Lutte contre la disparition forcée au Maroc: tirer les leçons des violations du passé pour garantir leur non-répétition

sit in disparus au Maroc

Avec l'aimable autorisation de M. Abdelhak El Ouassouli.

Le présent rapport analyse la mise en œuvre en droit et en pratique par le Maroc de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées (ci-après : la Convention), ratifiée le 14 mai 2013. Ce rapport se base notamment sur les informations fournies par l’État partie dans son premier rapport périodique daté du 10 septembre 2021[1], de la liste des points fournie par le Comité des disparitions forcées[2] et sur des réponses de l’État partie s’y référant[3].

Le présent rapport est soumis par MENA Rights Group et l’Association marocaine des droits humains (AMDH) en collaboration avec l’Association de Défense des Droits de l’Homme au Maroc (ASDHOM), le Centre des Droits Humains en Amérique du Nord (CDH-AN) et l’Association Marocaine des Femmes Progressistes (AMFP), l’Instance Marocaine des Droits Humains (IMDH) et l’Observatoire Marocain des Prisons (OMP). Il tend à fournir une analyse juridique des faits de disparitions forcées depuis la date de ratification de la Convention par le Maroc le 14 mai 2013.

Selon le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires, il y avait 153 cas de disparition en suspens au moment de la rédaction de son dernier rapport annuel[4]. La majorité de ces disparitions ont été commises durant les années de plomb, en particulier en 1976 et 1987.

Le Comité comptabilise de son côté 7 cas de disparitions forcées au 31 mars 2023[5].

Le rapport accorde une attention particulière aux mesures mises en place jusqu’ici par les autorités pour établir une forme de processus d’accès à la vérité et à la réconciliation, en particulier concernant la période dite des « années de plomb », comprise entre les années 1956 et 1999, durant laquelle des violations flagrantes de droits humains, y compris la disparition forcée, ont été commises.

Estimant que la résolution pleine et entière des années de plomb doit impérativement passer par la mise en place de garanties de non-répétition, le rapport identifie les forces et faiblesses du cadre actuel de lutte contre la disparition forcée tout en proposant des mesures qui contribueront à la prévention de la disparition forcée.

2.1 Cadre constitutionnel et juridique

Selon la Constitution de 2011, le système juridique marocain est de type moniste. En d’autres termes, les traités internationaux ratifiés par le Maroc font automatiquement partie intégrante du droit interne dès la ratification, sans nécessité de les transposer par un acte législatif.

Les dispositions contenues dans les traités relatifs aux droits humains, y compris la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, sont théoriquement d’application directe au sein de l’État partie. Elles peuvent être invoquées devant les tribunaux et prévalent sur la loi nationale.

Néanmoins, le préambule de la Constitution de 2011 précise que les accords internationaux ne doivent pas contredire « les dispositions de la Constitution et des lois du Royaume, dans le respect de son identité nationale immuable ». Cela enfreint leur portée, les reléguant à un statut inférieur aux lois nationales en vigueur. Par conséquent, leur application devant les tribunaux est limitée et n’a pas d’effet juridique déterminant, ce qui rend les exemples d’invocations de conventions internationales dans les tribunaux marocains rares comme l’avait souligné le Comité des droits de l’Homme dans ses Observations finales concernant le sixième rapport périodique du Maroc[6].

Dans les affaires d’extradition, MENA Rights Group a notamment constaté que la Cour de cassation, juridiction compétente en matière d’extradition, se référait uniquement au droit national quand bien même la défense invoquait l’article 3 de la Convention contre la torture (voir section 4.1 du présent rapport).

Malgré la ratification du Maroc de la Convention contre les disparitions forcées, les autorités marocaines n’ont pas fait les déclarations prévues aux articles 31 et 32 ​​de la Convention, qui concernent la reconnaissance par l’Etat marocain de la compétence du Comité pour recevoir et examiner des plaintes individuelles.

2.2 Cadre national des droits humains

Le Conseil national des droits de l’homme du Maroc (CNDH) a été créé en 2011 en vertu du Dahir n° 1-11-19 du 1er mars 2011 et de l’article 101 de la Constitution. Il a remplacé l’ancien Conseil consultatif des droits de l’Homme créé en 1990.

La loi n°76-15 relative à la réorganisation du Conseil national des droits de l’Homme est venue compléter ce fondement juridique en 2018, créant un Mécanisme national de prévention contre la torture.

En 2023, le Sous-comité d'accréditation (SCA) de l’Alliance mondiale des institutions nationales des droits de l'homme (GANHRI) a recommandé que le CNDH soit ré-accrédité avec le statut A. Toutefois, le Conseil ne répond toujours pas pleinement aux normes de Paris en termes de garantie effective du pluralisme et d’adoption des normes internationales dans l’élaboration des rapports de recherche et d’enquête. En effet, ces rapports tendent souvent à privilégier la version officielle sur plusieurs dossiers, comme ce fut le cas dans le traitement des manifestations pacifiques de la région d’al-Hoceima. Le Conseil s’est fortement rapproché des discours officiels et n’a pas justement remis en cause l’intégrité des procédures d’arrestation et de jugement des détenus de ces manifestations, ni la légitimité des peines injustes prononcées à leur encontre.

Le Conseil n’a pas non plus pris de mesures pour stopper l’effacement des traces des graves violations des droits humains commises par l’Etat, comme en témoigne la destruction délibérée du centre de détention au secret Tazmamart et l’abandon d’autres centres de détentions secrets. De plus, le Conseil n’a pas poursuivi les enquêtes sur les dossiers non résolus des victimes de disparition forcée.

Par ailleurs, le SCA a noté que « le processus actuellement inscrit dans la Loi n’est pas suffisamment participatif et transparent et ne formalise pas la participation de la société civile. En particulier, il ne prévoit pas : que les vacances soient annoncées ; la mise en place des critères clairs et uniformes utilisés par toutes les parties prenantes pour évaluer le mérite des candidats éligibles ; une procédure pour réaliser d’amples consultations et/ou participation lors de la procédure de soumission des candidatures, de criblage, de sélection et de désignation[7]. »

En outre, l’exécutif nomme la majorité des 27 membres du Conseil : le Roi en désigne neuf, tandis que le Premier Ministre en nomme huit. Le Roi détient également le pouvoir de nommer le président du Conseil, poste actuellement occupé par Mme Amina Bouayach.

Le Comité a pour cela demandé à l’Etat partie d’indiquer s’il avait donné suite aux recommandations du SCA en vue d’établir un processus de sélection, de nomination et de révocation des membres transparent et participatif. Nous constatons que dans sa réponse, l’Etat partie n’a pas indiqué comment il comptait remédier à la mainmise de l’exécutif sur le processus de sélection des membres.

Parmi les attributions du CNDH figure la mise en œuvre des recommandations de l’Instance équité et réconciliation (IER).

Depuis 2011, il existe également une Délégation interministérielle aux droits de l’Homme (DIDH) relevant du Ministère d’Etat chargé des droits de l’Homme et des relations avec le Parlement, créée par décret[8]. Sa mission consiste à promouvoir la protection des droits humains dans tous les ministères, à servir d’interlocuteur gouvernemental auprès des ONG nationales et internationales, et à prendre en charge les relations avec les organes concernés des Nations Unies au sujet des obligations internationales en matière de droits humains. Cependant, au-delà de ses missions officielles, la délégation s’est, ces dernières années, consacrée à lancer des attaques virulentes et des campagnes de diffamation à l’encontre de rapports d’ONG telles qu’Amnesty International[9] et Human Rights Watch[10], ainsi qu’à l’encontre d’organisations nationales qui critiquent la situation des droits humains au Maroc. Cela contribue à justifier les restrictions appliquées à l’encontre de nombreuses de ces organisations.

Recommandations :

  • Soumettre au Secrétariat des Nations Unies les deux déclarations reconnaissant la compétence du Comité des disparitions forcées pour recevoir les plaintes des familles des victimes de disparitions forcées ou dont le sort est inconnu ;
  • Accélérer la ratification des conventions internationales et de leurs protocoles, supprimer les réserves et intégrer les accords ratifiés dans la législation nationale et garantir le respect des droits humains ;
  • Coopérer avec les organes des traités et procédures spéciales, mettre en œuvre les recommandations du mécanisme de l’Examen périodique universel, et émettre des invitations permanentes aux Procédures spéciales de l’ONU pour visiter le Maroc ;
  • Revoir le rôle et la structure des institutions en charge des droits humains pour les rendre pleinement engagées dans la protection des droits humains.

3.1 Années de plomb

Durant la période dite des “années de plomb”, entre 1956 et la fin des années 90, le Maroc a connu un grand nombre de violations graves des droits humains, telles que des enlèvements, des disparitions forcées, des exécutions extrajudiciaires et des actes de torture[11]. L’Etat a ainsi recouru à des centres de détention secrets où les périodes de disparition forcée ont varié de quelques mois à plus de dix-huit ans.

Ces violations ont pris un caractère systématique contre les opposants politiques, notamment dans les années 1950, 1960 et 1970[12]. Les autorités ont également fait usage de la force létale lors des soulèvements sociaux, provoquant la mort de centaines de personnes par balles : à Casablanca en 1965[13] et 1981[14], à Marrakech et dans les villes du nord en 1984[15], et à Fès en 1990[16].  Le sort de nombreuses victimes de ces répressions reste encore inconnu à ce jour.

3.2 Instance équité et réconciliation (IER)

Le 7 janvier 2004, l’Instance équité et réconciliation (IER) a officiellement été établie par le roi Mohamed VI[17]. Ses missions comprenaient l’établissement de la vérité sur les violations graves des droits humains intervenues entre 1956 et 1999, la détermination des responsabilités institutionnelles, l’indemnisation et la réhabilitation des victimes et l’élaboration de propositions de réformes susceptibles de garantir la non-répétition de telles violations.

L’IER a considéré comme violations graves des droits humains les atteintes aux droits qui ont revêtu un caractère systématique et/ou massif et qui ont englobé la disparition forcée, la détention arbitraire, la torture, les violences sexuelles, les atteintes au droit à la vie du fait de l’usage disproportionné de la force et l’exil forcé.

L’IER a organisé des auditions publiques dans six régions du Maroc, au cours desquelles des victimes ont fait part de leurs griefs. La plupart des critiques se sont focalisées sur le « pacte d’honneur » entre les témoins et l’IER, qui interdit aux témoins de citer le nom des présumés responsables. De son côté, l’AMDH a critiqué les auditions de l’IER, non seulement parce que les témoins ne pouvaient nommer les noms des responsables mais aussi parce que les exactions commises après 1999 étaient exclues de son mandat[18].

