Algérie: la criminalisation incessante des libertés fondamentales justifie une réponse urgente

17 يونيو 2021

En réponse à l'escalade répressive des autorités algériennes contre l'opposition et les forces indépendantes, MENA Rights Group, en coopération avec 81 organisations algériennes, régionales et internationales de défense des droits humains, a envoyé une lettre aux États membres des Nations-Unies appelant à une action urgente sur l'Algérie lors de la 47e session Conseil des Droits de l'Homme. Les organisations signataires ont exhorté les États membres à demander l'ouverture d'enquêtes rapides, indépendantes, impartiales et efficaces sur les allégations de torture et autres mauvais traitements commis par les autorités algériennes. La lettre a également demandé aux Etats d'adopter une position publique plus affirmée afin de protéger les Algérien(ne)s et leurs droits à la libre expression, association et réunion pacifique. Une note contenant plus d'informations sur l'évolution de la situation des droits humains en Algérie entre Mars et Mai 2021 a été envoyée avec la lettre.

Manifestation à Alger le 22 mars 2019, CC BY-SA 4.0

28 mai 2021

Mesdames, Messieurs,

Nous, organisations non gouvernementales algériennes, régionales et internationales soussignées, exhortons votre gouvernement, individuellement et conjointement avec d'autres États, à adresser la répression alarmante contre les manifestant-e-s pacifiques, journalistes, la société civile, les défenseur-e-s des droits humains et syndicalistes algérien-ne-s lors du 47e Conseil des Droits de l'Homme des Nations Unies (CDH).

Le niveau de répression a augmenté drastiquement et une position publique plus affirmée de la part des États est cruciale pour protéger les Algérien-ne-s exerçant leur droit à la liberté d'expression, d'association et de réunion.

Nous vous exhortons, dans les points pertinents de l'ordre du jour tels que le dialogue interactif avec la Haute-Commissaire au point 2 ou les débats interactifs avec les Rapporteurs Spéciaux sur la liberté d'expression et la liberté d'association et de réunion pacifique au point 3, à :

  • Condamner l'escalade de la répression contre les manifestant(e)s pacifiques, les journalistes et les défenseur(e)s des droits humains, notamment le recours excessif à la force, la dispersion forcée, l'intimidation des manifestant(e)s et les poursuites arbitraires incessantes, y compris pour de accusations fabriquées liées au terrorisme;
  • Exhorter les autorités à mettre fin à toutes les arrestations et poursuites arbitraires et à libérer toutes les personnes détenues arbitrairement;
  • Exiger des enquêtes rapides, indépendantes, impartiales et efficace sur les allégations de torture et autres mauvais traitements, y compris les allégations de violences physiques, sexuelles et psychologiques en détention et d'agressions physiques pendant les manifestations - pour garantir que les auteurs présumés soient tenus pour responsables dans le cadre de procès civils équitables;
  • Exhorter les autorités algériennes à modifier ou abroger les dispositions trop larges[1] du Code pénal et autres lois utilisées pour réprimer les droits et libertés fondamentaux, notamment la loi 12-06 relative aux associations et la loi 91-19 sur les réunions et manifestations publiques, conformément au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et à la Charte africaine des droits de l'Homme et des peuples (CADHP).

Suite à la reprise des manifestations pacifiques appelant à une véritable réforme démocratique (le «Hirak») en février 2021[2], le gouvernement a lancé une nouvelle campagne d'arrestations et de harcèlement judiciaire. Selon des activistes locaux qui surveillent la situation sur le terrain, au 26 mai, au moins 183 personnes sont détenues pour avoir exprimé leur point de vue en ligne ou pour avoir manifesté pacifiquement. 86 d'entre eux ont été condamné(e)s à des peines de prison entre le 16 et le 24 mai. Des vidéos ont également montré que la police battait des manifestant-e-s.

Malgré l'annonce d'une grâce présidentielle pour une trentaine de détenus du Hirak le 18 février 2021, aucun décret de grâce présidentielle n'a été publié à ce jour.

Au cours des deux derniers mois, des organisations algériennes et internationales ont condamné le recours à la force illégale contre les manifestant-e-s et leur intimidation, le harcèlement et les mauvais traitements des défenseur-e-s des droits, la poursuite de la détention arbitraire et le ciblage des journalistes, la criminalisation du débat sur les questions religieuses, et l’absence d’enquêtes sur les allégations de violences physiques et sexuelles en détention, notamment sur un mineur séparé de ses parents.

Les accusations de terrorisme portées contre 15 défenseur-e-s des droits humains, journalistes et manifestants pacifiques le 29 avril constituent une nouvelle et dangereuse escalade. Si elles sont poursuivies par le tribunal, elles pourraient créer un précédent inquiétant pour cibler les Algérien-ne-s appelant à des réformes.

L’année passée a vu une reconnaissance croissante de l'aggravation de la situation des droits humains en Algérie, y compris par le Haut-Commissariat aux Droits de l'Homme (HCDH) en mars et en mai 2021, le Parlement européen et la Chambre des communes du Canada. Lors du 45ème CDH, la Belgique a condamné le harcèlement judiciaire contre les journalistes et a appelé les autorités à garantir la liberté d'expression. Au cours du 46ème HRC, l'Islande a exprimé sa préoccupation concernant les fermetures forcées d'églises protestantes et l'application arbitraire des restrictions liées au COVID-19.

