Saïd Boudour confronté à des accusations de terrorisme pour son activisme en faveur des droits humains

Saïd Boudour confronté à des accusations de terrorisme pour son activisme en faveur des droits humains

Depuis plusieurs années, Saïd Boudour est régulièrement inquiété par les autorités algériennes en raison de ses activités de jounaliste et défenseur des droits humains. Il était notamment membre de la Ligue algérienne des droits de l’Homme (LADDH) avant la dissolution de l’organisation. Depuis avril 2021, il fait face à des accusations de terrorisme liées à ses activités légitimes de défenseur des droits humains. L’affaire comprend également les défenseur-e-s des droits humains Jamila Loukil et Kaddour Chouicha, ainsi que d’autres militants impliqués dans le mouvement de protestation « Hirak ». Saïd Boudour et les autres accusé-e-s ont tous-tes été acquitté-e-s le 3 décembre 2023.

Depuis plusieurs années, Saïd Boudour est régulièrement harcelé par les autorités algériennes pour des reportages sur les questions relatives aux droits humains dans le pays. Il s’intéresse notamment aux droits des migrants et des prisonniers politiques dans le contexte du mouvement de protestation appelé « Hirak » en Algérie.

Il a notamment été arrêté plusieurs fois entre juin 2016 et décembre 2018. En juin 2018, il avait été arrêté alors qu’il sortait d'une réunion de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'Homme. Il a ensuite été transféré à Alger pour faire l'objet d'une poursuite judiciaire en relation à des informations qu’il avait diffusées à propos d’une saisie de stupéfiants à Oran impliquant de hauts responsables algériens.

Saïd Boudour a de nouveau été arrêté le 6 octobre 2019 et placé en garde à vue au siège de la sûreté à Oran où il a été interrogé sur des contenus hostiles au gouvernement algérien partagées sur son compte Facebook. Il a également été questionné sur d’autres contenus dont il n’est pas l’auteur, publiés à travers un compte Facebook piraté. Il a été inculpé le lendemain des crimes d’« atteinte au moral des troupes » et « atteinte à l’intégrité du territoire national et à l’unité nationale » ainsi que pour les délits de « diffamation » et d’« outrage aux institutions de l’État ».

Le 7 octobre 2019, le juge d’instruction près le tribunal d’Oran a néanmoins accepté sa demande de mise en liberté conditionnelle avant que la chambre d’accusation du tribunal d’Oran ne décidé d’annuler sa mise en liberté provisoire le 15 octobre 2019.

Le 10 mars 2020, son dossier a été confié au tribunal correctionnel d’Oran suite à la requalification des poursuites. Saïd Boudour reste néanmoins poursuivi d’« outrage à corps constitué », « diffamation », et « menaces ». Ces chefs d’accusation font référence à des posts Facebook critiquant l’ancien chef d’état-major de l'Armée nationale populaire Ahmed Gaïd Salah.

Le 24 novembre 2020, le tribunal de première instance d'Oran l'a condamné par contumace à un an de prison et à une amende de 50’000 Dinars algériens. Lors d'un nouveau procès le 10 mars 2021, Saïd Boudour a été condamné à une peine de deux mois de prison avec sursis. Il est remis en liberté à l'issue du procès.

Le 23 avril 2021, Boudour est arrêté brutalement par cinq policiers alors qu’il couvrait une manifestation du Hirak à Oran. Il a déclaré avoir subi des coups de pieds, des coups de poing, des gifles et des insultes de la part des policiers. Accusé de terrorisme et de complot contre l’Etat, il a été maintenu en garde à vue jusqu’au 29 avril 2021.

Le 29 avril 2021, les défenseur-e-s des droits humains Saïd Boudour, Jamila Loukil et Kaddour Chouicha, ainsi que les 12 autres militant-e-s pacifiques, ont été poursuivi-e-s pour des accusations liées au terrorisme.

Le procureur général d’Oran a notamment accusé Saïd Boudour de complot contre la sécurité de l’Etat et d’avoir porté atteinte à l’intégrité du territoire national, de propagande susceptible de nuire à l’intérêt national, d’origine ou d’inspiration étrangère, et d’appartenance à une organisation terroriste ou subversive active à l’étranger ou en Algérie, sur la base des articles 77, 78, 87 bis, 87 bis 3, 87 bis 6 et 96 du Code pénal.

Le même jour, Boudour a été placé sous contrôle judiciaire, de même que deux autres militants du Hirak, et a dû se présenter au poste de police tous les 15 jours.