Les témoins devaient s’engager à « ne pas citer nommément les personnes que les victimes tiennent pour responsables des violations dont elles ont pu faire l'objet, conformément au caractère non judiciaire de l'IER et aux dispositions prévues par ses Statuts, qui stipulent d'écarter toute allusion aux responsabilités individuelles »[19].

Abdelhamid Amine, alors président de l’AMDH, a ainsi déclaré le 29 mars 2005, que « l’IER refuse catégoriquement de désigner les responsabilités individuelles, ce qui signifie que nous aurons, au mieux, une vérité partielle. Les conséquences des attentats [suicides] du 16 mai 2003 [à Casablanca] ont révélé la fragilité de ce qui avait été accompli en matière de droits humains et par conséquent l'importance de renforcer la lutte contre l'impunité et pour la vérité »[20].

Par ailleurs, l’IER a organisé des conférences thématiques sur « la transformation démocratique au Maroc », « vaincre la violence comme moyen de gouvernance », « réforme politique, économique et sociale », « réforme culturelle et éducative » et « réforme des pouvoirs législatif, exécutif, et des autorités judiciaires ». Les orateurs et interlocuteurs étaient principalement des politologues et des analystes.

Le mandat de l’IER s’est terminé en 2005. Ses travaux ont été rassemblés dans un rapport en six volumes qui a été présenté au roi en novembre 2005 et rendu public en janvier 2006. Ce rapport reconnaît la responsabilité des autorités marocaines dans les atteintes graves aux droits humains qui avaient été perpétrées durant la période couverte.

L’instance a recommandé que des réparations soient accordées aux victimes et a appelé les autorités marocaines à prendre de nouvelles mesures visant à garantir que de telles violations ne se reproduisent plus. Le Conseil consultatif des droits de l’homme (CCDH), aujourd’hui remplacé par le CNDH, a été chargé d’assurer le suivi des travaux de l’IER. L’une des principales responsabilités confiées au CCDH était de mettre en place un programme de réparation pour les victimes.

S’agissant tout particulièrement du crime de disparition forcée, de nombreuses familles de victimes ont été déçues par les résultats des enquêtes et plus particulièrement par l’insuffisance des informations données sur le sort de leurs proches. Bien souvent, les renseignements communiqués aux familles à l'issue des investigations étaient identiques à ceux qu'elles avaient déjà ou étaient des renseignements qu’elles avaient elles-mêmes transmis à l’IER ou au mécanisme de suivi. Cette absence d’informations s'explique en partie par le fait qu’aucune de ces deux institutions n'était habilitée à contraindre les représentants de l’État à collaborer dans le cadre de leurs investigations[21].

En effet, l’une des principales lacunes de l’IER a été son incapacité à satisfaire le besoin de justice. L’identification des auteurs présumés d’atteintes aux droits humains ne faisait pas partie de son mandat et l’IER n'a pas recommandé aux autorités marocaines de traduire en justice les auteurs présumés de violations graves des droits humains. Elle n’a pas non plus recommandé de mettre en place un mécanisme de contrôle afin de veiller à ce que les personnes pouvant raisonnablement être soupçonnées de violations des droits humains n’occupent pas de poste au sein des institutions étatiques – un point d’autant plus décevant que des hauts fonctionnaires marocains ont continué d’assurer leur fonction quand bien même ils auraient été responsables de violations graves des droits humains[22].

Aujourd’hui, près de 18 ans après, les recommandations fondamentales de l’IER n’ont pas encore été pleinement et correctement mises en œuvre. Cela concerne notamment l’achèvement du processus de réparations individuelles et collectives, y compris pour les milliers de cas classés hors délais (plus de 30 000 dossiers), le règlement de la situation des victimes du tristement célèbre centre de détention au secret de Tazmamart, et le respect du droit des victimes et de leurs familles à connaître la vérité. De plus, la vérité reste incomplète sur de nombreux dossiers, notamment ceux des disparitions forcées. L’IER avait recommandé de poursuivre les enquêtes sur ces affaires afin de mettre fin à des décennies de souffrance et à la torture psychologiques des familles des personnes disparues dont le sort demeure inconnu : Mehdi Ben Barka, Abdelaq Rouissi, Omar al-Wassouli, Houcine al-Manouzi, Salem Abdellatif, Ouazan Kacem, Abdellatif Zeroual, Mohamed Islami, Wahib al-Hayani, al-Salhi Madani, Mohamed Boufos et autres.

Il convient également de noter que l’identité personnelle de toutes les victimes de disparitions forcées et de détentions arbitraires, ainsi que des victimes d’affrontements armés et d’exécutions, a été déterminée, à l’exception de 12 personnes originaires d’Afrique subsaharienne détenues à Tazmamart et dont un décédé. Toutefois, cette situation ne s’applique pas aux victimes des soulèvements sociaux.

En effet, le rapport final de l’IER a dénombré 325 personnes victimes de ces soulèvements[23]. L’identité de seulement 198 d’entre elles a été déterminée, ce qui signifie que 127 victimes n’ont pas été identifiées. Par ailleurs, le Comité de Suivi des recommandations de l’IER a découvert un certain nombre de nouvelles tombes, dont 5 ont été confirmées comme étant celles des victimes de mars 1965, tandis que 19 d’entre elles pourraient leur appartenir. De plus, il y a un total de 65 tombes identifiées comme étant celles des victimes des soulèvements sociaux, dont l’identité des personnes qui y repose n’a pas été déterminée.

Le rapport principal du Comité de Suivi indique que 74 victimes du soulèvement de Casablanca de 1981, enterrées au Stade de la Défense Civile de Casablanca, ont été identifiées, dont 50 noms ont été révélés par le Comité[24]. Le rapport précise également que le nombre total de victimes de ces événements s’élève à 114[25].

Les enquêtes menées jusqu’à présent n’ont fourni aucune information sur le sort des 111 élèves-officiers portés disparus devant le bâtiment de la radio lors du coup d’État de 1971[26].

Un total de 184 dépouilles ont été exhumées afin de déterminer leur identité en utilisant des données anthropologiques[27]. Des échantillons standards ont été prélevés sur plusieurs de ces dépouilles pour effectuer des analyses ADN, en les comparant avec des échantillons de salive fournis par les familles des victimes concernées. Cependant, les informations disponibles ne précisent pas si ce processus a inclus l’ensemble des restes exhumés.

De manière générale, l’« Annexe 1 » du rapport officiel du Comité de Suivi sur les « cas de disparitions forcées », publié en 2010, recense les noms de 346 personnes détenues arbitrairement et victimes de disparitions forcées, dont la mort a été prouvée de manière concluante sur la base de preuves solides[28]. Cependant, le rapport ne précise ni les causes de ces décès ni la date à laquelle ils sont survenus. 

3.3 Violations commises dans le cadre de la lutte contre le terrorisme

La loi n° 03-03 relative à la lutte contre le terrorisme constitue le cadre juridique en vigueur pour traiter les actes terroristes. Depuis les attentats du 16 mai 2003 et ceux de mars et avril 2007, cette loi a conduit à l’arrestation et au jugement de centaines de citoyens, désignés comme « détenus djihadistes salafistes », qui ont été arbitrairement condamnés à de lourdes peines sur la base de rapports de la police judiciaire, sans preuves ni éléments matériels pour appuyer leur culpabilité. Depuis, les pouvoirs publics accusent les organisations de la société civile, qui demandent le respect des droits des détenus et des normes d’un procès équitable, de faire obstacle au travail des services de sécurité et à leurs efforts de lutte contre le terrorisme.

Depuis 2003, les forces de sécurité marocaines ont ainsi fréquemment violé les lois nationales et internationales dans leur traitement des personnes soupçonnées de terrorisme[29]. Parmi les victimes de ces violations figure Rida Benotmane, journaliste et défenseur des droits humains marocain, arrêté le 20 janvier 2007[30]. Lors de son arrestation, des hommes en civil, sans mandat, se sont présentés à son domicile, ont menotté M. Benotmane et perquisitionné son appartement, confisquant son passeport, son ordinateur et son téléphone portable. Il a ensuite été transféré au siège de la Direction générale de la surveillance du territoire (DGST) à Témara. Là, il a été privé de sommeil, maintenu menotté et isolé, et les officiers l’ont menacé d’arrêter sa femme s’il ne répondait pas à leurs questions. Pendant sa détention à Témara, M. Benotmane a été détenu au secret. En effet, ses parents, cherchant des informations, se sont rendus à de nombreux commissariats, ainsi qu’au siège de la DGST de Témara pour connaître l’endroit de détention de leur fils. Néanmoins, à Témara, on leur a répondu que la DGST n’arrêtait personne, et qu’ils devaient arrêter de chercher leur fils[31]. Ce n’est que le 23 janvier, lorsque M. Benotmane a été transféré à la police judiciaire, que ses proches ont été informés de son lieu de détention, bien que les autorités aient continué à nier qu’il avait été détenu à Témara pendant trois jours. M. Benotmane a ensuite été condamné à quatre ans de prison pour “apologie du terrorisme” et crime de lèse-majesté pour avoir posté des publications critiques du gouvernement sur internet.

Le cas de M. Benotmane n’est pas isolé. En effet, la détention au secret a été fréquemment utilisée dans le cadre de la “lutte contre le terrorisme”, surtout lorsque la DGST était impliquée. De nombreuses personnes détenues au secret ont été victimes de torture et de traitements cruels et inhumains, comme ce fut notamment le cas pour Youssef al-Taba’i et de Mohamed Gatit[32]. Une profonde impunité règne jusqu’à aujourd’hui pour les auteurs de ces violations.  

