
Mourad Zenati, un avocat des droits humains, a été empêché de voyager le 9 août 2024, alors qu’il tentait de franchir la frontière terrestre avec la Tunisie[56]. C’est au poste frontalier qu’il a appris que le procureur d’Oued Amizour l’avait soumis à une interdiction de voyager le 1er décembre 2022. Il a affirmé avoir reçu un document écrit de la police aux frontières à ce moment-là, mais il n’avait pas été précédemment informé de l’interdiction.
Il semble que cette interdiction de voyager soit due au travail de Zenati, qui assure la défense de plusieurs membres du Hirak détenus. Zenati a été convoqué par la police et interrogé par un procureur de Béjaïa en juin 2022 au sujet de déclarations sur les réseaux sociaux, en lien avec les articles 79 et 100 du Code pénal, relatifs à l’« atteinte à l’intégrité du territoire national » et à la « provocation à un attroupement non armé ». Depuis cette audience en juin 2022, aucune nouvelle démarche n’a été entreprise dans cette affaire.
Amira Bouraoui, gynécologue algéro-française, est une militante des droits humains, qui a notamment été très active durant le mouvement pro-démocratie du Hirak. En 2021, elle a notamment été condamnée à un total de quatre ans de prison dans deux affaires distinctes pour « atteinte à la personne du président de la République » et « offense à l’Islam ». Même si les peines n’ont pas été exécutées, elle a été placée sous ISTN de manière arbitraire, sans notification ni justification, l’empêchant de se rendre en France, son pays de seconde nationalité[57]. Subissant pressions, répressions et harcèlement de la part des autorités algériennes, ainsi qu’une interdiction d’exercer la profession de gynécologue, elle a pris la décision de quitter l’Algérie malgré son ISTN. Le 30 janvier 2023, Mme Bouraoui a traversé la frontière vers la Tunisie en utilisant le passeport de sa mère et a finalement rejoint la France le 6 février. Sa sortie du territoire algérien a déclenché un incident diplomatique majeur entre l’Algérie et la France[58].
La fuite de Mme Bouraoui a eu de lourdes répercussions[59], plusieurs personnes ont été arrêtées, y compris le journaliste Mustapha Bendjama (voir ci-après) et le 7 novembre 2023, Mme Bouraoui a été condamnée par contumace à 10 ans de prison par le tribunal de Constantine, en Algérie pour « usurpation d’identité et sortie clandestine du territoire »[60].
La crise provoquée par le départ de Mme Bouraoui a incité les autorités algériennes à durcir les dispositions du Code pénal relatives aux « franchissement irrégulier des frontières »[61].
Enfin, les autorités algériennes peuvent également restreindre la liberté de circulation de défenseur·ses des droits humains en leur interdisant d’entrer dans leur propre pays. Bien que ce type de pratique ne constitue pas en soi une ISTN, il n’en reste pas moins constitutif d’une atteinte à la liberté de circulation.
Le 30 juillet 2025, Mme Nassera Dutour, présidente du Collectif des Familles de Disparus en Algérie (CFDA) et citoyenne algérienne, a été arbitrairement refoulée à son arrivée à l’aéroport Houari Boumediene d’Alger vers Paris, sans motif légal ni notification formelle[62]. Retenue pendant trois heures par la police aux frontières, elle a été contrainte d’embarquer sur un vol à destination de la France. Le seul document remis, un procès-verbal incomplet et irrégulier, ne mentionnait ni le motif de la procédure ni l’identité de l’agent responsable. Cet éloignement forcé, opéré à l’encontre d’une ressortissante nationale, constitue une violation manifeste de l’article 49 de la Constitution algérienne et de la loi n° 08-11 du 25 juin 2008 relative aux conditions d’entrée, de séjour et de circulation des personnes étrangères, inapplicable aux citoyens algériens, ainsi que des engagements internationaux de l’Algérie, notamment l’article 13 § 2 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme, l’article 12 § 4 du PIDCP et l’article 12 § 2 de la Charte africaine des droits de l’Homme et des Peuples. Le cas de Mme Dutour n’est pas sans précédent. Le 13 avril 2024, le journaliste Farid Alilat, de nationalité algérienne, a été expulsé de son propre pays, où il se rendait pour le compte du média Jeune Afrique[63]. M. Alilat a été refoulé à son arrivée à Alger après onze heures d’interrogatoire et la fouille de ses appareils électroniques. Le ministre de la Communication a justifié cette mesure par la ligne éditoriale jugée « hostile » de son média, dont l’édition papier est interdite en Algérie depuis 2020[64]. Son nom figure sur les fichiers de la Police des frontières. Il n’est pas autorisé à rentrer en Algérie sous peine d'arrestation ou d'expulsion. Cette mesure ne repose sur aucune motivation ou justification ou décision judiciaire.
