August 06, 2025

© Photo of Nassera Dutour sourced from LinkedIn
Face à une grave atteinte aux droits fondamentaux d’une citoyenne algérienne engagée pour la vérité et la justice, nous, membres du Collectif Solidarité Algérie, avec le soutien d’organisations internationales, dénonçons une dérive autoritaire inacceptable et rendons public ce qui suit :
Nassera Dutour, présidente du Collectif des Familles de Disparus en Algérie (CFDA) et mère de disparu, a subi un refoulement forcé et arbitraire à son arrivée à l’aéroport d’Alger, et ce, sans explication légale ne lui soit fournie. Le seul document qui lui a été remis est un procès-verbal incomplet, ne mentionnant ni le motif de la procédure ni l’identité de l’agent responsable, délivré sans qu’aucune signature ne soit exigée, en infraction totale des procédures en vigueur.
Le 30 juillet 2025, à son arrivée à l’aéroport Houari Boumediene d'Alger, Nassera Dutour, née Yous, a été retenue durant trois heures par la police aux frontières, sans qu’aucune justification ne lui soit fournie, malgré ses demandes répétées. Elle a ensuite été contrainte d’embarquer sur le vol Air France AF1455 à destination de Paris. Ce n’est qu’à la dernière minute que le procès-verbal en question lui a été remis alors qu’elle était à bord de l’avion.
Citoyenne algérienne, Nassera Dutour, a fait l’objet d’un éloignement forcé de son propre pays, en violation flagrante de ses droits fondamentaux. Cet acte constitue une atteinte grave à sa dignité et contrevient aux garanties prévues par l’article 49 de la Constitution algérienne, ainsi que par la loi n° 08-11 du 25 juin 2008 relative aux conditions d’entrée, de séjour et de circulation des personnes étrangères, une loi qui ne saurait s’appliquer à une citoyenne algérienne. Cet acte constitue par ailleurs une atteinte manifeste à l’article 13 (paragraphe 2) de la Déclaration universelle des droits de l’Homme qui stipule que « toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays », à l’article 12, alinéa 4 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques selon lequel « nul ne peut être arbitrairement privé du droit d’entrer dans son propre pays », ainsi qu’à l’article 12 (paragraphe 2) de la Charte africaine des droits de l’Homme et des Peuples qui énonce que « Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays ».
Face à cet acte arbitraire, nous, membre du Collectif Solidarité Algérie et organisations internationales signataires, condamnons avec force cette décision à la fois injustifiée et illégale. Ce bannissement constitue une violation flagrante des droits fondamentaux garantis à chaque citoyenne et citoyen par la Constitution algérienne. Il est le symbole d’une dérive autoritaire où les droits civiques les plus élémentaires sont ouvertement bafoués, en contradiction totale avec les engagements constitutionnels et les Conventions internationales ratifiées par l’Algérie.
En violation de sa propre Constitution, l’Etat algérien ouvre la voie à l’impunité et rompt les liens de confiance entre les citoyennes et citoyens d’un côté et les autorités, entre la société civile et l’Etat censé garantir des droits fondamentaux, inaliénables, à toutes et tous.
Par conséquent, nous, signataires de ce communiqué, membres de la société civile algérienne et internationales, et du Collectif Solidarité Algérie:
- Nous exprimons notre solidarité entière et indéfectible à Nassera Dutour et la soutenons pleinement son combat pour le rétablissement de son droit à circuler librement et à revenir dans son pays natale – l'Algérie.
- Nous condamnons fermement cette dérive autoritaire qui prive une citoyenne algérienne de son droit à la libre circulation, au mépris des lois en vigueur et des conventions internationales, ouvrant ainsi la porte à de grave dérives à venir.
- Enfin, nous nous engageons à lutter, par tous les moyens légaux et pacifiques, conte les atteintes aux droits des citoyen.ne.s algérien.ne.s à revenir librement dans leur pays, à s’exprimer sans entrave et à jouir pleinement de leur citoyenneté - sans craindre éloignements, bannissements et/ou emprisonnements déguisés.
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Signataires :
- Alliance Transméditerranéenne des Femmes Algériennes (ATFA)
- Centre Justitia Pour la Protection Légale des Droits Humains en Algérie
- Collectif des Familles de Disparus en Algérie (CFDA)
- Collectif de sauvegarde de la ligue algérienne pour la défense des droits de l’Homme (CS-LADDH)
- Comité pour la justice (CFJ)
- EuroMed Droits
- Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), dans le cadre de l’Observatoire pour la Protection des Défenseurs des Droits Humains
- IBTYKAR
- Institut du Caire pour les Études des Droits de l’Homme (ICEDH)
- La Fondation pour la promotion des droits
- L’Association Féministe Algérienne Tharwa n’Fadhma n’Soumer
- Libertés Algérie
- MENA Rights Group
- Organisation mondiale contre la torture (OMCT), dans le cadre de l’Observatoire pour la Protection des Défenseurs des Droits Humains
- Riposte Internationale
- Shoaa pour les droits humains