Détention arbitraire de l’activiste politique marocain Nasser Zefzafi depuis mai 2017

Détention arbitraire de l’activiste politique marocain Nasser Zefzafi depuis mai 2017

Nasser Zefzafi est un activiste politique et leader du Hirak populaire du Rif, arrêté le 29 mai 2017. Il a été accusé de deux crimes et de sept délits comprenant l’atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat, l’outrage à agents de la force publique et participation à une rébellion armée. Le 6 avril 2019, Zefzafi a été condamné en appel à 20 ans de prison.

Zefzafi est devenu le leader du Hirak du Rif, mouvement réclament plus de droit sociaux et économiques lors des manifestations pacifiques qui ont suivi la mort de Mouhcine Fikri en octobre 2016. Ces vagues de protestation ont été les plus importantes au Maroc depuis 2011, et étaient particulièrement actives dans la région du Rif. En tant que leader du mouvement, Zefzafi a protesté contre la marginalisation de la région du Rif.Le 26 mai 2017, Zefzafi a interrompu le sermon du vendredi à la mosquée Mohammed V d’Al Hoceima après que l’imam ait critiqué les protestations ayant lieu dans la région du Rif. Lors de son interruption, Zefzafi a accusé l’imam de se faire porte-parole des autorités et de manipuler la religion afin de dissuader la population de rejoindre le Hirak.

Trois jours après, le 29 mai, une douzaine de policiers de la Brigade Nationale de la Police Judiciaire (BNPJ) ont cassé la porte de la maison où Zefzafi et deux autres militants logeaient à El Harch. Lors de cette arrestation, Zefzafi a signalé avoir subi des actes de torture ainsi que des traitements cruels, inhumains et dégradants. Les policiers les ont ensuite conduits au poste de police d’Al Hoceima, puis à l’aéroport de la ville. Ils ont ensuite été emmenés, cagoulés et menottés, par hélicoptère au siège de la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN) à Casablanca.

Zefzafi a été maintenu en garde à vue à la DGSN de Casablanca du 29 mai 2017 au 5 juin 2017, sans n’avoir pu communiquer avec personne de l’extérieur, ni sa famille, ni ses avocats.

Le 5 juin 2017, M. Zefzafi a comparu devant le procureur du Roi de la cour d’appel de Casablanca qui l’a notamment accusé d’atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat, d’outrage à agents et participation à une rébellion armée. Ce même jour, Zefzafi a été transféré à la prison d’Oukacha de Casablanca où il a été placé en isolement pendant près d’un an, de septembre 2017 jusqu’à août 2018.

Le procès en première instance du Hirak du Rif s’est tenu entre septembre 2017 et juin 2018, avec plus de 80 audiences portant sur les 54 accusés s, devant le Chambre criminelle de la Cour d’appel de Casablanca. Tous les accusés étaient des personnes ayant par ticipé aux manifestations du mouvement du Hirak du Rif.

Durant le procès Zefzafi a affirmé que lors de sa garde à vue à Casablanca, des policiers l’avaient frappé en détention et avaient menacé de violer sa mère devant lui s’il ne signait pas d’« aveux ». En tout, 50 des 53 accusés ont déclaré que la police du siège de la BNPJ à Casablanca a fait pression sur eux, d’une manière ou d’une autre, pour qu’ils signent des aveux auto-incriminant sans pouvoir en lire le contenu. De plus, 21 d'entre eux ont déclaré que les policiers les avaient menacés de les violer ou de violer leurs épouses ou leurs jeunes filles.

Les 26 et 28 juin 2018, la Cour d’appel de Casablanca a condamné les 54 accusés à des peines de prison. Zefzafi a quant à lui été condamné à 20 ans d’emprisonnement.

En décembre 2018 le procès en appel a commencé et les audiences devant la Chambre de l’instruction près la Cour d’appel de Casablanca ont duré jusqu’au 5 avril 2019. Le procès d’appel n’a pas tenu compte des allégations de torture et n’a pas rejeté les « aveux » qui auraient été signés sous la torture ou autres traitements cruels ou inhumains.

Le 6 avril 2019, la Cour d’Appel de Casablanca a confirmé la peine de 20 ans d’emprisonnement à l’encontre de Zefzafi.

Le 11 avril 2019, Zefzafi a été transféré à la prison Ras El Ma de Fès, où il est resté jusqu’en 2020. Ensuite, il a été transféré à la prison de Tanger, où il est incarcéré jusqu’à ce jour.

Le 23 juin 2021, la Cour de cassation a confirmé les 20 ans d’emprisonnement de Zefzafi.

Le 19 janvier 2023, le Parlement Européen a adopté une résolution demandant la remise en liberté immédiate et inconditionnelles de Nasser Zefzafi ; condamnant les atteintes aux droits des manifestants pacifiques et des militants de la diaspora ; et déplorant les procès et condamnations iniques de 43 manifestants du Hirak, ainsi que les tortures qui leur ont été infligées en prison.

Estimant que la détention de Zefzafi est arbitraire, MENA Rights Group, en collaboration avec Freedom House et Committee For Justice, a envoyé une Demande d’Avis au Groupe de travail sur la détention arbitraire de l’ONU le 23 novembre 2023. Nous stipulons que sa privation de liberté découle directement de ses droits fondamentaux, notamment ses droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique.

Timeline

23 novembre 2023 : MENA Rights Group soumet une demande d’Avis au Groupe de travail sur la détention arbitraire de l’ONU pour Nasser Zefzafi.
19 janvier 2023 : Le Parlement Européen adopte une résolution demandant la libération de Nasser Zefzafi.
23 juin 2021 : La Cour de cassation confirme la peine de Zefzafi.
6 avril 2019 : La Cour d’appel de Casablanca confirme la peine de 20 ans d’emprisonnement de Zefzafi.
17 décembre 2018 : Début du procès en appel.
28 juin 2018 : La Cour d’appel de Casablanca condamne Zefzafi à 20 ans d’emprisonnement.
9 septembre 2017 : Début du procès collectif des54 accusés du Hirak du Rif devant la Chambre criminelle de la Cour d’appel de Casablanca.
5 juin 2017 : Zefzafi comparait devant le procureur du Roi de la Cour d’appel de Casablanca qui l’accuse de deux crimes et de sept délits, dont l’atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat, l’outrage à agents et participation à une rébellion armée.
29 mai 2017 : Zefzafi est violemment arrêté par une douzaine de policiers de la Brigade nationale de la police judiciaire à Al Hoceima. Il est ensuite emmené, cagoulé et menotté, par hélicoptère au siège de la Direction générale de la sûreté nationale à Casablanca.
26 mai 2017 : Zefzafi interrompt le sermon du vendredi à la mosquée Mohammed V d’Al Hoceima.
Fin octobre 2016 : Naissance du mouvement pacifique du Hirak du Rif dont Zefzafi devient le leader.