3.2.4 Les journalistes
Plusieurs journalistes algérien·nes ont fait l’objet d’ISTN, à l’image de Khaled Drareni. Dans le contexte du Hirak, Khaled Drareni a couvert les manifestations pro-démocratie dans la capitale. Il a été arrêté le 7 mars 2020 avant d’être inculpé trois jours plus tard d’« atteinte à l’intégrité du territoire national » et d’« attroupement non armé ». Il a été condamné à trois ans de prison le 10 août 2020 par le tribunal de Sidi M’hamed. Sa peine a été réduite à deux ans de prison ferme en appel. Il a été libéré le 19 février 2021 à la faveur d’une grâce présidentielle[65].
Le 8 avril 2023, M. Drareni a annoncé sur les réseaux sociaux qu’il n’avait pas été autorisé à quitter l’Algérie pour recevoir le prix « Anoch Tuve un ceno » de la liberté de la presse qui lui a été décerné par l’organisation espagnole « committed optimists awards »[66]. Il a appris ce jour-là qu’il était encore sous le coup d’une ISTN émise à son encontre en 2020. Son cas démontre que les ISTN peuvent se poursuivre plusieurs années après la sortie de prison de la personne condamnée. L’ISTN a finalement été levée en mai 2023.
Mustapha Bendjama est un journaliste et défenseur des droits humains algérien. Il est soumis à une ISTN arbitraire depuis novembre 2019, lorsqu’il a été convoqué par la police d’Annaba qui l’a informé que le procureur a ordonné sa mise sous ISTN. En janvier 2022, M. Bendjama a envoyé une lettre au procureur ainsi qu’au chef de la sûreté de la wilaya d’Annaba demandant l’annulation de son ISTN. En avril 2022, il a rencontré le procureur qui lui a indiqué que son ISTN était levée, mais il a refusé de lui fournir un document écrit le prouvant. En juillet 2022, M. Bendjama a pu traverser la frontière tunisienne.
Néanmoins, le 20 octobre 2022, il a été arrêté au poste-frontière d’Oum Teboul alors qu’il tentait une nouvelle fois de se rendre en Tunisie. Transféré à la sûreté de la daïra d’El Kala, il a subi un « examen approfondi de situation » qui s’est prolongé toute la nuit.[67] Dans les jours qui ont suivi cet incident, M. Bendjama a tenté de franchir la frontière à au moins quatre reprises, jusqu’à ce que le chef du poste-frontière lui déclare : « ce sont les instructions du haut commandement, vous n’êtes pas sous ISTN, mais nous ne pouvons pas vous laisser sortir ».[68] Cette interdiction de sortie s’avérait donc arbitraire, sans aucun cadre légal. En réaction, M. Bendjama a adressé des courriers à la DGSN et au ministère de l’Intérieur ayant pour but d’entamer une action devant la justice administrative. Cependant, malgré ses tentatives d’envoi par divers moyens, les lettres n’ont jamais été signées avec accusé de réception, et n’ont jamais eu de réponse. Il a ensuite sollicité plusieurs huissiers de justice pour transmettre ces lettres au Ministère et à la DGSN, mais la plupart ont refusé par crainte de représailles.
M. Bendjama a donc décidé de déposer une plainte contre « X » le 12 novembre 2022 devant le procureur de la République près le tribunal d'Annaba. Sur Facebook, il a partagé son initiative en demandant si d’autres personnes avaient vécu des situations similaires, dans l’espoir de constituer une plainte collective. Cependant, toutes les réponses reçues provenaient de personnes également visées par une ISTN arbitraire, mais qui préféraient garder cela confidentiel et résoudre le problème à l’amiable. En conséquence, M. Bendjama a déposé une plainte individuelle contre X pour abus de pouvoir et atteinte aux libertés individuelles, en s’appuyant sur les articles 138 bis et 107 du Code pénal. Le 11 décembre 2022, il a été interrogé par les officiers de la police judiciaire d’Annaba concernant sa plainte[69]. On lui a demandé à qui il faisait référence en désignant « X », ce à quoi M. Bendjama a d’abord expliqué que le recours contre « X » visait un auteur inconnu, mais face à l’insistance des agents, il a précisé qu’il visait l’agent de la PAF qui lui avait interdit de franchir la frontière ainsi que le chef du poste frontalier d’Oum Teboul. Il a également demandé l’identification du responsable ayant donné cet ordre arbitraire.
En janvier 2023, après plusieurs mois d’essais infructueux, M. Bendjama a finalement trouvé un huissier de justice disposé à déposer ses lettres de recours auprès de la DGSN et du ministère de l’Intérieur. Il a reçu un accusé de réception le 3 février 2024, soit cinq jours avant son arrestation pour sa supposée implication dans l’affaire Bouraoui. Il convient de préciser que M. Bendjama n’était qu’une simple connaissance de Mme Bouraoui. Leurs échanges, essentiellement professionnels, portaient principalement sur le travail journalistique de M. Bendjama. Au cours de son interrogatoire, la police a ouvert une seconde affaire contre lui, en s’appuyant notamment sur l’article 95 bis du Code pénal. Pour ces deux affaires combinées, M. Bendjama a passé plus de 14 mois en détention. Sa détention a été qualifiée d’arbitraire par le Groupe de travail sur la détention arbitraire de l’ONU[70]. Libéré le 18 avril 2024, il a tenté de franchir la frontière d’Oum Teboul le 9 mai 2024, mais s’est à nouveau vu refuser le passage. En juin 2024, son avocat a envoyé une nouvelle lettre à la DGSN pour contester cette interdiction. Cependant, son ISTN arbitraire reste en vigueur et au moment d’écriture, M. Bendjama n’a reçu aucune réponse pour sa plainte contre X ni pour les lettres envoyées au ministère de l’Intérieur et à la DGSN.
