19 ONG et fédérations syndicales internationales appellent à la libération immédiate du syndicaliste et défenseur des droits humains Ali Mammeri

November 24, 2025

MENA Rights Group se joint à 18 autres ONG et fédérations syndicales internationales pour exhorter l'Algérie à libérer immédiatement le défenseur des droits humains et syndicaliste Ali Mammeri, qui a été arbitrairement condamné à 15 ans de prison le 29 octobre 2025 et attend actuellement son appel.

Les 19 organisations soussignées appellent les autorités algériennes à libérer immédiatement et sans condition le syndicaliste algérien Ali Mammeri, à annuler sa condamnation à 15 ans de prison prononcée le 29 octobre 2025, et à ouvrir une enquête indépendante, impartiale et efficace sur ses allégations de torture et de disparition forcée, en vue de traduire les responsables en justice. Nous exhortons également les autorités algériennes à réviser la législation antiterroriste et l'ordonnance 21-09 relative à la protection des informations et des documents administratifs afin de les mettre en totale conformité avec les obligations internationales de l'Algérie en matière de droits humains, et d'empêcher toute interprétation abusive utilisée pour restreindre indûment l'espace civique.

Le 29 octobre 2025, le tribunal de première instance d’Oum El Bouaghi a condamné Ali Mammeri à 15 ans de prison, décision contre laquelle il a fait appel. Il attend désormais la fixation d'une date pour son procès en appel, qui devrait avoir lieu dans les prochaines semaines.

 

Les organisations estiment que les poursuites engagées contre Ali Mammeri, ainsi que la sévérité de sa peine, sont clairement le résultat de son engagement actif en faveur des droits humains et des droits syndicaux, notamment les communications de son syndicat avec l’Organisation internationale du Travail (OIT). L’utilisation abusive de la législation antiterroriste et relative à la sécurité de l’État porte atteinte à l’exercice pacifique de ses libertés fondamentales.

 

Ali Mammeri, fonctionnaire, défenseur des droits humains et militant du Hirak, est président et fondateur du Syndicat national indépendant des fonctionnaires du secteur de la culture et des arts (SNFC), affilié à la Confédération syndicale des forces productives (COSYFOP). Les autorités algériennes l'ont soumis à des représailles et à des menaces de poursuites judiciaires, à la suite de sa campagne pour syndiquer le secteur culturel en 2024 et de sa nomination à la tête du SNFC.

 

Le 19 mars 2025, des policiers en civil l'ont arrêté sur son lieu de travail à Oum El Bouaghi, à environ 500 km au sud-est d'Alger, sans mandat. Jusqu'au 23 mars, la police a refusé de communiquer à sa famille et à son avocat des informations sur le lieu où il se trouvait, le soumettant ainsi à une disparition forcée. 

La police l'a arrêté peu avant la publication prévue d'un avis du Comité d'experts de l’OIT sur les violations des droits des syndicalistes en Algérie, y compris ceux du COSYFOP. L'arrestation a également eu lieu après que le COSYFOP a soumis une communication au Comité de la liberté syndicale de l'OIT le 11 février 2025, partagée avec les autorités algériennes, qui comprenait des allégations de représailles subies par Ali Mammeri en raison de son activité syndicale.

Ali Mammeri a déclaré à sa famille et à ses avocats que la police l'avait frappé à plusieurs reprises pendant sa détention, l'avait déshabillé pendant son interrogatoire et l'avait contraint à avouer les accusations portées contre lui. Le 27 mars, sa mère a tenté de déposer une plainte pour torture auprès du procureur du tribunal d'Oum El Bouaghi, mais le greffier a refusé d'en accuser réception par écrit, la contraignant à l'envoyer par courrier. La famille n'a pas été informée de l'ouverture d'une enquête. Ses déclarations faites pendant sa garde à vue ont été utilisées pour étayer sa condamnation, malgré ses allégations de torture.

À l'issue de sa garde à vue, le 27 mars 2025, Ali Mammeri a été présenté au procureur du tribunal d'Oum El Bouaghi, qui a décidé de renvoyer l'affaire devant un juge d'instruction et a demandé l'ouverture d'une enquête en vertu des articles 87 bis 1, 87 bis 4 et 87 bis 5 du Code pénal relatifs aux infractions terroristes, ainsi que des articles 34 et 39 de l'ordonnance n° 21-09 relative à la protection des informations et documents administratifs. Un juge d'instruction du tribunal d'Oum El Bouaghi l'a placé en détention provisoire, sans en informer son avocat qui l'a trouvé par hasard au tribunal.