Recommandations :

  • Établir un mécanisme national de vérité pour continuer à éclaircir les disparitions forcées et autres violations graves non résolues ;
  • Poursuivre l’identification des personnes disparues en déterminant le sort et l’identité des dépouilles retrouvées ;
  • Continuer à localiser et à analyser les fosses communes et individuelles en utilisant des méthodes scientifiques modernes, et valoriser ces découvertes ;
  • Permettre aux familles des victimes de disparitions forcées et d’exécutions extrajudiciaires d’accéder aux restes de leurs proches et aux résultats des analyses ADN, tout en garantissant leur droit à une contre-expertise ;
  • Créer une base de données génétiques des familles des victimes pour préserver les preuves, mettre fin aux souffrances des familles, prévenir la répétition de telles violations et conserver la mémoire historique ;
  • Continuer à collecter et préserver les archives sur les violations graves des droits humains, et les rendre accessibles aux chercheurs et au public ;
  • Préserver les sites et structures des violations graves des droits humains, et transformer les centres d’arrestation et de détention en musées de la mémoire collective ;
  • Assurer le respect des droits humains dans le traitement sécuritaire et judiciaire des affaires de terrorisme ;
  • Abroger la loi n°03.03 sur la lutte contre le terrorisme et adopter une définition du terrorisme conforme aux normes internationales des droits humains ;
  • Libérer les personnes arrêtées arbitrairement, torturées ou jugées de manière inéquitable dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, ou leur garantir un jugement équitable ;
  • Mettre en œuvre les décisions du Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire.

4.1 Violations du principe de non-refoulement dans le cadre de procédures d’extradition

L’article 16 de la Convention énonce qu’ « aucun État partie n’expulse, ne refoule, ne remet ni n’extrade une personne vers un autre État s'il y a des motifs sérieux de croire qu'elle risque d'être victime d'une disparition forcée » et « pour déterminer s’il y a de tels motifs, les autorités compétentes tiennent compte de toutes les considérations pertinentes, y compris, le cas échéant, de l’existence, dans l'État concerné, d'un ensemble de violations systématiques graves, flagrantes ou massives des droits de l’homme ou de violations graves du droit international humanitaire. »

Le droit marocain comporte deux problèmes majeurs qui vont à l’encontre du principe de non-refoulement tel qu’il figure à l’article 16 de la Convention ou à l’article 3 de la Convention contre la torture.

En effet, l’article 721 du Code de procédure pénale marocain ne mentionne pas spécifiquement le risque de torture et de mauvais traitements en cas d’extradition pas plus qu’il ne mentionne le risque de disparition forcée dans le pays requérant. L’article 721 fait uniquement mention du risque d’aggravation de la situation personnelle de l’individu qui fait l’objet d’une demande d’extradition pour l’une ou l’autre des raisons liées à sa race, à sa religion, à sa nationalité ou à ses opinions politiques, lorsque l’infraction pour laquelle elle est demandée est considérée par l’État partie comme politique ou connexe à une telle infraction.

Ce manquement figure d’ailleurs dans la jurisprudence du Comité contre la torture (Voir notamment Elmas Ayden c. Maroc[33]).

En outre, les décisions prises par la Cour de cassation en matière d’extradition ne peuvent faire l’objet de recours suspensif.

Nous souhaitons rappeler au Comité que les décisions prises par la Cour de cassation en matière d’extradition sont définitives et exécutoires après confirmation par décret du Chef du Gouvernement.

Sur ce point, l’Etat partie était invité dans la Liste de points du Comité à “indiquer si une décision autorisant l’expulsion, le renvoi, la remise ou l’extradition d’une personne est susceptible d’appel et, dans l’affirmative, préciser qui a qualité pour agir, devant quelle autorité et selon quelle procédure, et si le recours a un effet suspensif”[34].

Si les décisions prises par la Cour de cassation peuvent faire l’objet de recours en rétractation sur la base des articles 563 et 564 du Code de procédure pénale[35], ce recours ne peut en aucune manière être considéré comme un recours effectif dans la mesure où il ne peut prévenir efficacement une extradition et n’a pas d’effet suspensif.

Dans sa jurisprudence, le Comité contre la Torture (ci-après CCT), à propos de plusieurs cas portés à son attention, a confirmé que le gouvernement marocain considérait les arrêts de la Cour de cassation comme définitifs et comme ayant autorité de la chose jugée.

En effet, dans l’affaire Al Hashimi c. Maroc, le Chef du Gouvernement marocain avait validé un arrêt d’extradition rendu par la Cour de cassation en signant un décret d’extradition avant même que la juridiction suprême ne statue sur une action en rétractation pendante.

Dans Ferhat Erdoğan c. Maroc, le CAT avait rappelé que :

dans plusieurs affaires portées à son attention, un décret d’extradition avait été signé par le Chef du Gouvernement avant même que la Cour de cassation statue sur une action en rétractation. Prenant en considération le silence de la loi marocaine concernant le caractère suspensif du recours, ainsi que le fait que l’État partie n’a cité aucun exemple d’ouverture du recours en rétractation et n’a pas fourni d’exemple concret de jurisprudence clarifiant la nature suspensive du recours en rétractation, le Comité n’est pas en mesure de conclure que le fait pour le requérant de ne pas avoir présenté de recours en rétractation l’empêchait de soumettre sa requête au Comité.

Outre ces failles juridiques, ces dernières années, les autorités marocaines ont, dans la pratique, pris un certain nombre de mesures qui vont à l’encontre de l’article 16 de la Convention.

En outre, depuis 2021, MENA Rights Group a demandé à trois reprises des mesures provisoires au Comité contre la torture concernant des individus à risque d’être extradés vers des États où il y avait des motifs sérieux de croire que ces personnes risquaient d'être soumises à la torture et à la disparition forcée.

Le traitement de ces cas détaillé ci-après témoigne d’une pratique qui va à l’encontre de l’article 16 de la Convention :

Osama al-Hasani (aussi connu sous le nom de Osama Al Mahrouqi), ressortissant australo-saoudien, a été arrêté le 8 février 2021 à Tanger alors qu’il venait rendre visite à sa femme et son enfant. Son arrestation a été effectuée sur la base d’une notice rouge diffusée par INTERPOL à la demande de l'Arabie Saoudite. En attendant la décision de la Cour de cassation, M. al-Hasani a été détenu à la prison de Tiflet. Son cas a été transmis à la Cour de Cassation, qui a décidé de se prononcer en faveur de l’extradition prévue le 10 mars 2021. Le 12 mars 2021, le Comité des Nations Unies contre la torture a adressé une demande de mesures provisoires au Maroc, demandant aux autorités de ne pas extrader M. al-Hasani pendant que sa requête est en cours d’examen par le Comité. Le 13 mars, les autorités marocaines ont répondu au CCT, affirmant qu’il avait « été extradé le matin du 13 mars 2021 (02h45), vers le Royaume d’Arabie Saoudite avant que les autorités marocaines compétentes n’aient pu se saisir de la note verbale [du CCT] ». L’extradition de M. al-Hasani a été exécutée par vol spécial à 2h45 du matin alors même que l’aéroport de Rabat-Salé était fermé dans le contexte de la pandémie de Covid-19. Son sort est resté inconnu jusqu'à ce que, le 5 septembre 2021, il soit rapporté que le tribunal pénal spécial de Riyad avait condamné M. al-Hasani à quatre ans de prison[36], une juridiction qui refuse « de tenir compte des déclarations faites par des défendeurs accusés de terrorisme selon lesquelles ils auraient été soumis à la torture ou à des mauvais traitements pendant leur interrogatoire aux fins de les contraindre à faire des aveux[37]. »

Son cas a été examiné par le CED sous le numéro d’enregistrement n° 1010/2021.  Le CED s’était dit inquiet “par rapport à l’absence d’une analyse des risques potentiels de disparition forcée encourus par M. al-Hasani bien avant son extradition vers l’Arabie saoudite” et avait demandé, entres autres, à l'État partie “si la localisation de M. al-Hasani peut être confirmée, [...] de coopérer avec les autorités saoudiennes afin qu’il soit immédiatement mis sous la protection de la loi, d’informer officiellement sa famille, représentants et le Comité de sa localisation, et de prendre toutes les actions nécessaires pour permettre à sa famille et représentants d’entrer immédiatement en contact avec lui et de lui rendre visite.”

Yidiresi Aishan, un ouïghour de confession musulmane, originaire de la région du Xinjiang, a été arrêté le 19 juillet 2021 à son arrivée à l’aéroport de Casablanca, sur la base d’une notice rouge diffusée par Interpol à la demande de la Chine. Il a ensuite été transféré à la prison de Tiflet dans l’attente d’une décision de la Cour de cassation. A la suite de sa mise sous écrou extraditionnel, M. Aishan a déposé une demande d’asile auprès du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) à Rabat[38]. Le 11 août 2021, le Groupe spécial notices et diffusion d’Interpol a informé le Bureau central national de Rabat qu’après son examen, la notice rouge en question a été annulée au motif qu’elle est non conforme aux dispositions des articles 2 (1) et 3 du Statut de cette organisation et à son règlement sur le traitement des données. Ces dispositions prévoient respectivement que l’organisation d’Interpol a notamment pour but « d’assurer et de développer l’assistance réciproque la plus large de toutes les autorités de police criminelle, dans le cadre des lois existant dans les différents pays et dans l’esprit de la Déclaration universelle des droits de l’homme », et que « toute activité ou intervention dans des questions ou affaires présentant un caractère politique, militaire, religieux ou racial est rigoureusement interdite à l’Organisation ». En dépit de cette annulation, les autorités marocaines ont décidé de poursuivre la procédure d’extradition. Le 21 octobre 2021, le HCR au Maroc a délivré une attestation indiquant que M. Aishan avait le statut de demandeur d’asile. L’attestation rappelle qu’« en tant que demandeur d’asile, il doit être notamment protégé contre tout retour forcé vers un pays où il craint d’être exposé à des menaces contre sa vie ou sa liberté tant qu’il ne sera définitivement statué sur sa demande de statut de réfugié. » Le 15 décembre 2021, la Cour de cassation a émis un avis favorable à la demande d'extradition. Dans son arrêt, la Cour de cassation a estimé que : « la simple demande d’asile politique à un État déterminé ne peut avoir pour conséquence ou effet un refus d’extradition tant que le demandé à l’extradition n’était pas encore reconnu comme réfugié et par conséquent il ne peut établir qu’il risque la persécution politique en cas de son extradition dans son pays et donc ce moyen demeure infondé. » Cette affirmation vient contredire l’article 29 de la loi n° 02-03 (2003) relative à l’entrée et au séjour des étrangers au Royaume du Maroc, à l'émigration et à l’immigration irrégulière qui prévoit que « l’étranger qui fait l’objet d’une décision d’expulsion ou qui doit être reconduit à la frontière, est éloigné : a) à destination du pays dont il a la nationalité, sauf si le statut de réfugié lui a été reconnu ou s’il n’a pas encore été statué sur sa demande d’asile. » Le 20 décembre 2021, le Comité contre la torture a adressé une demande de mesures provisoires au Maroc, enjoignant les autorités de ne pas extrader M. Aishan pendant que sa requête est en cours d’examen par le CCT. Si le Maroc a jusqu’à présent respecté l’injonction du CCT, nous regrettons que la Cour de cassation n’ait pas pris en compte la situation préoccupante des droits humains dans la province du Xinjiang dans sa décision du 15 décembre.