M. Bendjama a de nouveau été arrêté le 30 décembre 2024 par la gendarmerie. Il a ensuite été placé en garde à vue et présenté le 31 décembre 2024 devant le procureur d’Annaba. Il aurait dû être jugé en comparution immédiate, mais le procureur a décidé de prolonger la garde à vue et de poursuivre l'enquête.
Il a été présenté le 2 janvier 2025 devant le procureur d’Annaba qui a décidé de le poursuivre pour « délit d’exposition au regard du public de publications de nature à nuire à l’intérêt national » (article 96 du Code pénal) et pour « délit de diffusion et de promotion délibérée de nouvelles et informations biaisées parmi le public via les médias sociaux, susceptibles de porter atteinte à la sécurité publique et à l'ordre public » (article 196, alinéa 1). Ce dernier a transféré le dossier au juge d’instruction, qui a ordonné sa mise sous contrôle judiciaire qui comprend une interdiction de sortie du territoire et de la wilaya. Son contrôle judiciaire a été levé depuis, et, à l’heure de la rédaction du présent rapport, il n’a toujours pas été jugé dans cette affaire.
Ces charges sont liées à des partages de publication portant sur la situation des droits humains en Algérie et un post Facebook dans lequel M. Bendjama dénonçait le caractère « arbitraire » de l’interdiction de sortie de territoire dont il fait l’objet depuis 2019.
Le cas de M. Bendjama illustre de manière flagrante le caractère arbitraire et abusif des ISTN ainsi que la violation des engagements internationaux de l’Algérie en la matière. En effet, malgré tous les recours qu’il a entrepris pour contester cette décision, cinq ans plus tard, la mesure demeure inchangée pour une durée indéterminée. Il se retrouve dans un vide juridique, subissant cette décision sans avoir accès à un document officiel identifiant l’auteur et les motifs juridiques sous-jacents, et sans aucune possibilité d’agir de manière significative pour la contester.
Enfin, la pratique des ISTN ne touche pas uniquement des journalistes critiques à l’endroit des autorités.
Le journaliste algérien Raouf Harzallah, chef de bureau de Paris d’une chaîne de télévision panarabe, a publié une vidéo le 16 mai 2025 pour interpeller le chef d’État algérien, Abdelmadjid Tebboune, sur l’ISTN dont il fait l’objet depuis quelques mois, sans en avoir été informé au préalable, ni auditionné, ni officiellement accusé. Il a expliqué n’avoir reçu aucune notification, et ne connaître ni le fondement ni la durée de cette restriction de liberté, malgré ses nombreuses tentatives pour tenter d’obtenir des réponses sur cette mesure. Dans cette vidéo, il explique avoir essayé de s'enquérir de son placement sous ISTN auprès du ministre de la Communication, Mohamed Meziane. Ce dernier lui aurait répondu que « 40% des Algériens sont sous ISTN »[71]. Ses déclarations ont été largement commentées dans la presse algérienne et internationale[72]. M. Harzallah a alors été décrit comme une « figure médiatique non militante »[73]. Le 18 mai 2025, le ministère de la Communication a publié un communiqué dans lequel il a démenti les informations « fallacieuses et tendancieuses attribuées injustement au ministre, M. Mohamed Meziane, par le correspondant d'un média étranger et se réserve le droit de recourir à la Justice[74]. » Bien que le chiffre soit impossible à vérifier et en dépit du démenti officiel du ministre, cette déclaration illustre l’ampleur du phénomène. Il semblerait que sa situation soit désormais résolue.