Le 29 octobre, après sept mois de détention provisoire arbitraire, Ali Mammeri a été reconnu coupable de plusieurs chefs d'accusation, notamment de « glorification d'actes terroristes » et de « diffusion d'informations classifiées ». Au cours de son procès, il a été accusé d'avoir échangé des communications avec des syndicalistes algériens et d'autres militants résidant à l'étranger. Les autorités ont considéré ces échanges, qui sont principalement de nature professionnelle ou familiale ou liés à son activité syndicale, comme une preuve de liens avec des individus et des organisations terroristes, sans fournir de preuves d'activités criminelles reconnues par le droit international et sur la base d'un processus de désignation du terrorisme contrôlé par les autorités exécutives et sécuritaires et caractérisé par plusieurs problèmes liés au respect des procédures régulières. Les autorités ont également retenu contre lui ses publications sur Facebook, ses déclarations en ligne ainsi que ses interactions avec les pages de réseaux sociaux d’opposants politiques pour justifier des poursuites – alors même que toutes ces activités relèvent pleinement du droit à la liberté d’expression.

 

Ali Mammeri a également été accusé de « divulgation d'informations sensibles » pour avoir partagé, dans des conversations numériques privées avec d'autres membres du syndicat, un document montrant une décision administrative du département culturel d'Oum El Bouaghi, relevant du ministère de la Culture, confirmant son transfert à un poste sans fonctions réelles ni conditions de travail adéquates, une mesure qui a suivi sa nomination en tant que représentant syndical le 17 juin 2024 et pour laquelle aucun motif n'a été fourni. Cette décision administrative figurait dans la communication susmentionnée adressée au Comité de la liberté syndicale de l'OIT par le COSYFOP le 11 février 2025 et a ensuite été mentionnée dans un rapport du Comité datant de juin 2025.

Le tribunal a finalement examiné sa tentative de créer une « organisation nationale des droits de l'homme » en formant un comité syndical sur les défenseurs des droits de l'homme, qui a été présentée comme une initiative « subversive » pouvant être considérée comme criminelle ou terroriste.

L'article 87 bis du Code pénal, qui traite des actes « terroristes » ou « subversifs », a suscité de vives inquiétudes, notamment en raison de la définition vague et trop large du terrorisme qu'il contient. En juin 2021, le gouvernement algérien a encore élargi cette définition pour y inclure « la tentative de s'emparer du pouvoir ou de changer le système de gouvernance par des moyens inconstitutionnels » et « la remise en cause de l'unité nationale ».

Le Comité des droits de l'homme des Nations unies et les procédures spéciales ont souligné que cette définition du « terrorisme » n'était pas conforme aux normes internationales et ouvrait la voie à des poursuites abusives visant des activités pacifiques relevant de la liberté d'expression, de réunion ou d'association. Pour sa part, l'OIT a recommandé à l'Algérie de veiller à ce que cet article ne soit pas appliqué pour criminaliser des activités syndicales normales protégées par le droit international, telles que les grèves ou les revendications pacifiques des travailleur·euse·s. 

L'ordonnance 21-09 adoptée le 8 juin 2021 prévoit jusqu'à 15 ans d'emprisonnement pour les personnes qui partagent des informations jugées « classifiées » ou « sensibles » – définies de manière trop large, ce qui permet des interprétations abusives. Cette ordonnance a créé une base permettant de poursuivre les personnes qui partagent des informations que les autorités jugent « offensantes » ou « préjudiciables » à leurs intérêts, risquant ainsi d'entraver l'activité des défenseur·euse·s des droits humains.

L'Algérie est partie à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples et au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui garantissent le droit à la liberté d'association, y compris le droit de former des syndicats et d'y adhérer pour défendre ses intérêts. Elle a également ratifié les conventions n° 87 et n° 98 de l'OIT sur la liberté syndicale et le droit d'organisation et de négociation collective.

Signataires :

 

AfricanDefenders (Réseau panafricain des défenseurs des droits de l'homme), Amnesty International, Collectif des Familles de Disparu·e·s en Algérie, Committee for Justice (CFJ), Comité de sauvegarde de la Ligue algérienne des droits de l’homme (CS-LADDH), Confédération syndicale des forces productives (COSYFOP), DAWN, Euromed Droits, Fondation pour la Promotion des Droits (FPRA), HuMENA for Human Rights and Civic Engagement, Institut du Caire pour les Études des droits de l’Homme (ICEDH), L’Internationale des Services Publics (ISP), Justitia Center for the Legal Protection of Human Rights in Algeria, Libertés Algérie, MENA Rights Group, Riposte internationale, Service international pour les droits de l'homme (ISHR), SHOAA for Human Rights, Union internationale des travailleurs-euses de l’alimentation, de l’agriculture, de l’hôtellerie-restauration, du tabac et des branches connexes (UITA)

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