Hassan Muhammad al-Rabea est un ressortissant saoudien issu de la minorité chiite, dont la famille a une longue histoire de persécution, plusieurs de ses proches ayant été exécutés ou se trouvant dans le couloir de la mort en Arabie saoudite. Le 14 janvier 2023, il a été arrêté à l'aéroport de Marrakech sur la base d'un mandat d'arrêt diffusé par le Conseil des ministres de l'Intérieur arabes. Il a été détenu à la prison de Tiflet 2 dans l’attente que la Cour de cassation ne statue sur la demande d’extradition demandée par l’Arabie saoudite. Le 1er février 2023, M. al-Rabea a eu sa première et unique audience devant la Cour de cassation de Rabat, qui a statué en faveur de son extradition. Le 6 février 2023, le Comité contre la torture a demandé au Maroc de prendre des mesures provisoires en suspendant l'extradition de M. al-Rabea en attendant l'examen de son cas, peu de temps après que les autorités marocaines ne procèdent à son extradition le même jour.

L’Etat partie affirme dans son rapport qu’ « en cas d’urgence et sur demande directe des autorités judiciaires de l’État requérant ou sur avis des services de l’Organisation internationale de police criminelle (INTERPOL), le procureur du Roi près le tribunal de première instance ou l’un de ses substituts peut ordonner l’arrestation provisoire de l’étranger réclamé dès qu’il reçoit la demande d’extradition, par courrier postal ou par tout moyen de transmission plus rapide permettant d’en conserver une trace écrite ou matérielle, qui indique l’existence d’une des pièces mentionnées à l’alinéa 1 de l’article 726 susmentionné. »

Pourtant, comme l’illustrent les cas de MM. Osama al-Hasani et Idris Hasan, il existe de nombreux autres cas où INTERPOL n’a pas réussi à faire respecter ses propres normes en permettant à des gouvernements abusifs d'émettre des notices rouges pour des raisons politiques[39].

S’agissant des mandats d’arrêt diffusés par le Conseil des ministres de l’Intérieur arabes (ci-après : le Conseil arabe), nous craignons que cette institution à laquelle le Maroc est membre ne facilite la répression transnationale d’individus et ainsi la commission de violations des droits humains comme la disparition forcée au sein de l’État requérant.

Le Conseil arabe est chargé du suivi de la mise en œuvre de la Convention arabe sur le terrorisme. Il trouve également sa base juridique dans la Convention de Riyad, qui permet au Conseil de diffuser des mandats à la demande des Etats parties à la Convention.

Le Maroc est partie à cette Convention. L’article 41 de la Convention de Riyad contient plusieurs exceptions en vertu desquelles l’extradition ne peut être exécutée, notamment si « le crime pour lequel l'extradition est demandée est considéré par la législation de la partie requise comme un crime de nature politique ».

Malgré cette interdiction d’extrader pour des infractions politiques, la convention exclut un certain nombre d'infractions de la définition politique, notamment les agressions contre les rois et les présidents ainsi que les vols commis contre des individus ou des autorités. Le risque de torture ou de disparition forcée encouru par la personne requise ne figure pas dans la liste des situations en vertu desquelles l’extradition ne peut être accordée.

L'article 57 de la Convention de Riyad prévoit que les parties contractantes « assurent la coordination des procédures de demande d'extradition » avec « l’Organisation arabe de défense sociale contre la criminalité (Bureau arabe de police criminelle), par l'intermédiaire des bureaux de liaison concernés ». Ce Bureau arabe de police criminelle a été remplacé par le Département des poursuites pénales et des données au sein du Secrétariat général du Conseil des ministres de l'Intérieur arabes par la Résolution n° 667 du Conseil en date du 13 mars 2013.

Si la circulation des mandats du Conseil semble similaire aux pratiques d’INTERPOL, contrairement à INTERPOL, le Conseil arabe ne semble pas disposer d’un organe de contrôle destiné à filtrer les abus de ses systèmes, ni accorder aux personnes visées la possibilité de déposer des demandes d'accès ou d'exiger la levée des mandats d'arrêt diffusés à leur encontre[40].

Enfin, les gouvernements marocains et espagnols ont régulièrement recours au “refoulement à chaud”. Il s’agit d’une violation des droits des migrants et des demandeurs d’asile par les autorités marocaines et espagnoles, puisque ces dernières les expulsent directement vers le Maroc après leur arrivée à Melilla ou aux Îles Zaffarines, sans leur donner la possibilité de déposer une demande d’asile, sans procès ni aucune décision judiciaire, et en l’absence d’avocat et d’interprète. Ces expulsions concernaient des Marocains, des Africains subsahariens, des Yéménites et des Soudanais, et cela se fait généralement à travers les petites portes ouvertes à la barrière à cet effet, ou par voie maritime pour les demandeurs d’asile à leur arrivée aux Îles Zaffarines.

Les autorités marocaines ont également recours à la détention illégale de migrants et de demandeurs d’asile, par exemple au Centre Arkman de Nador, sans aucune décision écrite et motivée comme le stipule la loi n°02-03 relative à l’entrée et au séjour des étrangers au Maroc, pour des périodes allant de deux jours à quatre mois, avant de les expulser vers la frontière avec l’Algérie ou à l’intérieur du Maroc, sur des trajets d’une durée comprise entre quatre et dix heures sans arrêt. Parmi les personnes expulsées, il y avait des femmes et des enfants qui ont été abandonnés dans des zones désertes sans leur apporter la moindre assistance.

4.2 Disparitions de personnes en situation de migration à Nador

Le 24 juin 2022, près de 2 000 migrants, pour la plupart d’origine soudanaise, sud-soudanaise et tchadienne ont tenté de franchir la frontière entre le Maroc et l’enclave espagnole de Melilla. Les forces de sécurité espagnoles et marocaines ont alors eu recours à la force afin de prévenir tout franchissement de la frontière, matérialisée par de hautes clôtures à mailles métalliques et à lames tranchantes.

Les gardes civils espagnols ont notamment eu recours aux gaz lacrymogènes et aux balles en caoutchouc. De leur côté, les forces de l’ordre marocaines, composées des Forces auxiliaires, la sûreté nationale, la gendarmerie, l’armée et des forces de sécurité locales, ont délivré des coups de matraque et ont utilisé des gaz lacrymogènes.

Les vidéos de l’intervention des forces de sécurité marocaines montrent des corps gisant sur le sol dans des mares de sang et des policiers frappant des migrants, à l’évidence, déjà blessés et allongés sur le sol[41].

Au milieu de l'opération, des dizaines de migrants ont disparu. Le nombre de disparus a initialement atteint 96 personnes. Par la suite, plusieurs personnes ont été retrouvées dans les prisons marocaines, d’autres ont été identifiées parmi les photos des morts. A ce jour, le sort et la localisation de 70 migrants disparus le 24 juin restent inconnus. Cette estimation semble s’être stabilisée en 2023 et n’a pas évolué depuis.

En ce qui concerne les décès, selon le bilan officiel des autorités, 23 personnes auraient perdu la vie le 24 juin 2022. De son côté, la section de l’AMDH à Nador, qui qualifie ce qui s’est passé de massacre, confirme que le nombre de morts était de 27 décès dès le deuxième jour[42].

Les autorités marocaines ont procédé à des autopsies et à des tests ADN sur 23 corps qui ont été transportés à la morgue de Nador le 24 et 25 juin.

Selon la section de l’AMDH à Nador, une seule personne aurait été identifiée grâce à des photographies et enterrée dans une tombe affichant l'identité de la victime. Cette information figure également dans l’Allégation générale du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires adressée de septembre 2023 (voir ci-après).

Durant les jours qui ont suivi les évènements du 24 juin 2022, il a été rapporté que des tombes avaient été creusées au cimetière de Sidi Salem, dans les faubourgs de Nador, dans le but supposé d’y enterrer les corps des personnes décédés lors d'une tentative d'escalade de la clôture. L’État partie a contesté cette information en affirmant que les corps avaient été entreposés à l’hôpital El Hassani de Nador.

Il a été rapporté qu’au moins deux ONG ont été empêchées de visiter des hôpitaux au cours des jours ayant suivi le 24 juin[43]. Les représentants du consulat du Soudan au Maroc n’ont pas eu accès à la morgue de l’hôpital Hasani de Nador pour voir les cadavres. Cette interdiction a touché aussi les membres de trois familles de disparus qui se sont déplacés jusqu’à Nador pour essayer d’identifier leurs proches. Malgré les instructions écrites du parquet de Nador autorisant les familles à visiter la morgue, la police judiciaire de Nadore n’a pas permis ces visites.

Le 25 juin 2024, la section de l’AMDH à Nador a effectué une visite inopinée à la morgue de Nador située à l’hôpital Hassani. Lors de cette visite, l’association a pu constater l’ampleur du drame avec presque 15 cadavres de migrants jetés à terre portant des blessures apparentes à la tête, au visage, à la poitrine et aux pieds gisant dans du sang fraîchement coagulé. Selon la section de l’AMDH à Nador, les corps étaient entreposés de manière indigne. Dès que la présence de l’association a été remarquée, les deux portes de la morgue ont été fermées et on leur a demandé de quitter les lieux. Après que l’AMDH ait partagé le compte rendu de sa visite, le contrôle policier de la morgue a été renforcé et aucune visite n’a été autorisée[44].

La section de l’AMDH à Nador s’est rendue une nouvelle fois à la morgue de l’hôpital Hassani le 30 juin 2022 munie de photos de personnes toujours disparues afin que des employés de l’hôpital puissent potentiellement les identifier. Le même jour, la section de l’AMDH à Nador a demandé des renseignements à la directrice de l’hôpital. Cette dernière n’a pas souhaité répondre aux questions de l’association affirmant que le problème de l’identification des corps relevait du ministère de l’Intérieur.

Une réunion s’est tenue entre l’AMDH et le CNDH le 28 juin 2022. Lors de cette rencontre, la section de l’AMDH à Nador a porté à l’attention du Conseil la question des disparus.