4. Conclusion et recommandations
En Algérie, l’usage des ISTN représente une violation systématique et grave des droits des défenseur·ses des droits humains, des syndicalistes, des opposant·es politiques, des activistes, mais aussi de citoyen·nes non-engagé·es, comme les hommes d’affaires ou autres. Ces mesures sont souvent imposées de manière arbitraire, sans notification préalable, et se révèlent en pratique lorsque les personnes ciblées tentent de franchir une frontière. L’absence de base légale claire pour ces interdictions, ainsi que la possibilité de les prolonger indéfiniment et l’impossibilité d’en faire recours, constitue une atteinte au droit à la liberté de circulation et enfreint les engagements internationaux de l’Algérie, tels qu’énoncés dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
En ce qui concerne le renouvellement d’une ISTN pour les infractions de terrorisme, nous sommes préoccupés par l’absence de limites temporelles clairement établies. En outre, la conception extrêmement large des actes terroristes dans la législation algérienne permet de cibler tout particulièrement les voix critiques dans le pays. Le contrôle judiciaire peut également s’avérer problématique lorsqu’il est utilisé pour empêcher des militant·es ou défenseur·ses des droits humains de voyager, sur la base de faits relevant de leurs droits à la liberté d’expression, d’association ou de rassemblement pacifique. Les ISTN en Algérie violent également les normes nationales, en particulier lorsque celles-ci sont appliquées hors du cadre judiciaire ou sans notification préalable. Ce climat d’incertitude a des conséquences graves sur les droits fondamentaux, au-delà du droit à la liberté de circulation, il viole également les droits à la liberté d’expression, d’association, de manifester pacifiquement et de participer à la vie politique, contribuant ainsi à restreindre l’espace civique en Algérie et à créer un climat d’auto-censure.
Afin de garantir le respect des droits humains en Algérie et de mettre fin aux abus liés aux ISTN, nous recommandons aux autorités algériennes de prendre les mesures suivantes :
Lever toutes les interdictions de sortie du territoire imposées sans base légale et sans notification préalable, et garantir que toute restriction future soit formellement communiquée et justifiée légalement.
Instaurer une limite de temps claire pour chaque ISTN et veiller à ce que les prolongations soient exceptionnellement justifiées, conformément aux normes internationales sur le droit à la liberté de circulation.
S’assurer que toute décision d’ISTN soit prise par une autorité judiciaire compétente, avec des justifications claires, et offrir aux personnes concernées un droit de recours judiciaire effectif.
Instaurer un mécanisme de recours judiciaire indépendant permettant aux personnes placées sous ISTN de contester la mesure de manière équitable et rapide, avec l’accès à des informations sur les motifs de l’ISTN pour une défense adéquate.
Veiller à la mise en place de procédures de contrôle régulier pour les restrictions de voyage.
Annuler tous les contrôles judiciaires arbitraires imposés aux défenseur·ses des droits humains et aux opposant·es politiques pour des actions relevant de leurs droits et libertés.
Réviser la législation antiterroriste pour éviter les abus et les interprétations trop larges du terme « terrorisme », qui peut servir de prétexte pour restreindre l’espace civique.
Réviser le Code de procédure pénale afin de garantir sa conformité avec l’article 49 de la Constitution et l’article 12 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques sur la liberté de circulation.
Ces recommandations sont essentielles pour garantir le respect des droits fondamentaux en Algérie, notamment le droit à la liberté de circulation, et pour mettre fin aux pratiques qui isolent et censurent les voix dissidentes et militantes.
[1] MENA Rights Group, Algérie : Interdictions de voyager arbitraires imposées aux dissidents, 3 février 2025, https://menarights.org/en/articles/algerie-interdictions-de-voyager-arbitraires-imposees-aux-dissidents (consulté le 6 juin 2025).
[2] Amnesty International, Human Rights Club Starter Guide, 2020, https://www.amnesty.org/en/wp-content/uploads/2021/05/POL3218072020ENGLISH.pdf?utm_source=chatgpt.com, (consulté le 26 octobre 2024).
[3] Comité des droits de l’homme, Observation générale n°27 : Liberté de circulation (article 12), 2 novembre 1999, UN Doc. CCPR/C/21/Rev.1/Add.9, § 11.
[4] Ibid, § 12.
[5] Ibid.
[6] Ibid, § 13.
[7] Comité des droits de l’homme, Observation générale n°32 : Liberté d’opinion et liberté d’expression (article 19), 12 septembre 2011, UN Doc. CCPR/C/GC/34, § 25.
[8] Observation générale n° 27, op. cit., § 14.
[9] Ibid.
[10] Ibid, § 15.
[11] Ibid, § 18.
[12] Cour de justice de l’Union européenne (grande chambre), 5 octobre 2012, Byankov c. Bulgarie, aff. C-249/11, ECLI:EU:C:2012:608, disponible sur : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:62011CJ0249 (consulté le 16 juin 2025), points 43 à 47.
[13] Commission européenne, Orientations sur le droit à la libre circulation des citoyens de l’Union et des membres de leur famille, 6 décembre 2023, https://latribune.avocats.be/sites/latribune/files/orientation_s_libre_circulation_citoyens_fr.pdf (consulté le 6 juin 2025).
[14] Cour européenne des droits de l’homme, Communiqué de presse : L’impossibilité de faire réexaminer une mesure d’interdiction de quitter le territoire jusqu’au paiement intégral d’une dette viole la Convention, 11 mai 2021, https://hudoc.echr.coe.int/app/conversion/pdf/?library=ECHR&id=003-7018365-9466831&filename=Arr%C3%AAt%20Stetsov%20c.%20Ukraine%20-%20un%20requ%C3%A9rant%20frapp%C3%A9%20par%20une%20mesure%20d%E2%80%99interdiction%20de%20quitter%20le%20territoire%20jusqu%E2%80%99au%20paiement%20int%C3%A9gral%20d%27une%20dette.pdf (consulté le 6 juin 2025).
