Des groupes de défense des droits de l’homme demandent aux tribunaux belges d’ouvrir une enquête sur Mohamed Bin Salman pour crimes contre l’humanité

January 11, 2023

Déclaration publique sur la soumission d'un avis d'expert rédigé par Democracy for the Arab World Now (DAWN), MENA Rights Group, et Freedom Initiative soutenant une plainte déposée en Belgique en décembre 2021 par l'Open Society Justice Initiative contre l'Arabie saoudite pour crimes contre l'humanité. L'avis d'expert a mis en évidence "des violations systémiques et généralisées des droits de l'homme commises à l'encontre d'individus qui ont critiqué pacifiquement les autorités ou leurs politiques".

 

Auteur: Martin Mycielski ; Type de licence: CC BY-SA 3.0

BRUXELLES–L’Open Society Justice Initiative se félicite du soutien de DAWN, MENA Rights Group et Freedom Initiative en faveur de la plainte pénale pour crimes contre l’humanité déposée en Belgique contre l’Arabie saoudite, et dont la recevabilité sera examinée lors d’une audience de la Cour d'appel de Bruxelles le 24 janvier 2024. Si la plainte est déclarée recevable, la Cour ordonnera l’ouverture d’une enquête à l’encontre du Prince héritier saoudien Mohammed bin Salman et d'autres dirigeants saoudiens.

Dans un avis d’expert soumis à la Cour d’appel, DAWN, MENA Rights Group et Freedom Initiative ont mis en exergue « les violations systématiques et généralisées des droits humains commises à l’encontre d’opposants politiques qui critiquent pacifiquement les autorités ou leurs politiques » par le régime saoudien et ont constaté que ces activités étaient « soutenues et coordonnées par le gouvernement dans le but de faire taire les voix dissidentes dans le pays ». Ces trois organisations ont conclu que « cet ensemble de violations constitue des crimes contre l’humanité, tels que définis par le Statut de Rome de la Cour pénale internationale ».

L'Open Society Justice Initiative a déposé plainte en décembre 2021 au nom des sœurs de Loujain al-Hathloul, militante pour les droits des femmes saoudiennes, sur la base du principe de compétence universelle. Il s’agit de la première plainte qui adresse l’ensemble des crimes contre l’humanité commis à l’encontre de dissidents en Arabie saoudite. La plainte documente de manière exhaustive l’étenduedes cas de tortures, d'assassinats, de disparitions forcées, d’arrestations arbitraires et de persécutions commis à l’encontre de centaines d’individus depuis 2017. Bien que le Prince héritier saoudien Mohammed bin Salman jouisse d’une immunité depuis qu'il a été nommé premier ministre, il peut tout de même faire l’objet d’une enquête pénale, laquelle pourra faire la lumière sur ls crimes contre l’humanité commis, l’identité des auteurs de ces crimes, les responsabilités de chacun et la chaîne de commandement.

Même si le procureur fédéral belge demande à la Cour d'appel de Bruxelles de rejeter cette plainte pour des motifs de recevabilité, l'Open Society Justice Initiative et les sympathisants de cette cause estiment que la Cour devrait ordonner l’ouverture d’une enquête. « Le réquisitoire du procureur fédéral belge concluant à l’irrecevabilité de la plainte contient de nombreuses erreurs factuelles et juridiques », a déclaré Maïté De Rue, responsable senior des contentieux pour l'Open Society Justice Initiative. « Il allègue que les sœurs de Loujain al-Hathloul ne pourraient pas déposer de plainte parce qu’elles ne seraient pas des victimes directes de faits de disparition forcée et au motif que les crimes commis en Arabie saoudite ne constitueraient pas de crimes contre l’humanité. »

Elle a ajouté : « Or, le droit international stipule clairement que les membres de la famille d’une personne faisant l'objet d’une disparition forcée sont des victimes directes de ce crime, compte tenu de l’extrême détresse qu’elles subissent en raison de la disparition. Par ailleurs, le réquisitoire du procureur fait totalement fi des nombreux crimes graves et systématiques documentés dans la plainte, et ce alors même que les Nations Unies ont affirmé que des disparitions forcées systémiques peuvent constituer des crimes contre l’humanité. »

En outre, les conseils d’Alia et Lina al-Hathloul soulignent que le droit de la procédure pénale belge traite les victimes de crimes contre l’humanité de manière inéquitable, en ce qu’il ne les autorise pas à répondre au réquisitoire du procureur fédéral demandant le rejet de la plainte pour crimes contre l’humanité qu’elles ont déposée. « Le fait que les victimes ne soient pas traitées sur un pied d'égalité avec le procureur fédéral va à l’encontre des droits des victimes et du droit à un procès équitable tels que garantis par le droit européen », a commenté Maryse Alié, avocate au Barreau de Bruxelles, qui représente Alia et Lina al-Hathloul dans cette affaire.

« Cette inégalité de traitement au préjudice des victimes, qui doivent pouvoir se faire entendre par la Cour d’appel, est la raison pour laquelle nous demandons à la Cour de saisir la Cour constitutionnelle belge et la Cour de justice de l'Union européenne afin qu’elles se prononcent sur la compatibilité de la procédure belge empêchant aux victimes d’être entendues avec la Constitution et le droit européen », a ajouté Marc Verdussen, avocat au Barreau de Bruxelles et professeur à l’Université de Louvain, qui représente aussi les plaignantes avec Maryse Alié.

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