Quelques jours seulement après les faits et avant même qu'aucune autopsie ne soit pratiquée, le procureur général près la cour d'appel de Nador a déclaré au CNDH, que les forces de sécurité marocaines n'avaient pas fait un usage excessif de la force ou des armes à feu, et que des personnes étaient mortes asphyxiées dans la bousculade.

Le CNDH a publié des conclusions préliminaires en juillet 2022 faisant largement écho à la version officielle des autorités. Selon ce document, « les décès enregistrés ont été causés par asphyxie mécanique sur suffocation provoquée par la bousculade et l’agglutination du nombre important de victimes dans un espace hermétiquement clos, avec mouvement de foule en panique »[45].

La question des disparitions ne figure explicitement pas dans le rapport. Néanmoins, le Conseil salue « la décision d’effectuer des autopsies visant à déterminer les circonstances des décès, ainsi que les analyses ADN à même de garantir le droit des familles des défunts et leur inclusion dans les dossiers des procès »[46].

En mars 2023, les autorités marocaines ont demandé aux familles soudanaises de partager des échantillons d'ADN à comparer avec les restes[47]. Néanmoins, la dégradation de la situation sécuritaire au Soudan depuis le 15 avril 2023 a considérablement compliqué ce processus. Pour cette raison, les tests réalisés par les familles au Soudan n’ont pas été transférés au Maroc.

Selon Human Rights Watch, le « gouvernement marocain n’a pas facilité l’accès au pays pour certaines personnes à la recherche de leurs proches. Trois hommes vivant au Soudan et en Europe ont déclaré avoir dû faire face à des procédures administratives longues et compliquées pour demander des visas, et dans deux cas, l'ambassade du Maroc au Soudan a tout simplement refusé de prendre leurs demandes »[48].

Les personnes à la recherche de proches disparus qui ont pu se rendre au Maroc n’ont pas été autorisées à entrer dans la morgue pour voir les corps, y compris dans les trois mois qui ont suivi le 24 juin malgré les instructions claires des autorités judiciaires, ce qui est contraire à la pratique normale, et elles se sont vues montrer des photographies à la place. La police judiciaire s’est contentée de montrer aux familles les photos des cadavres à la place.

Le 28 juin 2022 et le 15 juillet 2022 la section de l’AMDH à Nador a envoyé deux courriers au procureur général près la cour d’appel de Nador demandant aux autorités marocaines d’ouvrir une enquête sur les évènements du 24 juin 2022 et d’identifier les morts et disparus.

Sur la base du courrier transmis le 15 juillet 2022, le procureur général près la Cour d’appel de Nador a transmis le dossier au Procureur général près la Cour de Cassation à la fin de l’année 2022. Ce dernier a ensuite demandé à la Brigade nationale de la police judiciaire à Nador d’enquêter sur la question des disparus.

Dans le cadre de cette enquête, la section de l’AMDH à Nador a été auditionnée à deux reprises par la brigade nationale de la police judiciaire. Le 16 février 2023, la section de l’AMDH à Nador a demandé par courrier au Procureur général de connaître le nombre et l'identité des cadavres qui ont été identifiés dans le cadre de cette enquête. Le courrier du 10 février 2023 est resté sans réponse. A la date de rédaction du présent rapport, la section de l’AMDH à Nador ignore les résultats de cette enquête. Elle craint cependant qu’elle n’ait été classée par le Procureur général près la Cour de Cassation.

La question des disparitions provoquées par le drame du 24 juin 2022 a fait l’objet en septembre 2023 d’une Allégation générale du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires adressée au Maroc et à l’Espagne[49], à laquelle le Maroc a répondu.

Dans cette allégation générale, le Groupe de travail a conclu que :

De manière générale, aucun des deux États (Espagne et Maroc) n'aurait adopté de mesures pour rechercher les migrants disparus, compte tenu notamment de ce qui est établi par les Principes directeurs concernant la recherche de personnes disparues et, en particulier, par le Principe 9, qui exige que la recherche doit tenir compte de la vulnérabilité particulière des migrants. À cet égard, nous rappelons à nouveau le rapport thématique susmentionné sur les disparitions forcées dans le contexte de la migration (paragraphes 67 à 69).

De même, les mesures nécessaires n'ont pas été adoptées pour protéger les tombes clandestines et les lieux de sépulture mentionnés et empêcher des cas d'altération, de manipulation et de destruction des dépouilles mortelles. Les mesures nécessaires n'ont pas non plus été prises pour garantir que les exhumations soient effectuées conformément aux dispositions de la version révisée du Manuel des Nations Unies pour la prévention efficace des exécutions extrajudiciaires, arbitraires ou sommaires et les enquêtes efficaces sur celles- ci (le Protocole du Minnesota relatif aux enquêtes sur les décès résultant potentiellement d’actes illégaux, 2016).

Nous avons été averti par la section de Nador de l’AMDH que, les 6 et 12 juin 2024, les autorités marocaines avaient procédé de manière discrète à une douzaine d’inhumations de personnes décédées le 24 juin 2022. Durant les mois de mai, juin et juillet 2024, le nombre d’enterrement a atteint le nombre de 51 cas selon les données de la Municipalité de Nador rapportées par l’AMDH de Nador. Les nouvelles tombes n’affichent pas ou peu d’informations. Lorsque des informations sont affichées sur la tombe, elles ne permettent pas l’identification du défunt. Tandis que certaines tombes ne portent aucune information, pas même le numéro dans le registre des services municipaux, les informations sur les tombes qui en portent se limitent au genre de la victime, la date d’enterrement, et le numéro de tombe inscrit dans le registre de la municipalité de Nador.

De plus, selon l’AMDH de Nador, ces inhumations ont été effectuées sans passer par la municipalité de Nador, qui est pourtant la seule administration juridiquement responsable du cimetière de Nador.

Étant donné que le comptage des tombes de ce genre effectué par l’AMDH au cimetière de Nador s’approche de 100, celle-ci estime que la majorité des cadavres du 24 juin ont désormais été enterrés sans aucune identification.

Recommandations :

  • Réviser la législation actuelle sur l’immigration pour garantir le respect des obligations internationales du Maroc, notamment en ce qui concerne les droits fondamentaux des migrants entrant dans le pays ;
  • Accélérer la création d’une loi sur l’asile qui assure pleinement les droits des demandeurs d'asile, y compris leur liberté de se déplacer vers d’autres pays ;
  • Mettre fin à la politique de renvoi des migrants des pays européens vers le Maroc, ou via le Maroc, car elle est contraire au droit de libre circulation ;
  • Cesser la conclusion d’accords de retour avec des pays africains sous prétexte d’ « intégration », comme le propose l’Organisation internationale pour les migrations.
  • Arrêter de mettre en œuvre les mandats d’arrêt du Conseil des Ministres de l’Intérieur Arabes tant que la Convention de Riyad n’est pas conforme aux standards internationaux.

5.1 Infraction autonome (article 4)

L’État partie reconnaît dans son rapport qu’en l’état actuel, la législation interne n’apporte pas de définition de la disparition forcée, telle qu’exigée par la Convention[50]. Cette lacune avait déjà été identifiée dans le rapport final de l’IER qui avait appelé l’Etat partie à préciser la définition des violations grâces et leurs contextes, notamment la disparition forcée[51].

Néanmoins, il convient de noter que l’article 23 de la Constitution de 2011 précise que « la détention arbitraire ou secrète et la disparition forcée sont des crimes de la plus grande gravité et exposent leurs auteurs aux punitions les plus sévères. »

Par ailleurs, le Code pénal de l’Etat partie incrimine certains actes qui figurent dans la définition du crime de disparition forcée telle qu’inscrite dans la Convention, comme la détention arbitraire et l’enlèvement. En effet, la section IV du Code pénal traite des « atteintes portées par des particuliers à la liberté individuelle, de la prise d’otages et de l'inviolabilité du domicile ».

L’article 225 du Code pénal stipule notamment que : 

Tout magistrat, tout fonctionnaire public, tout agent ou préposé de l’autorité ou de la force publique qui ordonne ou fait quelque acte arbitraire, attentatoire soit à la liberté individuelle, soit aux droits civiques d’un ou plusieurs citoyens, est puni de la dégradation civique. S'il justifie avoir agi par ordre de ses supérieurs hiérarchiques dans un domaine de leur compétence, pour lequel il leur devait obéissance, il bénéficie d'une excuse absolutoire. En ce cas, la peine est appliquée seulement aux supérieurs qui ont donné l'ordre. Si l’acte arbitraire ou attentatoire à la liberté individuelle a été commis ou ordonné dans un intérêt privé ou pour la satisfaction de passions personnelles, la peine encourue est celle édictée aux articles 436 à 440.

De plus, l’article 436 pourrait également s’appliquer aux agents de l’État puisqu’il couvre les actes qui ont été exécutés avec port d'un uniforme. Il couvre également des actes commis par des personnes ou des groupes de personnes agissant sans l'autorisation, l'appui ou l'acquiescement de l’État puisqu’il punit ceux qui, sans ordre des autorités constituées et hors le cas où la loi permet ou ordonne de saisir des individus, enlèvent, arrêtent, détiennent ou séquestrent une personne quelconque.

Quand bien même le crime de disparition n’a toujours pas été érigé en infraction autonome dans le Code pénal marocain, nous prenons note du fait que l’État partie affirme dans ses Réponses à la liste des points qu’il existe un projet de révision du Code pénal comprenant une définition de l’infraction de disparition forcée. L’État partie affirme également que celle-ci correspond à la définition donnée à l’article 2 de la Convention et prévoit des peines proportionnées à la gravité des infractions commises.

Le Projet de loi n° 10.16 modifiant et complétant le Code pénal prévoit en effet l’ajout de l’article 231-9[52]. Celui-ci définit la disparition forcée de la manière suivante :

Par disparition forcée, on entend toute détention, enlèvement ou toute autre forme de privation de liberté commis par des agents publics ou des personnes agissant avec le consentement, l'autorisation ou le soutien de l'État, suivis d'un refus de reconnaître la privation de liberté ou de dissimulation du sort ou du lieu où se trouve l'intéressé, la privant ainsi de sa liberté et de la protection que lui accorde la loi.

Le Projet de loi prévoit également une peine de prison de 10 à 20 ans d'emprisonnement et une amende de 10 000 à 100 000 dirhams.

Selon le CNDH, le projet de loi ne comporterait pas de disposition incriminant les disparitions forcées commises par des personnes privées (sans l’intervention des agents de l’Etat), contrairement aux dispositions de l’article 3 de la Convention.