Le 17 juin 2021, plusieurs titulaires de mandats au titre des procédures spéciales de l’ONU ont envoyé une communication aux autorités algériennes concernant Boudour, Loukil et Chouicha. Dans cette communication, les procédures spéciales ont exprimé leur grave inquiétude face au harcèlement juridique que les trois défenseur-e-s des droits humains subissent.

Le 4 août 2022, la 5e chambre du tribunal pénal spécialisé d’Alger a rejeté un appel visant à stopper le contrôle judiciaire de Boudour.

Le procès pour terrorisme, initialement prévu pour le 15 juin 2023, a été reporté à plusieurs reprises avant de se tenir finalement le 3 décembre 2023, où les accusé-e-s ont été acquitté-e-s par le tribunal de Dar El Beida. Néanmoins, le procureur a fait appel à cette décision.

De visite officielle en Algérie, la Rapporteuse Spéciale sur les défenseurs des droits de l’Homme a pu assister au procès du 3 décembre. Dans sa déclaration de fin de mission, elle a exprimé des préoccupations majeures quant à la perception des autorités envers Boudour, qui est considéré comme nécessitant un contrôle étroit uniquement à cause de ses activités en faveur des droits humains.

Timeline

3 décembre 2023 : le tribunal de Dar El Beida prononce l’acquittement en faveur de Saïd Boudour ainsi que des autres personnes poursuivies pour « enrôlement dans une organisation terroriste ».
Décembre 2022 : les membres de la LADDH apprennent sur les réseaux sociaux que leur organisation a été dissoute en juin 2022.
4 août 2022 : le tribunal pénal spécialisé d’Alger rejette un appel visant à lever le contrôle judiciaire du journaliste et défenseur des droits humains Saïd Boudour.
29 juin 2022 : le tribunal administratif d’Alger ordonne la dissolution de la Ligue Algérienne pour la Défense des Droits de l’Homme sans en informer ses membres.
Novembre 2021 : Saïd Boudour est acquitté en appel pour le chef d’« insulte à l'encontre du régime» pour lequel il avait été condamné en première instance en mars 2020.
17 septembre 2021 : le dossier de Saïd Boudour est transféré au niveau du pôle anti-terroriste d’Alger du tribunal Sidi M’hamed.
17 juin 2021 : plusieurs titulaires de mandats au titre des procédures spéciales de l’ONU, expriment de vives inquiétudes concernant le harcèlement judiciaire à l’encontre de Saïd Boudour, Jamila Loukil et Kaddour Chouicha.
29 mai 2021 : les services de sécurité empêchent Saïd Boudour de couvrir pour le compte de Radio M la visite de l’ambassadeur des Etats-Unis en Algérie à Oran.
29 avril 2021 : Saïd Boudour est poursuivi pour « enrôlement dans une organisation terroriste ou subversive active à l’étranger ou en Algérie ». Il est placé sous contrôle judiciaire et doit se présenter au poste tous les 15 jours.
23 avril 2021 : Saïd Boudour est brutalement arrêté alors qu’il couvre une manifestation du Hirak à Oran. Accusé de terrorisme et de complot contre l’Etat, il est mis en garde à vue.
10 mars 2021: le tribunal de première instance d'Oran acquitte Saïd Boudour du chef d'accusation de « diffamation » et le condamne à une peine de deux mois d'emprisonnement avec sursis accompagnée d'une amende de 20’000 Dinars pour le chef d’inculpation d’« insulte à l'encontre du régime» ; la défense a interjeté appel.
1er mars 2021: Saïd Boudour est incarcéré dans l’attente d'être rejugé par le tribunal de première instance d’Oran.
24 novembre 2020: Le tribunal d'Oran condamne par contumace Saïd Boudour à un an de prison et 50’000 Dinars algérien (environ 325 Euros).
26 août 2020: MENA Rights Group porte à l’attention du Rapporteur spécial de l’ONU sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression le cas de Saïd Boudour.
10 mars 2020 : La chambre d’accusation du tribunal d’Oran abandonne une partie des charges contre Saïd Boudour et renvoit l’affaire devant le tribunal correctionnel.
10 janvier 2020 : Le juge d'instruction de la 5ème chambre du tribunal d'Oran a transféré son dossier vers la section criminelle du tribunal.
15 octobre 2019 : la chambre d’accusation du tribunal d’Oran décide de placer en détention provisoire Saïd Boudour.
7 octobre 2019 : Saïd Boudour est inculpé entre autres d' « atteinte au moral des troupes » et « atteinte à l’intégrité du territoire national et à l’unité nationale ».
6 octobre 2019 : Saïd Boudour est arrêté et interrogé par la police au siège de la sûreté à Oran à propos de posts Facebook critiques vis-à-vis des autorités.