[15] La Constitution algérienne révisée de décembre 2020 est accessible ici : https://menarights.org/sites/default/files/2021-07/Constitution%202020.pdf (consulté le 8 octobre 2024).
[16] À titre de comparaison, en France, la personne concernée par une interdiction de sortie du territoire en est informée par tout moyen (SMS, mail...). La décision d’IST lui est ensuite notifiée. Une notice est jointe à la décision et l’informe de ses droits et obligations. Lorsque la personne concernée est mineure, ses parents sont immédiatement avertis. Source : Service public, Qu’est-ce qu'une interdiction de sortie du territoire français pour terrorisme ?, 27 mai 2024, https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F32721 (consulté le 12 février 2025).
[17] Observation générale n° 27, op. cit., § 15.
[18] Comité des droits de l’homme, Avis adoptés par le Comité en vertu de l’article 5 (4) du Protocole facultatif, concernant la communication no.521/1992, 6 mai 1992, UN Doc. CCPR/C/50/D/521/1992, § 11.3 ; Comité des droits de l’homme, Communication n°1278/2004, 23 mars 2009, UN Doc. CCPR/C/95/D/1278/2004, § 8.2. ; Comité des droits de l’homme, Communication n°726/1996, 29 octobre 2002, UN Doc. CCPR/C/76/D/726/1996, § 8.3.
[19] Comité des droits de l’homme, Examen des rapports présentés par les États parties en vertu de l’article 40 du pacte, 22 juillet 2004, UN Doc. CCPR/CO/84/TJK, § 12.
[20] Comité des droits de l’homme, Observations finales concernant le quatrième rapport périodique de l’Algérie, 17 août 2018, UN Doc. CCPR/C/DZA/CO/4, § 18.
[21] Mandats de la Rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste; du Groupe de travail sur la détention arbitraire; de la Rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression; du Rapporteur spécial sur le droit de réunion pacifique et la liberté d’association et de la Rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs des droits de l’homme, Communication n° OL DZA 12/2021, 27 décembre 2021, https://spcommreports.ohchr.org/TMResultsBase/DownLoadPublicCommunicationFile?gId=26905 (consulté le 15 juillet 2024).
[22] Observations finales concernant le quatrième rapport périodique de l’Algérie, op. cit., § 17.
[23] Mandats de la Rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste; du Groupe de travail sur la détention arbitraire; de la Rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression; du Rapporteur spécial sur le droit de réunion pacifique et la liberté d’association et de la Rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs des droits de l’homme, Communication n° OL DZA 12/2021, 27 décembre 2021, https://spcommreports.ohchr.org/TMResultsBase/DownLoadPublicCommunicationFile?gId=26905 (consulté le 28 mai 2024), p. 4.
[24] Conseil des droits de l’homme, Rapport du Rapporteur spécial sur les droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association, Clément Nyaletsossi Voule, 17 mai 2024, UN Doc. A/HRC/56/50/Add.2, § 66.
[25] Conseil des droits de l’homme, Visite en Algérie, Rapport de la Rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs et défenseuses des droits humains, Mary Lawlor, 14 janvier 2025, UN Doc. A/HRC/58/53/Add.1, § 54.
[26] En France par exemple, l’article L. 224-1 du Code de la sécurité intérieure permet aux autorités d’interdire la sortie du territoire à des individus soupçonnés de vouloir rejoindre des zones de conflit sans qu’ils aient été condamnés pour une infraction. Même si cette loi est davantage circonscrite à ce qui est prévu en droit algérien, elle soulève néanmoins des inquiétudes concernant l’exercice des droits fondamentaux, notamment en raison de l'atteinte à la liberté de circulation, de la présomption de culpabilité, de l’absence de recours immédiat et des risques de discrimination, ce qui en fait une mesure potentiellement disproportionnée au regard des objectifs de lutte contre le terrorisme. En août 2015, le Comité des droits de l’'homme des Nations unies s’est déclaré particulièrement préoccupé par « l’introduction de mesures d’interdiction de sortie du territoire et du délit d’“entreprise terroriste individuelle” ainsi que par l’utilisation de termes vagues et imprécis pour la criminalisation et la définition de faits constitutifs d’acte de terrorisme, de provocation ou d’apologie du terrorisme ». Il a demandé à la France de veiller à ce que les lois renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme, comme la loi de novembre 2014 qui décrivait l’infraction en termes vagues et imprécis, « respectent les principes de présomption d’innocence et de légalité et soient par conséquent énoncées de manière explicite et précise ». Comité des droits de l’homme, Observations finales concernant le cinquième rapport périodique de la France, UN Doc. CCPR/C/FRA/CO/5, 17 août 2015, § 10.
[27] Algérie presse service, Conseil de la nation: adoption du projet de loi portant Code de procédure pénale, 8 juillet 2025, https://www.aps.dz/algerie/189120 (consulté le 24 juillet 2025).
