Vérité et justice pour Abdoulaye Tambadou, disparu lors du Passif Humanitaire

Vérité et justice pour Abdoulaye Tambadou, disparu lors du Passif Humanitaire

Abdoulaye Tambadou était lieutenant au sein de la marine mauritanienne à l’époque du Passif Humanitaire. Il a été arrêté au sein de la base marine de Nouadhibou le 19 novembre 1990. Il a ensuite été emmené à la caserne d’Inal où il a subi des actes de torture. Il aurait ensuite été exécuté sommairement le 6 décembre 1990. Sa dépouille n’a jamais été restituée à ses proches et ces derniers n’ont jamais été officiellement informés des circonstances du décès. Ils ignorent également où a été inhumé. Sa famille n’a eu de cesse de réclamer la vérité et la justice depuis.

Abdoulaye Tambadou, alors lieutenant au sein de la marine mauritanienne, a été arrêté au sein de la base navale de Nouadhibou le 19 novembre 1990.

Après recoupement, le soir même, lui et d’autres prisonniers auraient été transférés à la garnison d’Inal où il a été soumis à des actes de torture selon des témoignages concordants. Les chaînes l’entravant auraient percé sa tenue et attaqué sa chair provoquant chez lui des douleurs intenses.

Le 6 décembre 1990, le colonel Ely Ould Mohamed Vall, alors Directeur de la sûreté nationale, accompagné d’un autre militaire, a pénétré dans la cellule où était détenu Abdoulaye Tambadou. Après avoir constaté son état, ils ont manifesté le souhait de l’évacuer à Zouérate ou à Nouakchott.

Les gardiens l'ont aidé à quitter sa cellule. Il devait être évacué par avion. Il aurait été exécuté entre Inal et l'aérodrome. Selon des témoignages concordants, c'est le capitaine Mohamed Ould Meguett, alors chef des transmissions de l'armée mauritanienne, qui lui aurait tiré une balle dans la tête à bout portant.

Ce sont des anciens détenus, comme le lieutenant Mahamadou Sy, qui ont été en mesure d’informer les proches d’Abdoulaye Tambadou de son décès. La dépouille de Abdoulaye Tambadou n’a jamais été restituée à ses proches et ces derniers n’ont jamais été officiellement informés des circonstances du décès. Ils ignorent également où Abdoulaye Tambadou a été inhumé.

La disparition d’Abdoulaye Tambadou, suivie de son exécution sommaire, s’inscrivent dans le contexte du « Passif humanitaire ». De la fin des années 1980 au début des années 1990, violations massives des droits humains à l’encontre des populations afro-mauritaniennes entre 1986 et 1992.

Dans ce contexte, la base d’Inal a notamment été le théâtre de graves violations comme le raconte l’ancien détenu Mahamadou Sy dans son ouvrage « L’enfer d’Inal », lequel contient tout un chapitre sur les sévices subis par Abdoulaye Tambadou.

Sa disparition et son exécution sommaire illustrent l’impunité dont bénéficient encore aujourd’hui les auteurs de violation commises lors du Passif humanitaire.

Pour rappel, les autorités ont promulgué en 1993 la loi n° 93-23 qui accorde l’amnistie aux membres des forces de sécurité pour toutes les infractions qu’elles auraient pu commettre dans le cadre de l’exercice de leur fonction entre le 1er janvier 1989 et le 18 avril 1992. Le texte précise que « toute plainte, tout procès-verbal et tout document d’enquête relatifs à cette période et concernant une personne ayant bénéficié de cette amnistie sera classé sans suite ».

Faute de pouvoir introduire des recours au niveau interne, les victimes et leurs ayants droit n’ont pas eu d’autres choix que de se tourner vers les juridictions internationales. En 2000, la Mauritanie a été condamnée par la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) en raison de ses graves violations du droit à la vie et du droit de ne pas être soumis à la torture. L’épouse de la victime fait partie d’un collectif de veuves qui a introduit ce recours devant la CADHP.

Lors de l’examen de la Mauritanie en septembre 2023, le Comité des disparitions forcées de l’ONU s’est dit préoccupé par « les allégations reçues selon lesquelles des personnes soupçonnées d’être auteures de violations graves des droits humains, y compris des disparitions forcées pendant la période du passif humanitaire, occuperaient des fonctions publiques dans l’État partie, ce qui a pour effet d’entretenir un climat d’impunité. »

Bien que Mohamed Ould Meguett ait été accusé d’avoir été impliqué dans les massacre de soldats afro-mauritaniens dans l'armée entre 1988 et 1991, comme l’illustre le cas d’Abdoulaye Tambadou, il a été nommé chef d’état-major général de l’armée mauritanienne en 2020 et en 2023, il a été élu président de l’Assemblée nationale.

Estimant que le gouvernement est toujours dans l’obligation de prendre toutes les mesures appropriées pour la recherche, la localisation et la libération des personnes disparues et, en cas de décès, pour la localisation, le respect et la restitution de leurs restes, MENA Rights Group a sollicité l’intervention du Groupe de travail sur les disparitions forcées des Nations Unies le 19 juin 2024 au nom des proches d’Abdoulaye Tambadou.

Timeline

19 juin 2024 : MENA Rights Group saisit le Groupe de travail sur les disparitions forcées des Nations unies.
2000 : la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples condamne la Mauritanie en raison des violations commises lors du Passif humanitaire.
14 juin 1993 : la loi n° 93-23 portant amnistie entre en vigueur.
Décembre 1991: les proches de tentent d’introduire une plainte devant le tribunal de Nouakchott, en vain.
6 décembre 1990 : Abdoulaye Tambadou est exécuté sommairement, selon les témoignages d’anciens détenus.
19 novembre 1990 : Abdoulaye Tambadou est arrêté au sein de la de la base marine de Nouadhibou avant d’être transféré à la garnison d’Inal.