Selon les informations dont nous disposons, le projet de loi n° 10.16 n’a pas encore été adopté. En septembre 2021, le texte aurait été retiré du circuit parlementaire après avoir été introduit en 2016[53].

Recommandations :

  • Appliquer les dispositions de la Convention en veillant à ce que la législation nationale soit conforme au droit international des droits humains, et en garantissant que la Convention prévaut sur le droit local devant les instances judiciaires ;
  • Accélérer l’adoption du projet de Code pénal en y intégrant les propositions et recommandations du Conseil national des droits de l’homme ainsi que des organisations professionnelles et de défense des droits humains, et le soumettre au Parlement dans les plus brefs délais.

6.1 Garanties fondamentales, droit à la liberté et à la sécurité

Pour protéger contre les disparitions forcées, il est crucial de les reconnaître comme un crime distinct dans le droit pénal marocain, conformément à la définition internationale, et de les punir sévèrement. La criminalisation doit inclure tous les aspects de la responsabilité pénale, y compris la commission, la demande, la sollicitation, l’incitation, la tentative de commission ou la participation au crime de disparition forcée, avec des sanctions explicites pour les responsables.

En outre, les citoyens doivent bénéficier de garanties fondamentales afin de prévenir la commission du crime de disparition forcée. Les procédures et mesures qui protègent les droits et libertés fondamentaux des citoyens, garanties par la Constitution et la législation nationale pertinente, sont souvent violées et bafouées en toute impunité, notamment au vu de la faiblesse, voire de l’absence, de contrôle et de responsabilité des services de sécurité par les autorités législatives et judiciaires.

L’article 66 du Code de procédure pénale (CPP) marocain consacre un certain nombre de garanties fondamentales dès l’instant où intervient la privation de liberté. En effet, cet article dispose que :

Si la nécessité de l’enquête exige que l’officier de police judiciaire maintienne sous sa surveillance une ou plusieurs personnes mentionnées à l’article 65 ci-dessus, il peut les placer sous garde à vue pour une durée n’excédant pas 48 heures, à compter de l’heure de leur arrestation et le ministère public en sera informé.

Avec l’autorisation écrite du ministère public, en raison de la nécessité d'une enquête, la période de garde à vue théorique peut être prolongée une fois, de vingt-quatre heures.

S’il s’agit d’une atteinte à la sécurité intérieure ou extérieure de l’État, la durée théorique de la garde est de quatre-vingt-seize heures, renouvelable une fois, sur autorisation du ministère public.

Si l’affaire est liée à un crime terroriste, la durée théorique de la garde à vue est de quatre-vingt-seize heures, qui peut être prolongée deux fois pour une durée de quatre-vingt-seize heures à chaque fois, sur la base d'une autorisation écrite du ministère public.

Une personne placée en garde à vue, si celle-ci est prolongée, a le droit de demander à l'officier de police judiciaire de prendre contact avec un avocat. L’avocat commis d'office a également le droit de contacter la personne placée en garde à vue.

Le contact est pris avec l’autorisation du ministère public, à compter de la première heure de la période de prolongation de la garde à vue théorique pour une durée n’excédant pas trente minutes, sous le contrôle d’un officier de police judiciaire dans des conditions garantissant la confidentialité de l’entretien.

Toutefois, s’il n’est pas possible d’obtenir une autorisation du ministère public, notamment en raison de la distance, l'officier de police judiciaire autorise exceptionnellement l'avocat à contacter la personne.

Au vu de ce qui précède, le droit marocain ne respecte pas un certain nombre de garanties fondamentales consacrées par le droit international des droits humains.

Par exemple, le Comité contre la torture demande aux Etats de garantir le droit de tous les accusés à consulter un avocat avant l’interrogatoire et à la présence d’un avocat pendant celui-ci[54]. Toutefois, la loi marocaine ne prévoit aucune garantie du droit de consulter un avocat pendant la phase initiale de la garde à vue. En effet, le Code de procédure pénale prévoit que l’accès à un avocat n’est possible qu’après la première prolongation de la durée initiale de la garde à vue et après l’accord de l’officier de la police judiciaire et du ministère public, c’est à dire au bout de 48 heures pour les personnes inculpées d’infractions de droit commun et de 96 heures pour les personnes inculpées d’infractions de terrorisme ou d’atteinte à la sécurité intérieure et extérieure de l’Etat.

De plus, selon l’article 9.3 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (ci-après PIDCP), tout individu arrêté ou détenu du chef d’une infraction pénale doit être traduit devant un juge “dans le plus court délai”. Le Groupe de travail sur la détention arbitraire de l’ONU s’est quant à lui de nombreuses fois prononcé sur le fait que, “quarante-huit heures suffisent généralement à satisfaire à l’exigence de traduire un détenu devant un juge dans le “plus court délai”, tout délai supérieur devant rester absolument exceptionnel et être justifié par les circonstances”[55].

Cependant, à teneur de l’article 66 du CPP marocain, les gardes à vue peuvent durer jusqu’à huit jours lorsque l’affaire est liée à une atteinte à la sécurité intérieure ou extérieure de l’Etat, et jusqu’à douze jours pour les personnes inculpées de terrorisme. Cette prolongation est d’autant plus inquiétante au vu du manque de conformité au droit international des droits humains de la législation marocaine relative au terrorisme (voir section 6.2 du présent rapport). Par exemple, Nasser Zezafi, leader du mouvement populaire du Hirak du Rif, a subi une garde à vue de huit jours pour atteinte à la sécurité intérieure de l’Etat en 2017[56], à l’image de nombreux autres activistes du Hirak du Rif. Ces activistes, qui ont été condamnés lors d’un procès collectif de 53 plaignants, ont pour la plupart subi de longues gardes à vue, sans possibilité de consulter un avocat avant ou pendant leurs interrogatoires[57].

Un projet de réforme du Code de procédure pénale est actuellement en cours au Maroc. Ce projet a été présenté sous forme de projet de loi devant le conseil du gouvernement le 27 juin 2024[58]. Cette réforme porte sur 421 articles du Code actuel et se base supposément sur les recommandations de l’Instance équité et réconciliation et du Conseil national des droits de l’Homme.

6.2 Mise en place d’un régime d’exception pour les actes qualifiés de terrorisme (article 1.2)

La définition d’actes de terrorisme dans la loi marocaine est particulièrement vaste et vague, contrevenant au principe de légalité. En effet l’article 218-1 du Code pénal note que :

Constituent des actes de terrorisme, lorsqu’elles sont intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but l’atteinte grave à l’ordre public par intimidation, la terreur ou la violence, les infractions suivantes :

  1. l’atteinte volontaire à la vie des personnes ou à leur intégrité, ou à leurs libertés, l’enlèvement ou la séquestration des personnes ;
  2. la contrefaçon ou la falsification des monnaies ou effets de crédit public, des sceaux de l’Etat et des poinçons, timbres et marques, ou le faux ou la falsification visés dans les articles 360, 361 et 362 du présent code ;
  3. les destructions, dégradations ou détériorations ;
  4. le détournement, la dégradation d’aéronefs ou des navires ou de tout autre moyens de transport, la dégradation des installations de navigation aérienne, maritime et terrestre et la destruction, la dégradation ou la détérioration des moyens de communication ;
  5. le vol et l’extorsion des biens ;
  6. la fabrication, la détention, le transport, la mise en circulation ou l’utilisation illégale d’armes, d'explosifs ou de munitions ;
  7. les infractions relatives aux systèmes de traitement automatisé des données ;
  8. le faux ou la falsification en matière de chèque ou de tout autre moyen de paiement visés respectivement par les articles 316 et 331 du code de commerce ;
  9. la participation à une association formée ou à une entente établie en vue de la préparation ou de la commission d’un des actes de terrorisme ;
  10. le recel sciemment du produit d’une infraction de terrorisme.

Nous rappelons que la définition de terrorisme du Rapporteur spécial sur les droits humains et la lutte anti-terroriste de l’ONU, qui reflète les meilleures pratiques internationales en matière de lutte contre le terrorisme demande à ce que le terrorisme soit définit selon ces trois éléments cumulatifs: (a) les moyens utilisés doivent être mortels ; (b) l’intention de l’acte doit être de susciter la peur au sein de la population ou de contraindre un gouvernement ou une organisation internationale à faire ou à s’abstenir de faire quelque chose ; et (c) l’objectif doit être de promouvoir un objectif idéologique[59]. Ces éléments cumulatifs ne se retrouvent pas dans la définition marocaine du terrorisme, ce qui pose de nombreuses questions quant au respect des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste au Maroc.

Pour les personnes inculpées de terrorisme, il existe un vaste régime d’exception. Celui-ci se retrouve dans la loi n°03-03 relative à la lutte contre le terrorisme de mai 2003[60]. Cette loi ajoute notamment l’alinéa neuf à l’article 66 du Code de procédure pénale qui stipule que :

En cas d’une infraction de terrorisme ou des infractions visées à l’article 108 de la présente loi et si les nécessités de l’enquête l’exigent, le représentant du ministère public peut, à la demande de l’officier de police judiciaire, retarder la communication de l’avocat avec son client sans que ce retard ne dépasse quarante-huit heures à compter de la première prolongation.

Une personne inculpée de terrorisme peut donc rester un total de six jours sous garde à vue sans avoir le droit de consulter un avocat. Cela est particulièrement alarmant, d’autant plus qu’il n’y a pas de garantie que la personne inculpée puisse communiquer avec sa famille ou ses proches. Ainsi, il existe un réel risque de détention au secret pour les personnes inculpées de terrorisme. 

De plus, la loi n°03-03 ajoute également un quatrième alinéa à l’article 108 du Code de procédure pénale, qui prévoit que :

Toutefois, le procureur général du Roi, peut, exceptionnellement, en cas d’extrême urgence, lorsque les nécessités de l’enquête exigent la célérité par crainte de disparition de moyens de preuve, ordonner par écrit l’interception des appels téléphoniques ou des communications effectuées par les moyens de communications à distance, de les enregistrer, d’en prendre copies et de les saisir, lorsque l’infraction porte atteinte à la sûreté de l’Etat, lorsqu’il s’agit d’une infraction de terrorisme ou lorsqu’elle est relative aux stupéfiants, aux substances psychotropes, aux armes, munitions et explosifs, à l’enlèvement des personnes ou à la prise d’otage.

