Il y a urgence à mettre fin aux disparitions forcées en Afrique

August 27, 2020

27 août 2020 – À l’occasion de la Journée internationale des victimes de disparitions forcées, le 30 août, une coalition d'ONG appelle les États africains à mettre fin immédiatement à cette pratique, à contraindre les personnes responsables à rendre des comptes, à rechercher les disparu·e·s et à accorder des réparations aux victimes et à leurs familles.

L’African Centre for Justice and Peace Studies (Soudan), Lawyers for Justice in Libya, MENA Rights Group (Suisse), Zimbabwe Lawyers for Human Rights et REDRESS (Royaume-Uni) ont documenté de nombreux cas de disparitions et d'actes de torture perpétrés à travers le continent. De telles violations visent à réprimer la dissidence pacifique ou les personnes perçues comme des menaces par les autorités.

Le crime de disparition forcée implique la privation de liberté d'une personne contre sa volonté par des agents de l'État ou par des personnes ou des groupes de personnes qui agissent avec l'autorisation, l'appui ou l'acquiescement de l'État, sans que le sort de la victime ou le lieu où elle se trouve ne soient reconnus. Les personnes disparues sont vulnérables à de nombreux autres types d’abus, tels que la torture. Il s'agit d'un crime odieux aux lourdes conséquences pour les personnes disparues, mais aussi pour leurs familles et leurs communautés qui vivent dans l’incertitude quant au sort de leur proche.

Lors des manifestations nationales ayant entrainé la destitution de l’ancien président soudanais Omar al-Bashir l'année dernière, les forces de sécurité, épaulées par des paramilitaires agissant pour le compte du gouvernement, ont eu recours aux disparitions forcées afin de prétendument préserver la sécurité nationale. Le 3 juin 2019, plus d'une douzaine de manifestant·e·s ont disparu lorsque les forces de sécurité ont attaqué les participant·e·s d'un sit-in pacifique à Khartoum. Plus d'une centaine de civils auraient été tués et des centaines d'autres blessés. Les manifestant·e·s ont également été battu·e·s et détenu·e·s, soumis·e·s à des viols et à d'autres formes d'intimidation et d'humiliation.

Depuis 2011, l'État libyen et les milices agissant avec le soutien ou l'acquiescement des autorités ont fait disparaître des milliers de personnes en raison de leurs opinions ou affiliations politiques réelles ou perçues, de leurs liens tribaux, de leur militantisme en faveur des droits humains ou de leur identité, et ce dans un contexte d'impunité généralisée. Le 17 juillet 2020, la Libye a commémoré le premier anniversaire de l'enlèvement par des hommes armés de l'éminente parlementaire et défenseuse des droits humains Seham Sergiwa à son domicile de Benghazi. Trois jours avant sa disparition, elle avait appelé à la fin d'une offensive militaire sur Tripoli à la télévision. Son sort, comme celui de tant d'autres, reste à ce jour inconnu.

Au Zimbabwe, trois femmes leaders de l'opposition, Joanna Mamombe, Cecilia Chimbiri et Netsai Marova, ont été arrêtées à un poste de contrôle de police alors qu'elles se rendaient à une manifestation pacifique en mars 2020, avant d’être enlevées, torturées et agressées sexuellement. À ce jour, aucune enquête n'a été menée pour identifier les responsables.

L'impunité demeure la norme au sein du continent africain à l’image de l’Algérie où près de deux décennies après la guerre civile, les familles de disparu·e·s sont toujours à la recherche de leurs proches. Plus de 7 000 personnes ont été victimes de disparitions forcées pendant le conflit. L'ancien président Abdelaziz Bouteflika a offert une amnistie complète aux membres des forces de sécurité responsables de graves violations des droits humains. Le Comité des droits de l'Homme des Nations unies a condamné l’Algérie à plus de 30 reprises dans des affaires portant sur des disparitions forcées. Le gouvernement refuse toujours de mettre en œuvre les recommandations du Comité onusien relatives à ces affaires. Cette situation aggrave la souffrance des victimes et les prive de recours pour faire valoir leurs droits.

Depuis les années 1980, le Groupe de travail des Nations unies sur les disparitions forcées ou involontaires, un organe international d'expert·e·s chargé d’examiner des affaires individuelles, a reçu plus de 5 000 plaintes liées à des disparitions perpétrées sur le continent africain. Toutefois, ce nombre ne reflète pas l'ampleur de cette pratique. Le refus des autorités de reconnaître la commission d’un tel crime et l’absence de registres fiables rendent presque impossible une évaluation précise du nombre de cas.

Seuls 17 des 54 pays africains ont ratifié la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, le principal traité international interdisant cette pratique. L'Algérie, le Soudan, la Libye, le Zimbabwe et tous les autres pays africains qui ne sont pas encore parties à la Convention devraient ratifier cet instrument et adopter des garanties juridiques pour prévenir ce crime, tenir les auteurs responsables, rechercher les disparu·e·s et accorder des réparations aux victimes.

« Depuis 2011, l'État libyen et les milices qui lui sont affiliées, utilisent les disparitions forcées comme un outil pour faire taire les dissidents, selon un schéma répandu qui pourrait constituer un crime contre l'humanité », a déclaré Mohamed Elmessiry, avocat pour la justice en Libye et responsable de la recherche et du renforcement des capacités pour Lawyers for Justice in Libya. « La nouvelle mission d'enquête sur la Libye et la Cour pénale internationale doivent enquêter sur ce crime, ainsi que sur d'autres violations des droits humains et traduire les responsables en justice. »

« Les familles des personnes disparues en Algérie continuent de se heurter à des obstacles dans leur quête de la vérité. Huit mois après l'élection du nouveau président algérien, lequel s'est dit soucieux de protéger les droits fondamentaux, les proches des personnes disparues ont vu leurs revendications rester sans réponse et les actes de représailles contre celles et ceux qui s'expriment ont continué », a déclaré Inès Osman, directrice de MENA Rights Group.

« La pratique des disparitions forcées en Afrique a largement été ignorée pendant de nombreuses décennies et les victimes n’ont été laissées que trop longtemps dans l'oubli. Les États africains sont tenus de prévenir ce crime et d'enquêter sur celui-ci, de traduire en justice les auteurs, de rechercher les victimes qui ont été soumises à cette pratique et de fournir à leurs proches une assistance et des réparations. Il est temps pour les autorités de se confronter au problème des disparitions forcées plutôt que d’en nier l’existence », a déclaré Eva Nudd, conseillère juridique à REDRESS.

 

Pour plus d'informations ou pour solliciter une interview, veuillez-vous adresser à :

Amir Suliman, directeur du programme juridique de l'ACJPS, suleiman@acjps.org ou +256783661084

Tim Molyneux, responsable de la communication stratégique de Lawyers for Justice in Libya, tim@libyanjustice.org ou +44 (0)7400 995648

Inès Osman, directrice de MENA Rights Group, ines.osman@menarights.org

Eva Sanchis, responsable de la communication de REDRESS, eva@redress.org ou +44 (0)7857 110076 (espagnol/anglais)

Kumbirai Mafunda, responsable de la communication de Zimbabwe Lawyers for Human Rights, info@zlhr.org.zw ou au +263 773 855 611

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