Vérité et justice pour Wele Ousmane Abdallah, disparu lors du Passif Humanitaire en Mauritanie

Vérité et justice pour Wele Ousmane Abdallah, disparu lors du Passif Humanitaire en Mauritanie

Wele Ousmane Abdallah était adjudant au sein de la marine mauritanienne à l’époque du Passif humanitaire. Il a été arrêté au sein de la base marine de Nouadhibou le 27 novembre 1990. Il a ensuite été emmené avec plusieurs autres soldats afro-mauritaniens à la caserne d’Inal où il a subi des actes de torture. Il a succombé à ses blessures le 5 décembre 1990. Sa dépouille n’a jamais été restituée à ses proches et ces derniers n’ont jamais été officiellement informés des circonstances du décès. Ils ignorent également où Wele Ousmane Abdallah a été inhumé. Sa famille n’a eu de cesse de réclamer la vérité et la justice depuis.

Wele Ousmane Abdallah était adjudant au sein de la marine mauritanienne à l’époque du Passif humanitaire, période durant laquelle des violations massives des droits humains à l’encontre des populations afro-mauritaniennes ont été commises entre 1986 et 1992.

Le 27 novembre 1990, bien que la victime ait entendu des rumeurs sur l’arrestation de soldats afro-mauritaniens, il s’est rendu sur son lieu de travail, la base navale de Nouadhibou comme à son habitude.

En rentrant du travail, vers 14h00, sa voiture a été interceptée par un officier qui l’a informé qu'il devait retourner à la base marine. Arrivé à son bureau, il a été pris en embuscade par plusieurs militaires qui lui ont attaché les bras et les jambes dans le dos puis lui ont recouvert la tête d'un tissu noir avant de le faire monter dans un véhicule militaire. L’arrestation aurait été menée sur ordre du capitaine Abderrahmane Ould Yahya Ould Kouar, Directeur de la région marine Nouakchott et Nouadhibou.

Wele Ousmane Abdallah a ensuite été emmené avec plusieurs autres soldats afro-mauritaniens dans un véhicule militaire à Inal, situé à 250 km au nord-est de Nouadhibou.

La caserne d’Inal a été le théâtre de graves violations des droits humains. Dans la nuit du 27 au 28 novembre 1990, date de l’indépendance du pays, 28 militaires afro-mauritaniens ont été pendus.

Selon le cousin de la victime, le sergent Mamadou Bayla Wele, lui-même arrêté le 21 novembre 1990, il a été torturé tous les jours à partir du 27 novembre 1990. Les actes de tortures allaient de coups assénés avec des barres métalliques, à l’attachement des mains et des jambes avec des chaînes derrière le dos, jusqu’aux coups infligés par un groupe de soldats.

Wele Ousmane Abdallah a de nouveau été torturé la nuit du 4 décembre 1990. Il a succombé à ses blessures le lendemain.

Le lendemain de la disparition de son mari, l’épouse de la victime et plusieurs épouses de militaires arrêtés dans le contexte du Passif humanitaire se sont rendues à la base navale de Nouadhibou pour demander des informations sur la localisation de leurs maris, en vain.

Finalement, après plusieurs semaines d’attente, l’épouse de la victime a décidé de quitter Nouadhibou pour retourner à Djeol, sa ville natale. Quelques mois après la disparition de la victime, lors d’une mission dirigée par le capitaine Ely Vall du bureau des renseignements de l'armée mauritanienne, ce dernier a retrouvé l’épouse de la victime à Kaédi, dans le sud de la Mauritanie, pour l'informer du décès de la victime. Ce dernier a alors déclaré qu’il était décédé en mission.

Depuis, la dépouille de Wele Ousmane Abdallah n’a jamais été restituée à ses proches et ces derniers n’ont jamais été officiellement informés des circonstances du décès. Ils ignorent également où Wele Ousmane Abdallah a été inhumé.

Les autorités ont promulgué en 1993 la loi n° 93-23 qui accorde l’amnistie aux membres des forces de sécurité pour toutes les infractions qu’elles auraient pu commettre dans le cadre de l’exercice de leur fonction entre le 1er janvier 1989 et le 18 avril 1992. Le texte précise que « toute plainte, tout procès-verbal et tout document d’enquête relatifs à cette période et concernant une personne ayant bénéficié de cette amnistie sera classé sans suite ».

Faute de pouvoir introduire des recours au niveau interne, les victimes et leurs ayants droit n’ont pas eu d’autres choix que de se tourner vers les juridictions internationales. En 2000, la Mauritanie a été condamnée par la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) en raison de ses graves violations du droit à la vie et du droit de ne pas être soumis à la torture. L’épouse de la victime fait partie d’un collectif de veuves qui a introduit ce recours devant la CADHP.

Estimant que le gouvernement est toujours dans l’obligation de prendre toutes les mesures appropriées pour la recherche, la localisation et la libération des personnes disparues et, en cas de décès, pour la localisation, le respect et la restitution de leurs restes, MENA Rights Group a sollicité l’intervention du Groupe de travail sur les disparitions forcées des Nations Unies le 17 avril 2024.

Timeline

17 avril 2024 : MENA Rights Group saisit le Groupe de travail sur les disparitions forcées des Nations unies.
2000 : La Commission africaine des droits de l'homme et des peuples condamne la Mauritanie en raison des violations commises lors du Passif humanitaire.
14 juin 1993 : La loi n° 93-23 portant amnistie entre en vigueur.
Début 1991 : L’épouse de Wele Ousmane Abdallah est informée que son mari est décédé lors d’une mission.
5 décembre 1990 : Wele Ousmane Abdallah décède suite aux actes de torture subies lors de sa détention.
27 novembre 1990 : L’épouse de Wele Ousmane Abdallah se rend en vain à la base marine pour demander des explications quant au sort de son mari accompagnée par d’autres épouses de miliaires arrêtés.
27 novembre 1990 : Wele Ousmane Abdallah est arrêté dans l’enceinte de la base marine avant d’être transféré à Inal.

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