Cet article est particulièrement problématique car il ne prévoit pas de contrôle judiciaire, puisque l’autorisation d’un juge n’est pas nécessaire. De plus, l’expression “en cas d’extrême urgence” est particulièrement vague et déroge au principe de lex certa. Enfin, l’article ne prévoit pas de garanties spécifiques concernant la protection de données personnelles recueillies lors de ces interceptions, telle que la durée de conservation des enregistrements, ou la condition de leur destruction.

Avec la promulgation de la loi n° 03.03, une cellule a été mise en place à la Cour d’appel de Rabat pour examiner les dossiers et suivre les procédures durant la phase d’enquête préparatoire ainsi que devant le tribunal. Parallèlement, une chambre criminelle spécialisée dans les affaires de terrorisme a été établie au tribunal de première instance de Salé. Dans ce cadre, le Bureau Central des Investigations Judiciaires (BCIJ), rattaché à la Direction Générale de la Surveillance du Territorire (DGST), a reçu la mission exclusive de mener les enquêtes et de suivre les affaires de terrorisme au Maroc, en coordination avec le parquet général de la Cour d’appel de Rabat, qui est compétent au niveau national pour traiter ces affaires.

Il convient de noter ici que la lutte contre le terrorisme au Maroc repose fortement sur une approche purement sécuritaire et de renseignement ; elle est donc entourée d’un voile de secret, qui empêche les organisations de défense des droits humains de suivre et de contrôler le degré de respect des garanties et des procédures légales, notamment lors des arrestations, des détentions et des enquêtes, ce qui lui confère un caractère exceptionnel.

6.3 Absence d’application des garanties fondamentales existantes

Bien que la loi marocaine consacre un ensemble de garanties juridiques pour limiter la privation de liberté, notamment la présomption d'innocence et le caractère exceptionnel des mesures privatives de liberté, telles que la garde à vue et la détention provisoire, la pratique démontre une réalité différente. Notamment, le pourcentage de personnes en détention provisoire au Maroc est en augmentation constante. En effet, elle représentait environ 45,56% du nombre de détenus fin octobre 2021, soit le pourcentage le plus élevé enregistré depuis 2011.

Des délits mineurs peuvent également conduire au maintien en détention provisoire de l'accusé, comme en témoigne le grand nombre d'acquittements et d'amendes ou de condamnations avec sursis. Ainsi, la durée moyenne de détention provisoire en 2020 était d’environ 9 mois.

Les autorités judiciaires marocaines affirment que la rationalisation du recours à la détention provisoire doit figurer parmi les priorités de la politique pénale au Maroc. Cela a été soutenu, en théorie, par les notes émises par la Présidence du Ministère public, qui exhortent les juges du Ministère public à ne pas engager des arrestations en cas de poursuites, sauf s'il existe des justifications légales spécifiées aux articles 47, 73 et 74 du Code de procédure pénale. Ceux-ci représentent les cas de flagrant délit, la gravité de l'acte criminel, le manque de garanties de présence et l’existence des preuves solides que le suspect a commis le crime. Ces instructions et directives sont rarement mises en œuvre, engendrant ainsi l’augmentation continue du pourcentage de personnes en détention provisoire au Maroc.

En pratique, le non-respect des garanties fondamentales, qui se manifeste par des violations des conditions d'intégrité et d'indépendance des enquêtes, de l'intégrité des procédures juridiques pour engager une action en justice et par l’absence des exigences d'un procès équitable, a conduit, dans de multiples cas, à l’arrestation, au procès et à l’emprisonnement de plusieurs journalistes, comme Tawfiq Bouachrine[61], Soulaimane Raissouni[62] et Omar Radi[63], ou encore certains blogueurs et militants des réseaux sociaux.

Recommandations :

  • Assurer le respect de l'État de droit à tous les niveaux, en appliquant la loi de manière non discriminatoire et en réformant la politique pénale pour corriger ses lacunes, telles que les limitations dans les enquêtes criminelles et l’incompatibilité avec les accords internationaux ;
  • Garantir l’indépendance effective du pouvoir judiciaire, en restreignant l’influence du ministère public et en plaçant la police judiciaire sous la supervision des autorités judiciaires ;
  • Conduire les enquêtes, poursuites et procédures judiciaires avec diligence, en tenant compte de la complexité des cas de disparition forcée, du contexte des événements et des schémas explicatifs, tout en veillant à ne pas omettre la collecte de preuves ou l’exploration des pistes d’enquête ;
  • Informer et mobiliser les forces de l'ordre sur l'importance et l'urgence des enquêtes, en les encourageant à poursuivre les enquêtes sur les disparitions forcées, indépendamment du temps écoulé, et en leur fournissant les moyens nécessaires ;
  • Respecter les droits humains dans le traitement des affaires de terrorisme, en garantissant que les procédures sécuritaires et judiciaires respectent les normes des droits humains ;
  • Abroger la loi n° 03.03 sur la lutte contre le terrorisme et adopter une définition du terrorisme conforme aux normes internationales des droits humains ;
  • Permettre au gouvernement et au Parlement de surveiller et d’auditer toutes les agences de sécurité et de renseignement affiliées à la Sûreté Nationale, à la Gendarmerie et à l’Armée Royale, en clarifiant leurs tâches et pouvoirs ;
  • Rationaliser la détention provisoire en activant le contrôle judiciaire et en adoptant des peines alternatives ;
  • Imposer un contrôle judiciaire sur les décisions d'emprisonnement et les demandes de liberté provisoire ;
  • Activer le travail de l’Institution de libération conditionnelle, en soulignant la responsabilité des agences étatiques dans la réhabilitation des personnes libérées par la supervision et l’assistance ;
  • Reconsidérer le statut du mécanisme national de prévention de la torture, pour préserver son indépendance financière et fonctionnelle et lui permettre de faire des visites inopinées dans les centres de détention, conformément au Protocole facultatif annexé à la Convention contre la torture ;
  • Assurer aux victimes de disparitions forcées un accès légal à la vérité et à la justice, en mettant en place des mesures spécifiques pour encourager l’accès à ces moyens, offrir une aide juridique gratuite et promouvoir la participation active des victimes dans les enquêtes et procédures judiciaires ;
  • Interdire aux services de sécurité d’interférer dans les enquêtes sur ces crimes, avec des sanctions possibles en cas d’interférence ;
  • Veiller à ce que le mécanisme de responsabilisation judiciaire couvre toutes les étapes des procès et procédures judiciaires, et fournisse des informations aux familles des personnes disparues.
 

[1] Comité des disparitions forcées, Rapport soumis par le Maroc en application de l’article 29 (par. 1) de la Convention, attendu en 2015, 10 septembre 2021, UN Doc. CED/C/MAR/1 (ci-après : « Rapport de l’État partie »).

[2] Comité des disparitions forcées, Liste de points concernant le rapport soumis par le Maroc

en application de l’article 29 (par. 1) de la Convention, 5 octobre 2022, UN Doc. CED/C/MAR/Q/1 (ci-après : « Liste de points »).

[3] Réponse du Maroc à la Liste de points concernant le rapport initial soumis par le Maroc au Comité des disparitions forcées, 28 septembre 2023, UN Doc. CED/C/MAR/RQ/1 (ci-après : « Réponse du Maroc à la Liste de points »).

[4] Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires, Rapport du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires, 26 juillet 2024, UN Doc. A/HRC/57/54, p. 11.

[5] Comité des disparitions forcées, Rapport du Comité des disparitions forcées, 25è session (11-29 septembre 2023), 26è session (19 Février - 1 Mars 2024), UN Doc. A/79/56, p.17.

[6] Comité des droits de l’Homme, Observations finales concernant le sixième rapport périodique du Maroc, 2 novembre 2016, UN Doc. CCPR/C/MAR/CO/6, § 5.

[7] Rapport du Sous-comité d’accréditation de la GANHRI – février & mars 2023, disponible ici: https://www.ohchr.org/sites/default/files/documents/countries/nhri/ganhri/SCA-Report-First-Session-2023-FR.pdf (consulté le 9 juillet 2024).

[8] Décret n° 2-11-150 du 11 avril 2011 portant création d'une délégation interministérielle aux droits de l'Homme et fixant ses attributions et son organisation, disponible ici : http://bdj.mmsp.gov.ma/Fr/Document/8950-D%C3%A9cret-n-2-11-150-du-7-joumada-I-1432-11-avril-2.aspx?KeyPath=594/681/697/8950 (consulté le 17 juillet 2024).

[9] Aymane Jaouhar pour TelQuel, “Droits humains : la DIDH fustige Amnesty International pour son dernier rapport sur le Maroc”, 1 avril 2022, https://telquel.ma/instant-t/2022/04/01/droits-humains-la-didh-fustige-amnesty-international-pour-son-dernier-rapport-sur-le-maroc_1761738/ (consulté le 14 août 2024).

[10] Zeina Jnina pour Hespress, “La DIDH réfute les allégations du Human Rights Watch”, 26 janvier 2024, https://fr.hespress.com/349902-la-didh-refute-les-allegations-du-human-rights-watch.html (consulté le 14 août 2024).

[11] Amnesty International, Assez de demi-mesures, Faire face aux disparitions forcées au Maroc et au Sahara Occidental, p.2, août 2009, https://www.amnesty.org/fr/wp-content/uploads/sites/8/2021/05/MDE290052009FRENCH.pdf (consulté le 14 août 2024).

[12] Ibid.

[13] Jeune Afrique, « Que s’est-il vraiment passé le 23 mars 1965 », 21 mars 2005, https://www.jeuneafrique.com/86510/archives-thematique/que-s-est-il-vraiment-pass-le-23-mars-1965/, (consulté le 21 août 2024).

[14] Courrier International, « Maroc. Les victimes de la « révolte du pain » ont enfin une tombe », 9 septembre 2016, https://www.courrierinternational.com/article/maroc-les-victimes-de-la-revolte-du-pain-ont-enfin-une-tombe, (consulté le 21 août 2024).

[15] Le Monde, « Emeutes de la vie chère au Maroc », 23 janvier 1984, https://www.lemonde.fr/archives/article/1984/01/23/emeutes-de-la-vie-chere-au-maroc_3002845_1819218.html, (consulté le 21 août 2024).

[16] Le Monde, « Plu de quarante personnes auraient été tuées à Fès », 18 décembre 1990, https://www.lemonde.fr/archives/article/1990/12/18/plus-de-quarante-personnes-auraient-ete-tuees-a-fes_4166832_1819218.html, (consulté le 21 août 2024).

[17] Dahir n° 1.04.42 Du 19 safar 1425 (10 avril 2004) Portant approbation des Statuts de L’Instance Equité et Réconciliation.

