Jamila Loukil confrontée à des accusations de terrorisme pour son activisme en faveur des droits humains

Jamila Loukil confrontée à des accusations de terrorisme pour son activisme en faveur des droits humains

Jamila Loukil est journaliste à la retraite depuis mai 2022 et défenseuse des droits humains. Elle était notamment membre de la Ligue algérienne des droits de l’Homme (LADDH) avant la dissolution de l’organisation. Depuis avril 2021, elle fait face à des accusations de terrorisme liées à ses activités légitimes de défenseuse des droits humains. L’affaire comprend son mari, Kaddour Chouicha, le journaliste Saïd Boudour, ainsi que d’autres militants impliqués dans le mouvement de protestation « Hirak ». Jamila Loukil et les autres accusés ont tous été acquitté-es le 3 décembre 2023.

Jamila Loukil est journaliste à la retraite et défenseuse des droits humains. Avant la dissolution de l’organisation, elle était notamment membre de la Ligue algérienne des droits de l’Homme (LADDH). Elle et son mari, Kaddour Chouicha, ont été arrêté-es à plusieurs reprises au cours de ces dernières années. Ils ont notamment été traduit-es en justice le 21 décembre 2020 en première instance, puis le 2 juin 2021 en appel, pour participation  à un rassemblement non autorisé et tentative de perturbation du meeting d’un candidat à l’élection présidentielle. Ils ont été acquitté-es dans les deux cas.

Le 28 avril 2021, Jamila Loukil et son mari ont été arrêté-es sans mandat alors qu'ils quittaient la cour d'appel d'Oran après avoir assisté à une audience dans le cadre de leur procès conjoint pour rassemblement non autorisé et perturbation d'un meeting d'un candidat à la présidentielle. Ils ont été tous deux conduit-es dans un commissariat pour y être interrogé-es.

Le 29 avril 2021, les défenseur-e-s des droits humains Kaddour Chouicha, Jamila Loukil et Said Boudour, ainsi que 12 autres militant.e.s pacifiques, ont été poursuivi-es pour des accusations liées au terrorisme.

Le procureur général d'Oran a notamment accusé Jamila Loukil et Kaddour Chouicha de complot contre la sécurité de l'État et d’avoir porté atteinte à l'intégrité du territoire national, de propagande susceptible de nuire à l'intérêt national, d'origine ou d'inspiration étrangère, et d’appartenance à une organisation terroriste ou subversive active à l'étranger ou en Algérie, sur la base des articles 77, 78, 87 bis, 87 bis 3, 87 bis 6 et 96 du Code pénal. Ils ont ensuite été remis en liberté provisoire le même jour.

En septembre 2021, leur dossier a été transféré au niveau du pôle anti-terroriste du tribunal de Sidi M’hamed à Alger.

Ils ont été entendu-es par le nouveau juge d’instruction à Alger le 7 septembre 2022 au tribunal de Sidi M’hamed. Ce jour-là, la chambre d’accusation du tribunal de Sidi M’hamed a retiré l’accusation d’atteinte à la sécurité de l’État tout en maintenant les autres chefs.

En août 2022, Kaddour Chouicha a été empêché de prendre son vol pour accompagner Jamila Loukil qui devait se rendre à Genève afin de participer en personne à la pré-session d’information organisée par l’ONG UPR-Info sur l’Algérie prévue le 31 août 2022. Cette réunion a eu lieu en prévision du 4e cycle de l'Examen périodique universel (EPU). Jamila Loukil a refusé de partir seule, préférant ne pas laisser son époux seul aux mains des services de sécurité.

En ce qui concerne les accusations pour « terrorisme », le procès de Jamila Loukil et Kaddour Chouicha a été programmé pour le 15 juin 2023, mais a été reporté à plusieurs reprises. Le 3 décembre 2023, ils ont été acquitté par le tribunal de Dar El Beida.

Le 15 juin 2023, plusieurs titulaires de mandats au titre des procédures spéciales ont exprimé de vives inquiétudes « quant aux informations reçues selon lesquelles le système judiciaire et ses procédures semblent être utilisés dans cette affaire en tant que forme d'intimidation et de harcèlement à l'encontre d'un défenseur des droits de l’homme et d'une journaliste, reconnus pour leur travail dans le domaine des droits humains en Algérie. ».

Les expert-es de l’ONU se sont inquiété-es de l’utilisation de certaines dispositions pénales visant à lutter contre le terrorisme, en particulier l’article 87 bis du Code pénal algérien, à l’encontre des défenseurs des droits humains.