Le moment est venu pour les États membres des Nations-Unies d'adresser la criminalisation croissante des libertés d'association, de réunion pacifique et d'expression en Algérie. Nous pensons que cette répression qui s'intensifie répond aux critères qui justifient une action urgente au sein du CDH, tel qu'établis par l'Irlande en 2016.

Nous vous appelons donc à adresser ces développements individuellement et conjointement avec d'autres États lors de la prochaine 47ème session du CDH, afin de protéger les manifestant-e-s pacifiques, les défenseur-e-s des droits et les journalistes qui luttent pour la démocratie.

Nous vous remercions d'avoir pris en compte notre demande et sommes dans l'attente de votre réponse.

Cordialement,

Organisations algériennes signataires

Action for Change and Democracy (ACDA), Algerian League for the Defense of Human Rights (LADDH), Autonomous Union of Public Administration Personnel (SNAPAP), Assirem N'Yellis N'Djerdjer, Collective of the Families of the Disappeared in Algeria (CFDA), Canadian Committee for Human Rights in Algeria, Coordination FreeAlgeria, General Autonomous Confederation of Workers in Algeria (CGATA), Feminicides-DZ, National Committee for the Liberation of Detainees (CNLD), Riposte Internationale, SHOAA for Human Rights, Tharwa N’Fadhma N’Soumer

Organisations internationales signataires

Abductees’ Mothers Association - Yemen, Action by Christians for the Abolition of Torture (ACAT) - France, Adil Soz, Africa Freedom of Information Centre (AFIC), AfricanDefenders (Pan African Human Rights Defenders Network), Al Haq human rights foundation - Iraq , Aman organisation against Racial Discrimination - Libya, Americans for Democracy & Human Rights in Bahrain (ADHRB), Amnesty International, Article 19, Association Arts et Culture des Deux Rives, Association Citoyenneté, Développement, Cultures et Migration des Deux Rives, Association Le Pont Genève, Association of Civil Solidarity - Tunisia, Beity organisation - Tunisia, Belaady Organization for Human Rights - Libya, Bytes for All, Pakistan, Cairo Institute for Human Rights Studies (CIHRS), Canadians for Justice and Peace in the Middle East (CJPME), Cartoonist Rights Network (CRNI), Center for Media Freedom & Responsibility (CMFR), CIVICUS: World Alliance for Citizen Participation, Dhameer for Rights and freedom - Yemen, Egyptian Front for Human Rights (EFHR), Euromed Rights, Front Line Defenders, Global voices, Globe International Center, Growth foundation for development & improvement - Iraq, Gulf Centre for Human Rights (GCHR), Hadramout Foundation For Legal Support and Training- Yemen, Hassan Saadaoui Foundation for Democracy and Equality - Tunisia, Human Rights Watch, Index on Censorship, Initiative for Freedom of Expression- Turkey, International Federation for Human Rights (FIDH), within the framework of the Observatory for the Protection of Human Rights Defenders, International Service For Human Rights (ISHR), IPYS Venezuela, Justice without Chains – Libya, Maghreb Coordination of Human Rights Organizations (CMODH), Media Foundation for West Africa (MFWA), Media Institute of Southern Africa, Zimbabwe (MISA), MENA Rights Group, Moroccan Organisation for Human Rights (AMDH), Moroccan Organisation for the Defense of Human Rights (ASDHOM), National Center for Development Cooperation (CNCD 11.11.11), National Syndicate of Tunisian Journalists (SNJT), Nas Development and Human Rights Center - Yemen, PEN International, Project on Middle East Democracy (POMED), Reporters without Borders (RSF), Sam for freedom and rights - Yemen, Social Peace Promoting and Legal Protection - Yemen, South East Europe Media Organisation (SEEMO), Syrian Network for Human Rights (SNHR), Syrian Center for Media and Freedom of Expression (SCM), The Pacific Islands News Association (PINA), Together We Raise (social association) – Yemen, Tunisian Association for the Defense of Individual Liberties (ADLI), Tunisian Association of Democratic Women (ATFD), Tunisia Center for Freedom of the Press, Tunisian Forum for Youth Empowerment, Tunisian League for the Defense of Human Rights (LTDH), Tunisian Organisation against Torture (OCTT), Vigilance for Democracy and the Civic State - Tunisia, Watch for Human Rights - Yemen, World Association of Newspapers and News Publishers (WAN-IFRA), World Organisation Against Torture (OMCT), within the framework of the Observatory for the Protection of Human Rights Defenders, Yemeni Observatory for Human Rights - Yemen

 


[1] Notamment les articles. 75; 79; 95bis; 95bis 1; 96; 98; 100; 144; 144bis; 144bis 2; 146; 196bis; 296 et 298.

[2] Après leur suspension volontaire en mars 2020 en raison de la pandémie.

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