[18] Human Rights Watch, La commission marocaine de vérité, 27 novembre 2005, https://www.hrw.org/fr/report/2005/11/27/la-commission-marocaine-de-verite/le-devoir-de-memoire-honore-une-epoque (consulté le 18 juillet 2024).

[19] Voir la Charte d'honneur relative aux engagements de l'Instance Equité et Réconciliation et des victimes participant aux auditions publiques, http://www.ier.ma/_fr_article.php?id_article=639.

[20] La commission marocaine de vérité, op. cit.

[21] Amnesty International, Maroc et Sahara occidental. Les promesses d'équité et de réconciliation

doivent être tenues, 6 janvier 2010, https://www.amnesty.org/fr/wp-content/uploads/sites/8/2021/07/mde290022010fra.pdf (consulté le 18 juillet 2024).

[22] Amnesty International, Maroc et Sahara occidental. Les promesses d'équité et de réconciliation

doivent être tenues, 6 janvier 2010, https://www.amnesty.org/fr/wp-content/uploads/sites/8/2021/07/mde290022010fra.pdf (consulté le 19 juillet 2024).

[23] Rapport final de l’IER, Volume 1, p.67.

[24] Conseil Consultatif des Droits de l’Homme du Maroc, Rapport sur le suivi de la mise en œuvre des recommandations de l’Instance Equité et Réconciliation, pp. 46-49.

[25] Ibid, p. 23.

[26] Information provenant de l’AMDH.

[27] Conseil Consultatif des Droits de l’Homme du Maroc, Rapport sur le suivi de la mise en œuvre des recommandations de l’Instance Equité et Réconciliation, pp. 36-37.

[29] Human Rights Watch, “Morocco, ‘Stop Looking for Your Son’, Illegal Detentions under the Counterterrorism Law”, p.1, Octobre 2010, https://www.hrw.org/sites/default/files/reports/morocco1010LR.pdf (consulté le 5 août 2024).  

[30] MENA Rights Group, Rida Benotmane, https://menarights.org/en/case/rida-benotmane-0, (consulté le 21 août 2024).

[31] Human Rights Watch, “Morocco, ‘Stop Looking for Your Son’, Illegal Detentions under the Counterterrorism Law”, p.37, Octobre 2010, https://www.hrw.org/sites/default/files/reports/morocco1010LR.pdf (consulté le 5 août 2024).  

[32] Amnesty International, Continuing abuses against individuals suspected of terrorism-related activities in Morocco, 16 juin 2010, https://www.amnesty.org/en/documents/mde29/013/2010/en/ (consulté le 5 août 2024).

[33] Comité contre la torture, Décision adoptée par le Comité au titre de l’article 22 de la Convention, concernant la communication no 846/2017, 10 mai 2019, UN Doc. CAT/C/66/D/846/2017, § 8.11.

[34] Liste de points, op. cit., § 23.

[35] L’article 563 du Code de procedure pénale dispose que les arrêts rendus par la Cour de cassation peuvent faire l’objet d’un recours en rétractation dans les cas suivants : a) contre les arrêts rendus sur la base de documents déclarés ou reconnus faux ; b) dans le but de rectifier les arrêts entachés d’une erreur matérielle manifeste, susceptible d’être réparée à l’aide d’éléments fournis par la décision elle-même ; c) en cas d’omission de statuer sur une demande présentée dans le cadre des moyens de preuve ou en cas de défaut de motivation de l’arrêt ; et d) contre les arrêts d’irrecevabilité ou de déchéance pour des motifs résultant d’indications considérées comme authentiques, mais qui se révèlent fausses suite à la présentation de nouveaux documents également authentiques.

[36] Saudi Arabia: a 4-year prison sentence for academic Osama al-Hasani https://aohr.org.uk/saudi-arabia-a-4-year-prison-sentence-for-academic-osama-al-hasani/ (consulté le 9 juillet 2024).

[37] Comité contre la torture, Observations finales concernant le deuxième rapport périodique de l’Arabie saoudite, 8 juin 2016, UN Doc. CAT/C/SAU/CO/2, § 17.

[38] La demande d’asile demeure à ce jour pendante devant le HCR.

[39] Human Rights Watch, Saudi Arabia: Reveal Status of Saudi-Australian, 4 mai 2021, https://www.hrw.org/news/2021/05/04/saudi-arabia-reveal-status-saudi-australian (consulté le 11 juillet 2024).

[40] MENA Rights Group, Transnational repression in the MENA: the role of regional organisations engaged in counter-terrorism, 4 July 2024, https://menarights.org/en/articles/transnational-repression-mena-role-regional-organisations-engaged-counter-terrorism (consulté le 14 août 2024).

[41] Human Rights Watch, Maroc/Espagne : Décès horribles de migrants près de la frontière à Melilla, 29 juin 2022, https://www.hrw.org/fr/news/2022/06/29/maroc/espagne-deces-horribles-de-migrants-pres-de-la-frontiere-melilla (consulté le 18 juillet 2024).

[42] Association Marocaine des Droits Humains – Section Nador–, La TRAGEDIE AU POSTE FRONTALIER

DE BARIO CHINO, 20 juillet 2022, disponible ici : https://crid.asso.fr/app/uploads/2022/11/AMDH-Nador-rapport-20072022.pdf (consulté le 15 juillet 2024).

[43] Amnesty International, ILS L’ONT FRAPPÉ À LA TÊTE POUR VOIR S’IL ÉTAIT MORT, 13 décembre 2022, https://www.amnesty.org/en/documents/mde29/6249/2022/en/ (consulté le 17 juillet 2024).

[44] AMDH, Année du plus grand massacre de migrants sur une barrière terrestre suite à un intervention coordonnée du Maroc et de l’Espagne, mai 2023, p. 33.

[45] CNDH, Incident tragique devant le point de passage entre Nador et Melilia Rapport préliminaire de la mission d’information mandatée par le Conseil national des droits de l’Homme, 13 juillet 2022 ; Rapport préliminaire-Mission d’information à Nador-Conclusions version française (medias24.com).

[46] Ibid.

[47] Human Rights Watch, Espagne/Maroc : Absence de justice pour les morts à la frontière de Melilla, 21 juin 2023,

https://www.hrw.org/fr/news/2023/06/21/espagne/maroc-absence-de-justice-pour-les-morts-la-frontiere-de-melilla (consulté le 18 juin 2024).

[48] Ibidem.

[49] Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires, Allégation générale (Espagne et Maroc), septembre 2023, https://www.ohchr.org/sites/default/files/documents/issues/disappearances/allegations/GA-Annex-II-Maroc.pdf (consulté le 11 juillet 2024).

[50] Rapport de l’État partie, op. cit., § 28.

[51] Conseil Consultatif des Droits de l’Homme, Rapport annuel sur la situation des droits de l’Homme au Maroc Année 2005 et 2006, p.21, https://www.ohchr.org/sites/default/files/Documents/HRBodies/HRCouncil/AdvisoryCom/Corruption/MoroccoNationalHRCReport.pdf, (consulté le 21 août 2024).

[52] Le projet de loi est disponible ici dans sa version arabe : https://www.chambredesrepresentants.ma/sites/default/files/loi/10.16.pdf (consulté le 17 juillet 2024).

[53] H24 info, Code pénal : le projet de réforme retiré du Parlement, 10 novembre 2021,

 https://www.h24info.ma/code-penal-le-projet-de-reforme-retire-du-parlement/ (consulté le 17 juillet 2024).

[54] Comité contre la torture, Observations finales sur le Kazakhstan, § 9(c), 21 novembre 2008, UN Doc. CAT/C/KAZ/CO/2, https://www2.ohchr.org/english/bodies/cat/docs/CAT.C.KAZ.CO.2.pdf (consulté le 3 août 2024).

[55] Avis du Groupe de travail sur les Détentions Arbitraires n° 35/2018, § 27 ; n°83/2018, § 47 ; n°32/2019, § 30 ; n° 33/2019, § 50 ; n°44/2019, § 54 ; n°45/2019, § 53 ; n°59/2019, § 51 ; n°65/2019, § 64 et n°79/2022 § 61.

[56] MENA Rights Group, Nasser Zefzafi, https://menarights.org/en/case/nasser-zefzafi-0,(consulté le 7 août 2024).

[57] Amnesty International, Maroc. Le procès d’appel du Hirak El-Rif est une occasion pour annuler des peines prononcées à l’issue d'un procès inéquitable., 17 décembre 2018, p.2, https://www.amnesty.org/fr/documents/mde29/9398/2018/fr/, (consulté le 7 août 2024).

[58] Mohamed Foulahi pour Maghreb Intelligence, « Maroc: voici ce qu’il faut retenir de la réforme du Code de procédure pénale qui sera présenté devant le conseil du gouvernement », 25 juin 2024, https://www.maghreb-intelligence.com/maroc-voici-ce-quil-faut-retenir-de-la-reforme-du-code-de-procedure-penale-qui-sera-presentee-devant-le-conseil-de-gouvernement/#:~:text=Plus%20concr%C3%A8tement%2C%20cette%20r%C3%A9forme%20a,usage%20des%20moyens%20audio%2Dvisuels, (consulté le 3 août 2024).

[59] Conseil des droits de l’Homme, Rapport du Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste, Martin Scheinin, 22 décembre 2010, UN Doc. A/HRC/16/51, https://daccess-ods.un.org/access.nsf/Get?OpenAgent&DS=A/HRC/16/51&Lang=F (consulté le 3 août 2024).

[60] Une copie de cette loi en français est disponible ici : https://cyrilla.org/api/files/1589189161978ctw8ncmw7r9.pdf (consulté le 21 août 2024).

[61] Le Monde, « Au Maroc, un journaliste incarcéré victime de « persécutions » selon sa famille », 19 mai 2023, https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/05/19/maroc-un-journaliste-incarcere-victime-de-persecutions-selon-sa-famille_6173970_3212.html, (consulté le 21 août 2024).

[62] MENA Rights Group, Soulaimane Raissouni, https://menarights.org/en/case/soulaimane-raissouni-0, (consulté le 21 août 2024).

[63] Le Monde, « Maroc : le journaliste Omar Radi condamné en appel à six ans de prison », 4 mars 2022, https://www.lemonde.fr/afrique/article/2022/03/04/maroc-le-journaliste-omar-radi-condamne-en-appel-a-six-ans-de-prison_6116061_3212.html, (consulté le 21 août 2024).