Il convient de rappeler que cette disposition, qui inclut dans la catégorie d’acte terroriste une large variété d’infractions, entre en collision avec le principe de sécurité juridique, porte atteinte aux droits de réunion pacifique et à la liberté d’expression, et impose des sanctions disproportionnées à des actes qui ne devraient pas être traités par des législations antiterroristes.

Timeline

3 décembre 2023 : le tribunal de Dar El Beida prononce l'acquittement en faveur de Jamila Loukil et Kaddour Chouicha ainsi que les autres accusés.
6 novembre 2023 : le procès de Jamila Loukil est reporté au 3 décembre 2023.
29 septembre 2023 : le cas de Jamila Loukil est cité dans le rapport du Secrétaire général des Nations unies sur les représailles.
15 juin 2023 : le procès de Jamila Loukil est reporté au 6 novembre 2023 ; plusieurs titulaires de mandats au titre des procédures spéciales expriment de vives inquiétudes concernant les actes d'intimidation et de harcèlement à l'encontre de Jamila Loukil et Kaddour Chouicha.
13 avril 2023 : MENA Rights Group soulève les cas de Jamila Loukil et Kaddour Chouicha au Secrétaire général des Nations unies dans le cadre de la préparation du rapport 2023 sur les représailles.
Décembre 2022 : les membres de la LADDH apprennent sur les réseaux sociaux que leur organisation a été dissoute en juin 2022.
7 décembre 2022 : la chambre d’accusation près le tribunal de Sidi M’hamed abandonne l’accusation d’atteinte à la sécurité de l’État.
8 novembre 2022 : le juge d’instruction préconise le non-lieu total pour toutes les charges retenues à l’encontre de Jamila Loukil et Kaddour Chouicha.
28 septembre 2022 : Le tribunal administratif d’Alger ordonne la dissolution de la Ligue Algérienne pour la Défense des Droits de l’Homme sans en informer ses membres.
Août 2022 : Kaddour Chouicha et Jamila Loukil sont empêché-es de se rendre à Genève pour que cette dernière puisse participer en personne à la pré-session d’information organisée par l’ONG UPR-Info sur l’Algérie prévue le 31 août.
Juin 2022 : le tribunal administratif d’Alger ordonne la dissolution de la Ligue Algérienne pour la Défense des Droits de l’Homme sans en informer ses membres.
Septembre 2021: le dossier de Jamila Loukil est transféré au niveau du pôle anti-terroriste d’Alger du tribunal de Sidi M’hamed.
2 juin 2021 : procès en appel de Jamila Loukil et de son époux pour avoir participé à un rassemblement non autorisé et tentative de perturbation du meeting d'un candidat aux élections présidentielles ; l’acquittement est prononcé.
29 avril 2021 : Jamila Loukil est poursuivie pour « enrôlement dans une organisation terroriste ou subversive active à l’étranger ou en Algérie », « publications portées à la vue du public portant atteinte à l’intérêt national » ; elle reste en liberté provisoire.
28 avril 2021 : Jamila Loukil et son mari sont arrêté-es sans mandat alors qu'ils quittaient la cour d'appel d'Oran après avoir assisté à une audience dans le cadre de leur procès conjoint pour rassemblement non autorisé et perturbation d'un meeting d'un candidat à la présidentielle. Ils ont été tous deux conduits dans un commissariat pour y être interrogés.
21 avril 2021 : Jamila Loukil porte plainte auprès du tribunal d’Oran contre le Wali (préfet) d’Oran, le chef de sûreté de la Wilaya d’Oran et du commissaire de la sûreté d’Oran pour violences, abus de pouvoir et non-respect du statut de journaliste.
4 avril 2021 : Jamila Loukil et Kaddour Chouicha sont arrêté-es lors d’un sit-in de solidarité avec le jeune Saïd Chetouane après que ce dernier ait accusé des policiers de violences sexuelles.
21 décembre 2020 : procès de Jamila Loukil et de son époux en première instance pour avoir participé à un rassemblement non autorisé et tentative de perturbation du meeting d'un candidat aux élections présidentielles ; l’acquittement est prononcé.
8 octobre 2020 : arrestation de Jamila Loukil et de son époux lors d’un sit-in dénonçant le féminicide de Chaïma Saadou.
22 novembre 2019 : arrestation de Jamila Loukil et de Kaddour Chouicha en marge du meeting d’un candidat à l’élection présidentielle de décembre 2019.