[28] Amel H, Réforme de la justice : Un nouveau code de procédure pénale en vue, 16 octobre 2024, https://www.algerie360.com/reforme-de-la-justice-un-nouveau-code-de-procedure-penale-en-vue/ (consulté le 16 décembre 2024).
[29] Ibid.
[30] Décision N° 02/D. C.C/C.C/2025 du 16 juillet 2025 relative au contrôle de constitutionnalité d’articles du code de procédure pénale, disponible ici: https://cour-constitutionnelle.dz/2025/09/06/decision-n-02-d-c-c-c-c-2025-du-20-moharram-1447-correspondant-au-16-juillet-2025-relative-au-controle-de-constitutionnalite-darticles-du-code-de-procedure-penale-adopte/ (consulté le 18 septembre 2025).
[31] Article 186 de la Constitution.
[32] MENA Rights Group, Algérie : Interdictions de voyager arbitraires imposées aux dissidents, 3 février 2025, https://menarights.org/en/articles/algerie-interdictions-de-voyager-arbitraires-imposees-aux-dissidents (consulté le 16 avril 2025).
[33] Ibid.
[34] La Croix, Algérie : le PDG de Sonatrach limogé, celui d’un groupe privé en détention provisoire, 23 avril 2019, https://www.la-croix.com/Monde/Algerie-PDG-Sonatrach-limoge-celui-groupe-prive-detention-provisoire-2019-04-23-1301017368 (consulté le 23 octobre 2024).
[35] Khelifa Litamine, « Liste des hommes d’affaires interdits de sortie du territoire national », Algérie Eco, 1 avril 2019, https://www.algerie-eco.com/2019/04/01/liste-des-hommes-daffaires-interdits-de-sortie-de-territoire-national/, (consulté le 23 octobre 2024) ; Tout sur l'Algérie, La justice ouvre des enquêtes sur la corruption, ordonne des ISTN, 1er avril 2019, https://www.tsa-algerie.com/urgent-la-justice-ouvre-des-enquetes-sur-la-corruption-ordonne-des-istn/ (consulté le 5 mai 2025).
[36] Jeune Afrique, Algérie : pourquoi la peine de prison d’Ali Haddad a été réduite, 3 novembre 2020, https://www.jeuneafrique.com/1068484/societe/algerie-pourquoi-la-peine-de-prison-dali-haddad-a-ete-reduite/ (consulté le 5 mai 2020) ; Ryad Hamadi, Les frères Kouninef condamnés à de lourdes peines, Jeune Afrique, 23 septembre 2020, https://www.jeuneafrique.com/1068484/societe/algerie-pourquoi-la-peine-de-prison-dali-haddad-a-ete-reduite/ (consulté le 5 mai 2025).
[37] Neila Benrahal, « A la découverte du pôle pénal économique et financier : comme si vous y étiez », El Moudhahid, 23 mars 2024, https://elmoudjahid.com/fr/actualite/a-la-decouverte-du-pole-penal-economique-et-financier-comme-si-vous-y-etiez-215356 (consulté le 28 octobre 2024).
[38] Samy Injar, « Algérie, une trentaine de chefs d’entreprises importantes toujours interdits de voyage », Maghreb Emergent, 6 mai 2022, https://maghrebemergent.net/algerie-une-trentaine-de-chefs-dentreprises-importantes-toujours-interdits-de-voyage/ (consulté le 23 octobre 2024).
[39] Samy Injar, « Algérie, une trentaine de chefs d’entreprises importantes toujours interdits de voyage », Maghreb Emergent, 6 mai 2022, https://maghrebemergent.net/algerie-une-trentaine-de-chefs-dentreprises-importantes-toujours-interdits-de-voyage/ (consulté le 23 octobre 2024).
[40] Ibid.
[41] Observation générale n° 27, op. cit., § 18.
[42] Maghreb Émergent, Abderrazak Makri interdit de sortie du territoire national, 30 novembre 2023, https://maghrebemergent.news/fr/abderrazak-makri-interdit-de-sortie-du-territoire-national/ (consulté le 5 mai 2025).
[43] TV5 Monde, En Algérie, qui sont les islamistes du MSP qui revendiquent la victoire aux élections législatives ?, 14 juin 2021, https://information.tv5monde.com/afrique/en-algerie-qui-sont-les-islamistes-du-msp-qui-revendiquent-la-victoire-aux-elections (consulté le 2 juillet 2025).
[44] Page Facebook de Abderrazak Makri, 30 novembre 2023, https://www.facebook.com/AbderrazakMakri/posts/pfbid0m5uEd9c9og9qwwrVfr68NNhyhSgKbyRaKeiD1HupWT13pBbg5qsqMvLzKqum8hSEl (consulté le 28 octobre 2024).
[45] Courrier international, En Algérie, des interdictions de voyager de plus en plus arbitraries, 8 février 2024, https://www.courrierinternational.com/article/libertes-en-algerie-des-interdictions-de-voyager-de-plus-en-plus-arbitraires (consulté le 2 juillet 2025).
