L’universitaire Maati Monjib condamné à un an de prison au terme d’une procédure irrégulière

L’universitaire Maati Monjib condamné à un an de prison au terme d’une procédure irrégulière

Maati Monjib est un universitaire et défenseur des droits humains franco-marocain. Il a été arrêté le 29 décembre 2020 dans le cadre d’une enquête ouverte le 7 octobre 2020 pour des « faits qui peuvent être considérés comme éléments constitutifs du délit de blanchiment de capitaux ». Les autorités lui reprochent une utilisation illégale de fonds en provenance d’ONG étrangères. Ces dernières n’ont pourtant jamais exprimé de doutes quant à la manière dont les fonds ont été utilisés. Cette enquête s’ajoute au procès ouvert depuis 2015 pour, entre autres, « atteinte à la sûreté intérieure de l'État ». Le 27 janvier 2021, il est condamné à un an de prison. Il est remis en liberté provisoire le 23 mars 2021 après avoir mené une grève de la faim de 19 jours en prison.

Maati Monjib est un universitaire et défenseur des droits humains franco-marocain. Il exerce également la profession de journaliste et est membre de l’Association marocaine du journalisme d'investigation (AMJI). Il est par ailleurs le fondateur du Centre Ibn Rochd d’études et de communication, une société à responsabilité limitée, actuellement inactive. Il préside l’ONG Liberté maintenant qu’il a créée avec le journaliste d’investigation Ali Anouzla.

Monjib s’exprime régulièrement sur la politique marocaine à travers les médias internationaux et via des groupes de réflexion et forums universitaires. Dans ce cadre, il a été amené à condamner les atteintes répétées aux droits humains au Maroc. Lors du mouvement de contestation dans la région du Rif entre octobre 2016 et août 2017, il avait exprimé son soutien aux manifestant·e·s.

En 2015, M. Monjib et six autres militants dont Hicham Mansouri, Hisham Almiraat, Mohamed Sber et Abdessamad Ait Aich, ont fait l'objet de poursuites dans le cadre d'un procès pour « atteinte à la sûreté intérieure de l'État » par « propagande » de nature à ébranler « la fidélité que les citoyens doivent à l'État et aux institutions du peuple marocain », et « escroquerie » sur la base des articles 206 et 540 du Code pénal. Les autorités lui ont également reproché d’avoir dirigé « une association se livrant à une activité autre que celle prévue par ses statuts » en vertu du décret royal n°1-58-376 réglementant le droit d’association.

Depuis l’ouverture de son procès en 2015, Monjib a comparu plus d’une vingtaine de fois devant le tribunal de première instance de Rabat. À chaque audience, le procès a été ajourné sans que les motifs de report ne soient communiqués à la défense.

En parallèle à cette procédure judiciaire, Monjib a fait l’objet d’une surveillance numérique illégale depuis au moins 2017, via le logiciel espion Pegasus, produit par l’entreprise israélienne NSO Group comme l’a révélé un rapport d’Amnesty International en octobre 2019.

Une attaque similaire ayant visé le journaliste marocain Omar Radi, actuellement en détention, avait été relevée par la Rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression et le Rapporteur spécial sur le droit à la vie privée dans une communication envoyée le 27 juillet 2020.

Le 7 octobre 2020, le parquet près le tribunal de première instance de Rabat, saisi par l'Unité de traitement du renseignement financier, a ouvert une nouvelle enquête visant M. Monjib et des membres de sa famille pour des « faits qui peuvent être considérés comme éléments constitutifs du délit de blanchiment de capitaux ».

Toutefois, selon Monjib, l’ouverture de cette enquête fait suite à ses prises de positions dans lesquelles il avait dénoncé le climat de répression visant les opposants politiques et le rôle joué par le rôle de la Direction générale de la surveillance du territoire. Il avait par ailleurs affiché son soutien aux journalistes Taoufik Bouachrine, Omar Radi et Suleiman Raissouni, actuellement en détention.

Le 29 décembre 2020, vers 15h, Monjib a été arrêté par des policiers en civil dans un restaurant de Rabat sans qu’un mandat ne lui soit présenté. Par ailleurs, il ne se trouvait pas en situation de flagrant délit pouvant justifier une arrestation dans de telles conditions.

Il a été immédiatement présenté, sans la présence de son avocat, devant le procureur qui l’a inculpé pour des « faits qui peuvent être considérés comme éléments constitutifs du délit de blanchiment de capitaux ». Monjib a ensuite été présenté, de nouveau sans son avocat, devant le juge d’instruction, lequel a ordonné son placement en détention provisoire.

Les autorités reprochent à Monjib une utilisation illégale de fonds étrangers destinés à financer des ateliers de formation en journalisme. En droit marocain, l’accusation de « blanchiment de capitaux » est le fait « d'acquérir, de détenir, d'utiliser, de convertir de transférer ou de transporter des biens ou leurs produits dans le but de dissimuler ou de déguiser la nature véritable ou l'origine illicite de ces biens, dans l'intérêt de l'auteur ou d'autrui lorsqu'ils sont le produit de l'une des infractions prévues à l'article 574-2 [du Code pénal] ».

Or, les fonds reçus par Monjib proviennent d’ONG internationalement reconnues, comme Free Press Unlimited, qui n’ont jamais été accusées d’avoir commis l’une des infractions citées à l’article 574-2 du Code pénal.

Les donateurs en question n’ont par ailleurs jamais émis de doutes quant à un supposé détournement des fonds alloués au Centre Ibn Rochd d'études et de communication. Les rapports annuels de Free Press Unlimited indiquent que les fonds destinés à la réalisation des formations en question ont été utilisés à bon escient. La même ONG a en outre publié un communiqué de presse le 15 janvier 2021 dans lequel Monjib est décrit comme un « partenaire respecté ».

Au regard du caractère arbitraire de l’arrestation de Monjib, du caractère infondé des poursuites et de la persistance des violations de ses droits à la liberté d’expression et d’association, MENA Rights Group a envoyé un appel urgent pour demander aux expert·e·s de l’ONU de bien vouloir intervenir auprès des autorités marocaines pour leur enjoindre de libérer M. Monjib et de lever toutes les poursuites à son encontre. 

Le 27 janvier 2021, Monjib est condamné par le tribunal de première instance de Rabat in abstentia à un an de prison ferme pour «atteinte à la sécurité intérieure de l’Etat» et «escroquerie alors que ni lui ni ses conseils n'avaient pas été notifiés que le verdict serait rendu ce jour là.

Il est remis en liberté provisoire le 23 mars 2021 après avoir mené une grèce de la faim de 19 jours en prison.

Timeline

23 mars 2021: Monjib est libéré provisoirement à la suite d’une grève de la faim de 19 jours.
27 janvier 2021: Monjib est condamné par le tribunal de première instance de Rabat in abstentia à un an de prison ferme pour «atteinte à la sécurité intérieure de l’Etat» et «escroquerie».
21 janvier 2021 : MENA Rights Group envoie un appel urgent à plusieurs titulaires de mandats au titre des procédures spéciales, dont la Rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression.
29 décembre 2020 : Monjib est arrêté à Rabat avant d’être présenté sans son avocat devant le procureur et le juge d’instruction.
7 octobre 2020 : Ouverture d’une enquête pour des « faits qui peuvent être considérés comme éléments constitutifs du délit de blanchiment de capitaux ».
Décembre 2019 : Amnesty International révèle que Monjib fait l’objet d’une surveillance numérique illégale depuis au moins 2017.
2015 : Monjib et six autres militants sont poursuivis pour, entre autres, « atteinte à la sûreté intérieure de l'État ».

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