L’avocat des droits humains Mohammed Zian condamné à trois ans de prison au Maroc

L’avocat des droits humains Mohammed Zian condamné à trois ans de prison au Maroc

Ces dernières années, Mohammed Zian s’est montré de plus en plus critique à l'égard des services de sécurité marocains et a défendu plusieurs opposants politiques et journalistes tels que Nasser Zefzafi et Taoufik Bouachrine. Après avoir fait des déclarations critiques sur le chef de la Direction générale de la sûreté nationale et de la Direction générale de la surveillance du territoire (DGST), le ministère de l'Intérieur a porté plainte contre lui. Le 30 novembre 2021, il est inculpé pour 11 chefs d’accusation. Le 23 février 2022, le tribunal de première instance de Rabat le condamne à trois ans de prison. Il est arrêté le 21 novembre 2022 après que la cour d'appel de Rabat a confirmé la sentence.

En tant qu’avocat, Mohammed Zian a défendu plusieurs opposants politiques marocains, notamment Nasser Zefzafi, l’une des principales figures du mouvement populaire du Rif entre 2016 et 2017, le journaliste Taoufik Bouachrine, ancien directeur du quotidien indépendant Akhbar al-Yaoum, et Hamid El Mahdaoui, directeur du site d'information marocain Badil.info. Il a également défendu Afaf Bernani, qui a été condamnée en 2018 pour « propos mensongers », parce qu’elle avait accusé la police d’avoir falsifié un PV d’interrogatoire dans lequel elle semblait affirmer que son ancien patron, l’éditeur d’un journal d’opposition Taoufik Bouachrine, l’avait agressée sexuellement.

À la suite de plusieurs procédures disciplinaires engagées par le ministère public, en juillet 2020, la Cour d’appel de Rabat a ordonné la radiation de Zian pour une période d’un an, citant des « éclats d’audience » et les « plaidoiries hors contexte » de Zian, notamment lors du procès Bouachrine. Le 31 mars 2022, il a été suspendu pour une durée de trois ans.

À la mi-novembre 2020, le site Internet Chouf TV, considéré comme étant proche des autorités, a publié une vidéo montrait une femme habillée en train d'essuyer le dos d’un homme nu avec une serviette. Bien que la qualité de la vidéo ne permette aucune identification, Chouf TV a affirmé que les personnes apparaissant sur la séquence étaient Zian et Ouahiba Khourchech, une policière qui avait fait appel aux services de Zian en 2017 après avoir déposé une plainte pour harcèlement sexuel contre son supérieur,.

Après que Zian a publiquement accusé le chef de la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN) et de la Direction générale de la surveillance du territoire (DGST), Abdellatif Hammouchi, d’être à l'origine de la vidéo et de la campagne de dénigrement qui a suivi, le ministère de l’Intérieur a porté plainte contre lui.

S'en est suivie une enquête d'un an au cours de laquelle Zian a été convoqué à 15 reprises par la police judiciaire de Casablanca. Au cours de cette période, il a été interrogé sur des faits présumés qui ne semblent pas liés à la plainte initiale déposée par le ministère de l'Intérieur.

Il a surtout été interrogé sur certaines de ses déclarations médiatiques, notamment en lien avec la campagne de vaccination, et sur ses conseils juridiques à Khourchech. La police voulait notamment savoir si Zian l’avait aidée à enfreindre l’interdiction de voyager dont elle faisait l'objet, quand bien même le procureur du roi près le tribunal de première instance de Casablanca l’avait préalablement levée.

À la fin de l'enquête, il a également été interrogé sur des déclarations qu'il a faites sur Youtube concernant l'Avis du Groupe de travail sur la détention arbitraire (GTDA) appelant le gouvernement marocain à libérer Toufik Bouachrine. Enfin, lors de l’une des dernières convocations, il a été interrogé au sujet d'une plainte pour harcèlement sexuel déposée par une ancienne cliente le 29 octobre 2021.