[46] Ibid.
[47] Salim Attar, « En Algérie, les arrestations pour délit d’opinion se multiplient à l’approche de la présidentielle », Le Monde, 30 août 2024, https://www.lemonde.fr/afrique/article/2024/08/30/en-algerie-les-arrestations-pour-delit-d-opinion-se-multiplient-a-l-approche-de-la-presidentielle_6299530_3212.html (consulté le 5 août 2025).
[48] Conseil des droits de l’homme, Rapport de la Rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs et défenseuses des droits humains, Mary Lawlor, 14 janvier 2025, UN Doc. A/HRC/58/53/Add.1, § 71.
[49] Rapport du Secrétaire Général de l’ONU, Coopération avec l’Organisation des Nations Unies, ses représentants et ses mécanismes dans le domaine des droits de l’homme, § 41, UN Doc. A/HRC/54/61, 21 août 2023, https://documents-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/G23/161/73/PDF/G2316173.pdf?OpenElement (consulté le 29 octobre 2024).
[50] Rapport du Secrétaire Général de l’ONU, Coopération avec l’Organisation des Nations Unies, ses représentants et ses mécanismes dans le domaine des droits de l’homme, § 44, UN Doc. A/HRC/57/60, 20 août 2024, https://undocs.org/A/HRC/57/60 (consulté le 29 octobre 2024).
[51] Amnesty International, Algérie : Il faut libérer immédiatement un journaliste : Merzoug Touati, 15 avril 2022, https://www.amnesty.org/fr/documents/mde28/5487/2022/fr/ (consulté le 25 novembre 2024).
[52] Post Facebook de Karim Djidjeli datant du 26 avril 2024, https://www.facebook.com/karim.djidjeli/posts/pfbid02dqP529W1BGwLx4CMjB8P1GoqA96nJe8WvSo5QDtvxToaWkjjGVb8CjJhc4GNioEil (consulté le 25 novembre 2024).
[53] Radio-Canada, Retenu en Algérie depuis des semaines, Lazhar Zouaïmia est finalement rentré au pays, 6 mai 2022, https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1881599/lazhar-zouaimia-retour-canada-algerie-detention (consulté le 26 novembre 2024).
[54] Human Rights Watch, Algeria: Arbitrary Travel Bans on Diaspora Activists, 6 mai 2022, https://www.hrw.org/news/2022/05/06/algeria-arbitrary-travel-bans-diaspora-activists (consulté le 26 novembre 2024) ; Marie-Isabelle Rochon, « L’Algérie ne digère pas le militantisme de ses ressortissants au Canada », Radio-Canada, https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1874599/droits-libertes-douanes-belkacem-zouaimia (consulté le 6 juin 2025).
[55] MENA Rights Group, Détention du défenseur des droits humains algérien Tahar Larbi, 11 mars 2025, https://menarights.org/en/case/tahar-larbi-0 (consulté le 16 juin 2025).
[56] SHOAA, Déclaration conjointe : Les organisations de défense des droits de l’homme exigent la levée de l’interdiction de voyager pour l’avocat Mourad Zenati et la fin du ciblage des avocats, 23 janvier 2025, https://shoaa.org/fr/declaration-conjointe-les-organisations-de-defense-des-droits-de-lhomme-exigent-la-levee-de-linterdiction-de-voyager-pour-lavocat-mourad-zenati-et-la-fin-du-ciblage-des-avocats/ (consulté le 16 avril 2025).
[57] Farid Alilat, « Comment Amira Bouraoui a fui l’Algérie vers la France », Jeune Afrique, https://www.jeuneafrique.com/1419524/politique/comment-amira-bouraoui-a-fui-lalgerie-aidee-par-la-france/ (consulté le 29 octobre 2024).
[58] Le Monde, Affaire Amira Bouraoui : Alger rappelle pour « consultations » son ambassadeur en France, 8 février 2023, https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/02/08/affaire-amira-bouraoui-alger-rappelle-pour-consultations-son-ambassadeur-en-france_6161068_3212.html (consulté le 31 octobre 2024).
[59] Suite à l'exil d’Amira Bouraoui, cinq personnes ont été arrêtées dont Yacine Bentayeb, son cousin ; Djamel Miassi, le chauffeur de taxi l’ayant conduite à la frontière tunisienne ; Taguida Ali, agent de la PAF ayant apposé le cachet sur son passeport ; Khadidja Bourdjina, sa mère ; et Mustapha Bendjama, journaliste et connaissance de Mme Bouraoui. Ils et elles ont été poursuivi·es dans le cadre de l’« affaire Bouraoui », pour « association de malfaiteurs dans le but d’exécuter le crime d’immigration clandestine » et de « traite de migrants dans le cadre d’une association organisée de malfaiteurs » en vertu des articles 176, 177 et 303 bis du Code pénal. Les peines prononcées ont été de six mois de prison ferme pour MM. Bendjama, Bentayeb et Miassi, mais ils ont tout de même passé huit mois en détention provisoire, trois ans de prison ferme pour M. Taguida, et un an de prison avec sursis pour Mme Bourdjiba.
