Des ONG demandent à l’ONU de qualifier d’arbitraire la détention d’un militant marocain

April 03, 2024

Committee for Justice, Freedom House, et MENA Rights Group ont soumis une demande d’avis conjointe au Groupe de travail sur la détention arbitraire (GTDA) au nom de Nasser Zefzafi, un activiste politique détenu au Maroc. Zefzafi purge une peine injuste de 20 ans de prison pour son activisme pacifique en faveur de sa communauté amazighe indigène dans la région marginalisée du Rif.

Washington, DC, Etats-Unis et Genève, Suisse – Committee for Justice, Freedom House, et MENA Rights Group ont soumis une demande d’avis conjointe au Groupe de travail sur la détention arbitraire (GTDA) au nom de Nasser Zefzafi, un activiste politique détenu au Maroc. Zefzafi purge une peine injuste de 20 ans de prison pour son activisme pacifique en faveur de sa communauté amazighe indigène dans la région marginalisée du Rif. 

A l’approche de la fin du Ramadan, l’Aïd el-Fitr, les organisations lancent un appel commun au gouvernement marocain pour qu’il libère sans condition Nasser Zefzafi. En cette période importante et alors que le Maroc préside le Conseil des droits de l’Homme des Nations Unies à Genève, il est plus que jamais impératif que le pays respecte les droits humains ainsi que l’Etat de droit. 

Zefzafi était l’un des leaders du mouvement populaire du Hirak du Rif, déclenché par la mort brutale d’un poissonnier local à al-Hoceima, écrasé par un camion poubelle alors qu’il tentait de récupérer du poisson injustement confisqué par les autorités. Le Hirak du Rif était la plus grande série de manifestations dans le pays depuis 2011, rassemblant des dizaines de milliers de personnes. Zefzafi et les autres leaders du Hirak ont exprimé des revendications socio-économiques qui ont reçu une attention nationale et internationale et qui ont transcendé les divisions de classe. 

Zefzafi a été arrêté le 29 mai 2017 avant d’être maintenu en isolement prolongé pendant près d’un an. En juin 2018, la Cour d’appel de Casablanca a condamné Zefzafi à 20 ans de prison en première instance, tandis que ses coaccusés ont été condamnés à des peines allant d’un an à 20 ans, pour avoir prétendument attaqué les forces de polices, et dans certains cas, incendié des véhicules ainsi qu’un bâtiment de la police. Le 6 avril 2019 leur condamnation a été confirmée en appel, fondée principalement sur des aveux obtenus sous la torture.   

« Les garanties d’un procès équitable n’ont pas été respecté tout au long de la procédure, rendant sa condamnation illégale au regard des normes de droit international », a déclaré MENA Rights Group. L’ONG estime également que la privation de liberté de Zefzafi résulte de l’exercice de ses droits à la liberté d’expression, de réunion pacifique et d’association.

Dans une lettre adressée en 2018 au Parlement européen en tant que finaliste du Prix Sakharov, Zefzafi a rappelé son engagement durable en faveur de la non-violence et de la justice face à la litanie d’abus commis à l’encontre de sa communauté. Selon ses propres termes, il souhaite « se réveiller un jour dans un monde [sans armes] », dont les habitants vivraient « en paix sur cette belle planète bleue ». 

« Le droit de réunion pacifique est d’une importance fondamentale pour le fonctionnement d’une société démocratique et centrée sur le peuple » a déclaré Committee for Justice. « Au cours de la dernière décennie au Maroc, cependant, les retards administratifs et les restrictions arbitraires pour obtenir l’autorisation du Ministère de l’Intérieur pour manifester publiquement ont augmenté. La répression contre Zefzafi et le mouvement du Hirak du Rif est une démonstration claire de cette tendance regrettable. »

Le leadership de Zefzafi a été crucial pour le mouvement du Hirak du Rif malgré son emprisonnement. En 2017, une vidéo publiée par un site web affilié aux forces de sécurité marocaines montrait Zefzafi détenu, avec des ecchymoses et d’autres marques sur son corps suggérant des violences physiques. Cette vidéo a déclenché une nouvelle éruption de manifestations dans plusieurs villes – à l’intérieur et à l’extérieur du Rif – appelant à sa libération. 

Le cas de Zefzafi est emblématique de la vague actuelle de répression et de violations des droits humains au Maroc. Zefzafi et de nombreux autres activistes dans le pays ont été impitoyablement poursuivis, emprisonnés et torturés. En particulier, de nombreux journalistes ont été surveillés, menacés et emprisonnés pour tout reportage pouvant être perçu comme critique à l’égard du roi Mohammed VI ou des services de sécurité. En novembre 2022, Mohammad Ziane, un avocat vétéran de 80 ans qui représentait Zefzafi, a été arrêté et envoyé en prison, en représailles de son travail en faveur des droits humains. 

Selon des sources proches de lui, la santé de Zefzafi ne cesse de se détériorer en prison, les autorités l’empêchant de recevoir un traitement médical suffisant. « Alors qu’il continue d’endurer de terribles traitements au cours de la sixième année de sa longue peine, nous nous joignons à nos partenaires pour demander la libération immédiate et inconditionnelle de Zefzafi », a déclaré Margaux Ewen, directrice du programme Fred Hiatt pour la libération des prisonniers politiques de Freedom House. 

Le Royaume du Maroc organise des élections multipartites régulières pour le parlement et les organes locaux, et les réformes en 2011 ont transféré une partie de l’autorité gouvernementale de la monarchie à la législature nationale. Le roi et les fonctionnaires du palais maintiennent néanmoins une autorité totale à l’aide d’une combinaison de pouvoirs formels substantiels et de lignes d’influence informelles dans l’Etat et la société. De nombreuses libertés civiles sont restreintes dans la pratique. Dans le rapport Freedom in the World 2023 de Freedom House, le Maroc est classé comme partiellement libre avec un score global de 37 sur 100. En ce qui concerne les droits politiques, le Maroc a un score de 13 sur 40, et pour les libertés civiles, le pays a un score de 24 sur 60.  

 

Committee for Justice cherche à obtenir justice pour les victimes de violations des droits humains en Egypte, au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, en sensibilisant à la situation actuelle et en soutenant les acteurs des droits humains afin qu’ils contribuent à améliorer le système judiciaire et à aider les victimes. 

Freedom House est une organisation à but non lucratif et non partisane qui œuvre à la création d’un monde où chacun jouit de la liberté. Nous informons le monde des menaces qui pèsent sur la liberté, nous mobilisons l’action mondiale et nous soutenons les défenseurs de la démocratie. 

MENA Rights Group est une ONG basée à Genève qui défend et promeut les droits et libertés fondamentales dans la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord.

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