Le 30 novembre 2021, Zian a été inculpé de 11 chefs d'accusation, à savoir : « outrage à des fonctionnaires de la justice et à des fonctionnaires publics lors de l’exercice de leurs fonctions par la profération de paroles et de menaces portant atteinte à leur honneur et au respect dû à l’autorité qu’ils représentent », « outrage à corps constitué », « propagation d’allégations visant à influencer le cours de la justice avant la publication d’un jugement qui n’est susceptible d’aucun recours et dénigrement de décisions de la justice », « propagation d’informations mensongères et calomnieuses à propos d’une femme à cause de son sexe », « propagation de mensonges et d'allégations à caractère diffamatoire à l’encontre de personnes via les systèmes informatiques », « incitation à la violation des mesures sanitaires à travers des propos diffusés sur une plateforme électronique », « participation à un acte d’adultère », « mauvais comportement donnant un mauvais exemple aux enfants », « complicité dans la sortie illégale d’un individu du territoire national », « exfiltration d’un criminel soumis à l’enquête et facilitation de sa fuite », et « harcèlement sexuel ».

Le 23 février 2022, le tribunal de première instance de Rabat a condamné Zian à trois ans de prison, le déclarant coupable de tous les chefs d’accusation. Il a fait appel le même jour et, de ce fait, est resté provisoirement en liberté.

Le 7 novembre 2022, Zian et son avocat n’ont pas pu assister à la première et dernière audience du procès en appel, n'ayant pas reçu la convocation. Dans ces conditions, le caractère contradictoire de la procédure d'appel n'a pas été pleinement respecté, de même que le principe de l’égalité des armes entre l'accusation et la défense. Il a ensuite été arrêté le 21 novembre 2022, après que la Cour d'appel de Rabat a confirmé le jugement du tribunal de première instance de Rabat.

Le jugement repose sur plusieurs chefs d'accusation qui sont directement liés au droit à la liberté d'expression de Zian et à ses activités d’avocat. D'autres font référence à des infractions sexuelles telles que l' « adultère » et « harcèlement sexuel ».

Le cas de Zian est le dernier exemple en date de l’utilisation croissante par les autorités marocaines de charges pénales non liées à la liberté d'expression, telles que le blanchiment d'argent, l’espionnage, le viol et l’agression sexuelle, et la traite des êtres humains, pour poursuivre des critiques de premier plan.

Le 21 décembre 2022, l’Association marocaine des droits de l'homme (AMDH) et MENA Rights Group ont envoyé une lettre d'allégation à plusieurs titulaires de mandat au titre des procédures spéciales, notamment au Rapporteur spécial sur l'indépendance des juges et des avocats.

Nous pensons qu’il est indispensable que toutes les accusations de harcèlement sexuel fassent l’objet d’une enquête satisfaisante et que les auteurs présumés de tels actes soient traduits en justice, avec un procès équitable tant pour le plaignant.e que pour l’accusé.e.

 

 

Photo credit: Mohammed Ziane in 2017 after the trial of Nasser Zefzafi © Abdeaitali/alyaoum24, licensed under CC BY-SA 4.0.

Timeline

21 décembre 2022 : MENA Rights Group et l’Association marocaine des droits humains (AMDH) envoient une lettre d'allégation à plusieurs titulaires de mandat au titre des procédures spéciales, dont la Rapporteuse spéciale sur l'indépendance des juges et des avocats.
21 novembre 2022 : après la confirmation en appel de sa condamnation à trois ans de prison, Zian est arrêté.
31 mars 2022 : Zian est radié du barreau pour une durée de trois ans.
23 février 2022 : le tribunal de première instance de Rabat condamne Zian à trois ans de prison.
30 novembre 2021: le parquet de Rabat inculpe Zian de 11 chefs d’accusation.
Janvier 2021 : le ministère de l'Intérieur porte plainte contre Zian.
Novembre 2020 : Zian critique publiquement le chef de la Direction générale de la sécurité nationale (DGSN) et de la Direction générale de la surveillance du territoire (DGST).
Juillet 2020 : Zian est radié du barreau pour une durée d’un an.

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