[60] France 24, En Algérie, l'opposante Amira Bouraoui condamnée à 10 ans de prison ferme, 7 novembre 2023, https://www.france24.com/fr/afrique/20231107-en-alg%C3%A9rie-l-opposante-amira-bouraoui-condamn%C3%A9e-%C3%A0-10-ans-de-prison-ferme (consulté le 5 juin 2025).
[61] MENA Rights Group, Révision du Code pénal algérien, quelles conséquences pour les droits fondamentaux?, 2 septembre 2024, https://www.menarights.org/en/articles/modifications-du-code-penal-en-algerie-quelles-consequences-pour-les-libertes (consulté le 6 juin 2025).
[62] MENA Rights Group, Solidarité avec la défenseure des droits humains Nassera Dutour suite à son expulsion d'Algérie, 6 août 2025, https://menarights.org/en/articles/solidarite-avec-la-defenseure-des-droits-humains-nassera-dutour-suite-son-expulsion (consulté le 11 août 2025).
[63] Jeune Afrique, Un journaliste de Jeune Afrique expulsé d’Algérie, 15 avril 2024, https://www.jeuneafrique.com/1558337/politique/un-journaliste-de-jeune-afrique-expulse-dalgerie/ (consulté le 11 août 2025.
[64] Algérie Presse Service, L'interdiction d’entrée du journaliste Farid Alilat est liée à son statut d'envoyé du média où il exerce, 18 avril 2024, https://www.aps.dz/algerie/169700-l-interdiction-d-entree-du-journaliste-farid-alilat-en-algerie-est-due-aux-positions-du-media-ou-il-exerce-envers-l-algerie (consulté le 11 août 2025).
[65] MENA Rights Group, Khaled Drareni condamné pour avoir exercé ses activités de journaliste, 18 juin 2021, https://menarights.org/en/case/khaled-drareni (consulté le 5 mai 2025).
[66] Publication Twitter de Khaled Drareni du 8 mai 2023 disponible ici : https://x.com/search?q=Anoche%20tuve%20un%20se%C3%B1o&src=typed_query (consulté le 2 juillet 2025).
[67] Yamina Baïr , « ISTN : Une mesure arbitraire qui touche de plus en plus de citoyens », Maghreb Emergent, 12 janvier 2023, https://maghrebemergent.net/istn-une-mesure-arbitraire-qui-touche-de-plus-en-plus-de-citoyens/ (consulté le 31 octobre 2024).
[68] Ibid.
[69] @M_Bendjama sur Twitter (X), 11 décembre 2022, https://x.com/M_Bendjama/status/1602015969517490176?t=CPlB_OkJlVqcvoz4jzt0mg&s=19, (consulté le 31 octobre 2024).
[70] Groupe de travail sur la détention arbitraire, Avis n°24/202, concernant Mustapha Bendjama et Raouf Farrah (Algérie), 10 juin 2024, UN Doc A/HRC/WGAD/2024/24, § 126.
[71] Amar Ouyahia, « Interdiction de quitter le territoire : "40% des Algériens" concernés ? », Marianne, 3 juin 2025, https://www.marianne.net/monde/afrique/interdiction-de-quitter-le-territoire-40-des-algeriens-concernes (consulté le 6 juin 2025).
[72] Alquds, وزير الإعلام الجزائري ينفي حديثا منسوبا له بأن 40 بالمئة من الجزائريين ممنوعون من السفر.. وقضية الصحافي حرزالله تشعل جدلا واسعا, 19 mai 2025, https://www.alquds.co.uk/%D9%88%D8%B2%D9%8A%D8%B1-%D8%A7%D9%84%D8%A7%D8%AA%D8%B5%D8%A7%D9%84-%D8%A7%D9%84%D8%AC%D8%B2%D8%A7%D8%A6%D8%B1%D9%8A-%D9%8A%D9%86%D9%81%D9%8A-%D8%AD%D8%AF%D9%8A%D8%AB%D8%A7-%D9%85%D9%86%D8%B3%D9%88/ (consulté le 2 juillet 2025); Amar Ouyahia, « Interdiction de quitter le territoire : "40% des Algériens" concernés ? », Marianne, https://www.marianne.net/monde/afrique/interdiction-de-quitter-le-territoire-40-des-algeriens-concernes (consulté le 2 juillet 2025).
[73] Ali Ait Djoudi, Raouf Harzallah visé par une ISTN, il interpelle le chef de l’Etat Tebboune, 19 mai 2025, https://blogs.mediapart.fr/riposte2018/blog/190525/raouf-harzallah-vise-par-une-istn-il-interpelle-le-chef-de-l-etat-tebboune (consulté le 5 juin 2025).
[74] Algérie Presse Service, Algérie, Le ministère de la Communication dément formellement les informations fallacieuses et tendancieuses attribuées au ministre, 18 mai 2025, https://www.aps.dz/algerie/186900 (5 juin 2025).